Les 24 anciens et les 4 animaux se prosternèrent et adorèrent Dieu qui siège sur le trône, et ils disaient AMEN, ALLELUIA…

Culte du dimanche 23 juin 2019

Lectures bibliques : Genèse 1, 20-31  Jean 1, 29-36  Apocalypse 19, 1-9

 

« Les vingt-quatre anciens
et les quatre animaux se prosternèrent,
ils adorèrent Dieu
Qui siège sur le trône
et dirent :
AMEN !
ALLELUIA … »

(Apoc. 19, 4)

 

Le chef de la chorale de David, serviteur du Seigneur, reconnait que son Dieu « vient au secours des hommes et des bêtes » (Psaume 36, 7). Voilà bien le résumé biblique de la prédication de ce dimanche que je vais consacrer à la question animale, comme on dit aujourd’hui.

Il y a là un ensemble de questions qui interrogent plus explicitement l’opinion publique, la réflexion morale, pour nous le témoignage biblique et pour le plus grand nombre la vie pratique et quotidienne aussi bien que notre économie et notre industrie.

Ces questions sont si nombreuses et diverses que c’est présomptueux de vouloir en parler pendant les vingt minutes d’une prédication normale. Je ne ferai donc que brosser à grands traits un tableau de la situation des animaux dans le monde moderne, leur sort, leur statut, leur vocation, leur compagnie.

D’où un plan en quatre parties distinctes pour la présentation, même si les problèmes évoqués sont complexes, interdépendants, délicats et susceptibles de déclencher des réactions inattendues, mais auxquelles je m’attends. Un mot pour sourire. Dans une excellente prédication entendue ici même sur l’épisode évangélique des vendeurs chassés du temple, mon excellent collègue a tout dit sauf une chose, savoir que parmi les bénéficiaires de cette purification cultuelle, il y avait les tourterelles qui ont pu s’échapper du sacrifice, s’envoler, retrouver la liberté, à moins de tomber sur un tir de pigeons organisé par les chasseurs du village voisin… Vous avez compris qu’avec cette mauvaise farce nous sommes au cœur du problème.

Je le décline donc en quatre parties, c’est scolaire comme copie de baccalauréat, mais je ne sais pas si je serai reçu par votre attention ou votre intérêt. Avec « oral de contrôle » à la sortie du culte !!
Voici donc successivement et sommairement :

  • Premièrement, l’opinion publique, ce qu’on raconte, dans les journaux et les revues, à la télé, dans les salons et dans les bars…
  • Ensuite, avec un peu de recul, l’état de la réflexion disons philosophique, scientifique, littéraire, ce que l’on peut raisonnablement penser.
  • Troisièmement, même si ce serait prioritaire pour des protestants, le témoignage biblique, la tradition juive et chrétienne selon les écritures.
  • Enfin, pour finir mais sans conclure, que pouvons-nous faire, que devons-nous faire, qu’est-ce qui est permis ou défendu, quel serait vis-à-vis des animaux un juste comportement de la société et de chacun d’entre nous ?

L’actualité de la question animale n’est pas à démontrer tant il en est partout chaque jour question. Comme si nous étions fatigués par les discussions proprement humaines, avec les musulmans ou les catholiques, les gilets jaunes et les intégristes, ceux qui sont en marche et les insoumis etc.… Parlons chien et chat, veau, vache, cochon, couvée et laissons tomber le pot au lait… Un autre disait : « plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien ». En désordre, on signale régulièrement le danger que représente le loup pour les troupeaux, comme l’ours pour les promeneurs, tandis que certains engrais chimiques menacent les abeilles, que des espèces sont en voie de disparition, des pingouins en demi-deuil sur la banquise qui fond, ou perroquets bigarrés dans les forêts d’Amazonie déboisées.

Il y a aussi cette nouvelle rubrique des animaux dans la guerre. J’y avais été sensibilisé par un page de Maurice Genevoix qui dans « Ceux de 14 » décrit l’agonie d’un cheval blessé et que personne n’a encore abattu… On entend aussi des plaidoyers convaincants sur les élevages intensifs de poules sans espace, de transport interminable de veaux entassés dans des camions d’Irlande en France, et bien sûr des abattoirs mal gérés et des animaux maltraités . On connait les excès de certaines indignations. Et puis il y a les souvenirs d’enfance, à la ferme, du cochon qu’on égorge et des poules saignées. Des oies gavées et des chatons noyés…
Mais j’arrête là ce bestiaire facile et tragique, sans pour autant ne pas omettre une autre série de problèmes plus spécifiques au respect qui serait dû aux animaux, depuis les combats de coq aux ergots métallisés et le hallali de la chasse à courre, jusqu’à la mise à mort des taureaux de corrida. Du nord au midi, je ne me fais pas que des amis.

 

Laissons donc l’actualité pour un second point qui concerne la réflexion philosophique, scientifique, morale et sociale. Et elle est actuellement aussi abondante que polémique, même si la question ne date pas d’hier.
Voyez plutôt François d’Assise, pour ne remonter qu’au Moyen Age, il prêche aux oiseaux et parle avec le loup, il chante la joie de Dieu au milieu de toutes ces créatures et nous offre un cantique cosmique à la vie, à la mort. Voilà pour les catholiques et les autres ? Tandis que notre Jean Calvin souligne « quant à la création de bêtes, Moïse use de deux mots », soit les animaux domestiques pour notre service et nourriture, soit les bêtes sauvages pour notre crainte et vigilance. Les victuailles et les batailles, la laine et les crocs, la providence pourvoit et surveille car « tout est grâce ».
Des théologiens plus modernes ont aussi traité la question animale pour reconnaitre que nous sommes, bêtes et gens, de la même création, souffrante certes, comme le dira Léon Bloy dans des pages admirables, équilibrées plus tard par St Exupéry qui dessine un mouton pour consoler son petit prince. Jean de la Fontaine avait usé et abusé de la gent animale pour croquer les gens de cour et les écuries de Versailles. Enfin des grands contemporains de chez nous, un Wilfred Monod ou un Jacques Ellul ont attiré l’attention des modernes sur la condition animale. Je leur dois beaucoup pour nourrir mon actuel propos… Mais deux grands noms encore pour leur plaidoyer au procès de la cause animale, Albert Schweitzer avec son protestantisme musical et animal, et le pape François soucieux de biodiversité respectueuse et de conversion écologique. Et l’inénarrable et indispensable Théodore Monod…

Mais je ne vous ai pas dit l’essentiel que voici et qui explique le renouveau et l’urgence de notre questionnement. C’est simple. Longtemps le statut des animaux a été réduit à la théorie de Descartes : les animaux ne pensent ni ne parlent, et sont des machines à vivre… Sauf qu’au XVIIe siècle un philosophe britannique, Jérémy Bentham posa une autre question : « Les animaux peuvent-ils souffrir ? » La souffrance animale deviendra un problème de société. Au point qu’en 1850 la loi Grammont prévoit une amende pour les cochers parisiens qui maltraitent leurs chevaux…

Voilà rapidement brossé l’état de la question. Mais que dit l’Écriture, selon l’autorité dernière que lui attribue la Réforme protestante. J’ai pris comme verset phare de cette réflexion la surprenante affirmation de l’Apocalypse dont vous savez qu’il n’est pas à une invraisemblance près, mais elles sont toutes significatives. « Que chacun, s’il a des oreilles écoute bien ce que l’Esprit dit aux Eglises. » (2,7) Et encore : « les 24 anciens –ou vieillards – et les 4 animaux, ou êtres vivants, adorèrent Dieu en disant : AMEN, ALLELUIA » (19,4).

Mais avant de conclure selon les intuitions de l’Apocalypse, j’en reviens au commencement biblique de cette histoire. Car les animaux sont présents dès la première page de la Bible. Cette civilisation rurale et patriarche de nos lointains ancêtres est habitée par 155 espèces animales différentes, avec 2 200 occurrences d’une mention les concernant. Il y aurait matière à étude biblique pendant des mois ! Avec au centre de l’épopée ce récit qui résume à la fois la création des vivants et leur salut au-delà du Déluge : l’arche de Noé raconte cette sublime histoire arrivée à la terre et à ses habitants de tout poil, sauvés des eaux sous l’arc-en-ciel de la vie. Avec cette antique béatitude : «  heureux comme un poisson dans l’eau ».
Nous en restons à la Genèse. Je vous en ai lu un passage dans une traduction originale. Le monde créé est ainsi au bout de six jours une sorte de jardin zoologique. Les poissons et les oiseaux y ont une priorité chronologique, et les animaux précèdent l’humain créé « mâle et femelle ». Ainsi l’être humain est-il de même nature que les autres animaux. De la même espèce en quelque sorte. Sauf que la Genèse comporte un second récit de la création dans lequel il n’y a plus de chronologie des sept jours de la semaine, mais le commencement d’une histoire où vont apparaitre successivement un homme issu de la poussière et une compagne tirée de sa chair ; car il n’a pas trouvé aide semblable à lui parmi les animaux inventés par le magicien de leur diversité. Contradiction avec l’autre récit. L’homme n’est pas tout à fait, il n’est même pas du tout de la même espèce que les autres êtres vivants. Là est le problème des modernes. Les uns nous disent d’une espèce unique et particulière, l’homme n’est pas seulement un animal ; c’est la théorie dite du « spécisme » de notre espèce. Pour leurs contradicteurs, l’homme appartient au contraire à l’espèce animale dont il est une production évoluée mais de la même espèce. Les « antispécistes » se manifestent alors comme les défenseurs de la cause animale, les justiciers de la faune, les amis des bêtes et les protecteurs de toutes les races.

Je n’en dis pas plus, sinon que je me situe dans la première catégorie, ne serait-ce que parce que l’homme est en effet cet animal unique et spécial qui se pos la question de son identité : QUI SUIS-JE, QUE SAIS-JE. Alors que les animaux sont là et que les bêtes n’y pensent pas. Ne peuvent en tous cas pas le dire, sauf si nous interprétons avec intelligence et bonté le regard d’un cheval triste, la tête basse d’un chien fatigué ou la moue d’un chat de salon. Mais les animaux parlent-ils ? Pour moi, c’est encore un secret. Reste que s’applique à notre relation avec les animaux et les bêtes le commandement initial et universel de « cultiver et conserver la terre ». Nous sommes bien responsables des autres êtres vivants, comme nous sous le signe de l’alliance, une alliance dont Dieu a promis à Noé qu’elle durera toujours, même si le mal fait du mal ; depuis que le serpent s’est mis à parler pour semer le doute, et dans l’espérance d’une création nouvelle dans laquelle « le loup habitera avec l’agneau et un petit enfant les conduira. » (Esaïe)

Pardonnez-moi d’aller si vite dans l’évocation de notre histoire. De faire l’impasse sur l’évolution des mentalités anciennes, qui voit disparaitre peu à peu les sacrifices humains, puis animaux, comme en attente du dernier Agneau de Dieu dont nous parle l’Apocalypse. A cette fin des temps nous sommes en effet tous réunis bêtes et gens, autour de l’Agneau immolé mais vivant, avec des chants de triomphe et des hymnes de joie. C’est comme une inimitable et exceptionnelle fête de la musique et toute la création réunie chante pour la première fois l’intégral Messie de Haendel, avec l’apothéose apocalyptique de l’Alléluia ! Alors nous raconte St Jean, « les 24 anciens et les 4 animaux se prosternèrent et adorèrent Dieu qui siège sur le trône, et ils disaient AMEN, ALLELUIA »…

Allez comprendre. Avec d’autres je suggère parmi les interprétations possibles et probables…
Ces « anciens » en grec ‘presbytres ‘ ne sont pas des « vieillards » comme le veut une ancienne traduction, mais des « anciens », il peuvent, certes, n’être plus des jeunes, mais ils sont en tous cas des sages, des penseurs, des observateurs, des témoins, enfin des prophètes au nombre biblique de douze comme les enfants de Jacob et les tribus d’Israël. Le premier peuple est là. L’autre douzaines d’anciens serait évidemment celle des apôtres de Jésus – le Christ, le Sauveur et Seigneur du peuple universel de c e monde que Dieu a tellement aimé. L’univers entier, Israël et l’Église chantent ainsi la foi assurée qui dit AMEN et la gloire de Dieu en ALLELUIA. Mais ils ne sont pas seuls, ces deux douzaines, voici avec eux quatre animaux qui sont de la même chorale pour chanter leur Messie d’un même cœur. Je n’ai pas oublié que dans le chœur final, après les deux douzaines d’anciens sont bien mentionnés les « quatre animaux ». Traduction discutable du mot grec ‘zoe’ qui signifie étymologiquement « qui est vivant » ; d’où la meilleure traduction « êtres vivants », mais puisque ce ne sont pas des humains, reste à comprendre « animaux ». Le mot appelle la notion d’âme comme principe de vie. Péguy dira avec finesse que les animaux ont des « âmes adolescentes », toujours est-il que ces quatre animaux vivants, animés, peuvent être caractérisés avec la liberté joyeuse que donne aux enfants la faune dans sa diversité. On s’amuse alors à reconnaitre dans ces quatre animaux ceux de la vision surréaliste du prophète Ezéchiel –vous irez voir au chapitre 10– Mais ces quatre peuvent aussi représenter pour la tradition chrétienne les figures symbolisées des quatre évangélistes : l’homme selon Matthieu, le lion de St Marc, le taureau de Luc et l’aigle johannique…Voyez les enluminures et les fresques du Moyen-âge. Enfin, à titre personnel et avec espièglerie, je suggère de retrouver dans ce quatuor, avec notre lucide Lafontaine, Le loup et l’agneau, la colombe et la fourmi, d’autant que la colombe est présente au baptême de Jésus comme l’agneau à son ultime sacrifice. Mais relisez ces deux fables et vous en saurez un peu plus.

Et maintenant, pour conclure c’est-à-dire aussi ouvrir entre nous un débat dans le cadre de l’opération synodale dite « Eglise verte » car la sauvegarde de la création et le respect des créatures nous engagent à un comportement responsable devant la nature et ses ressources, avec les animaux et leur compagnie. Sans naïveté puisqu’à côté des animaux dit « domestiques » qui nous rendent service, o combien les bêtes sauvages nous font peur, et nous mettons les premiers en pâturage, les autres en cage… Donc, c’est difficile. Un minimum de règles de conduites peuvent être proposées. Surtout si on prend en compte la souffrance animale et les conditions de vie et de mort que nos sociétés industrielles peuvent provoquer. Et des choses simples, comme le scandale des 100 000 animaux de compagnie abandonnés avant les vacances par leur « propriétaire ». Mais les questions de soins à prendre et à donner sont innombrables et pas seulement pour les vieilles demoiselles anglaises ou des bobos désœuvrés et sentencieux. « Dis-moi comment tu traites ton chien, et je te dirai qui tu es… » Et tu sauras aussi quel animal, dit-on, tu es toi-même…

Au centre du culte chrétien, comme la Pâque juive, voici un Agneau immolé mais vivant, qui a souffert et qui nous aimait. Qui au dernier repas ne nous a pas donné de la viande de boucherie mais des céréales agricoles. Qui ne nous a pas donné le sang des blessures mais le fruit de la vigne… Agneau de Dieu, qui ôte le pêché du monde, aie pitié de nous, bêtes et gens.

Ainsi soit-il.

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