Le conteur de paraboles (suite, et pas fin !)

 

Introduction à la lecture de l’Evangile de Matthieu

Frères et sœurs, dimanche dernier, nous étions entrés dans ce chapitre 13 en nous arrêtant sur la parabole du semeur. Fiona avait délivré une prédication énergique et stimulante que je vous invite à reprendre le moment venu…
Quel semeur curieux !
Il sème ses bonnes graines n’importe où ! Cela donne l’impression d’un immense gaspillage…
Il sème non seulement dans la bonne terre, mais sur le chemin, dans les cailloux et dans les ronces, …
Jésus l’explique par la suite : les graines représentent la parole de Dieu.
Le semeur, c’est-à-dire Jésus, donne à tous les terrains la même chance d’accueillir sa Parole. Il sème partout. L’échec ne lui fait pas peur.
Quand nous entendons la Parole de Dieu, si nous la laissons vraiment nous toucher, alors elle transforme la vie. Elle peut devenir un soutien dans l’existence et la foi fait du bien !
Mais Jésus nous met en garde à propos des difficultés que nous rencontrons pour la croissance.
Si l’Evangile est semé largement, il n’en rencontre pas moins des difficultés pour trouver un sol qui convienne à sa croissance en nous.
Nos cœurs endurcis, nos vies imperméables, piétinées, notre carapace, …
Notre légèreté, notre côté superficiel, hostile à l’accueil d’une Parole extérieure, qui ne vient d’ailleurs que de nous-même. Aussi difficile que de recevoir un cadeau, d’en être satisfait et reconnaissant …
Cela dit, des graines trouvent un bon sol et produisent un rendement extraordinaire. Du jamais vu à l’époque de Jésus. La récolte est surabondante.
Nous-mêmes, si nous sommes venus ce matin, si nous nous sommes levés, préparés, mis en route pour gagner ce temple, c’est qu’au fond de nous a résonné l’appel de l’Evangile : l’invitation à le laisser porter du fruit en nous, à laisser germer en nous la vie éternelle (c’est-à-dire connaître Dieu grâce à la personne de Jésus-Christ)
Il ne sert à rien de faire l’économie de notre témoignage ou ne notre parole. Il ne sert à rien de se lamenter contre les mauvais terrains de nos vies. Louons plutôt Dieu pour le miracle toujours nouveau de la graine qui pousse et se multiplie, de la parole qui touche et qui fait vivre tant d’hommes et de femmes.
Ce matin, nous sommes rendus attentifs à ce qui était petit, insignifiant, caché et qui devient grand, qui pousse, qui lève, qui devient visible.
Le Royaume de Dieu est manifesté au milieu de nous par l’enseignement en paraboles du Christ : c’est la Parole de Dieu parmi nous.

 Lecture de Matthieu 13, 31-35

 Prédication

 Voici une parabole qui, dans sa présentation succincte, décrit l’éclatement soudain de la puissance cachée d’une graine.
L’accent n’est pas sur la croissance et son processus, comme cela était dans la parabole de la semaine dernière.

Ici, l’accent porte sur le contraste entre la petitesse, la faiblesse de la graine qui est semée, et la grandeur de la plante potagère à venir, voire d’un arbre pour l’évangéliste Matthieu !

Il ne s’agit pas de n’importe quelle graine, mais de celle qui, dans la pensée juive de l’époque, était considérée comme la plus petite des graines.

Le choix de cette graine pour sa petitesse est mis en contraste avec le résultat escompté : “Elle devient un arbre, et les oiseaux viennent faire leurs nids dans ses branches”.

On pourrait dire : C’est trop exagéré ! La plante de la moutarde atteint trois mètres, peut-être quatre si elle est plantée dans une bonne terre, mais de là à parler d’un arbre assez grand pour que les oiseaux viennent y nicher, il y a un pas !
Cette parabole ne nous a pas été transmise pour nous décrire la vie, certainement passionnante, des grains de sénevé.
Je crois qu’elle nous est donnée pour nous faire réfléchir sur ce qu’est le Royaume des cieux.

Alors, plutôt que de nous arrêter à des considérations potagères, il nous faut bien entendre les échos de l’Ancien Testament qui sont présents dans ces paroles.

L’image de l’arbre et des oiseaux se retrouve trois fois dans les écrits de la première alliance. A chaque fois, c’est pour parler de la grandeur et de la puissance d’un royaume symbolisé par l’arbre.

Ainsi pour l’empire babylonien (dans le livre de Daniel) :
“L’arbre grandit et devient puissant
les bêtes des champs s’abritent sous son ombre,
les oiseaux font leurs nids dans ses branches”.

Déjà de l’empire égyptien le prophète Ezéchiel disait :
“Tous les oiseaux font leurs nids dans ses branches
et de nombreux peuples habitent à son ombre.
C’est un arbre magnifique, il est haut et grand”.

C’est ce même Ezéchiel qui annonce un nouveau roi à Israël en disant que :
“La jeune branche deviendra un cèdre magnifique.
Des oiseaux de toutes sortes feront leurs nids dans ses branches
et ils se reposeront sous son ombre”.

N’est-ce pas la même image qui se retrouve dans la parabole du grain de moutarde ?

  • Une plante potagère comme un grand arbre.
  • Des oiseaux qui font leurs nids.

Et, pour finir de nous convaincre du parallèle, la mention de l’ombre, absente dans le texte de Matthieu, se retrouve dans la version de Marc :
“La plante a des branches si grandes que les oiseaux peuvent faire leurs nids sous son ombre”.

Cette parabole parle d’un royaume puissant, c’est un arbre-refuge où les oiseaux trouvent asile, image de la grandeur, de la force, de la puissance où les petits, les faibles, les humbles viennent se reposer.
Ce royaume, c’est celui que Jésus est venu annoncer, mais, avant l’arbre, il y a la graine de moutarde ! Contraste saisissant entre la petitesse de cette graine et la grandeur du royaume attendu.

Si le royaume à venir est fort, il est d’abord faiblesse.
S’il est puissant, il est d’abord humble.
S’il est grand, il est d’abord petit.

Ce grain de moutarde, c’est Jésus.

Un Jésus qui se montre bien faible, à la merci des humains.
Un Jésus qui se montre serviteur, loin d’abattre l’arbre romain.
Un Jésus qui déçoit les attentes des disciples : “Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir le royaume d’Israël ?”.
Jésus est cette graine qui ne paie pas de mine, cette graine qui va tomber en terre et mourir !

Et pourtant, de cette petite graine va naître un arbre.
C’est une parabole rassurante pour les disciples. Si le royaume semble à vues humaines quantité négligeable, il est appelé à être un royaume grandiose.
Le  royaume est en germe au milieu d’eux !
C’est le premier point de cette parabole.

La parabole du grain de moutarde est donnée pour rassurer les disciples.

Si le royaume qu’est venu inaugurer Jésus semble bien petit à leurs yeux, ils doivent savoir qu’il porte déjà en germe la grandeur et la puissance à venir.

Si cette parabole avait ce caractère rassurant pour l’Eglise primitive, l’a-t-elle encore aujourd’hui ?

L’Eglise est-elle encore au stade du grain de moutarde ?

Ou bien est-elle parvenue au développement de l’arbre dans l’attente que les oiseaux viennent faire leurs nids ?

Nous atteignons ici la limite de la parabole. Elle ne dit rien du processus de croissance, elle parle juste d’où l’on part : la graine, pour savoir où l’on va : l’arbre. Elle ne dit rien du chemin à parcourir, elle révèle cependant les écueils qui bordent la route.
D’un côté, le grain de moutarde !
Il risque de mener à une culture de la petitesse, il entretient le mythe du reste fidèle qui, par définition, doit rester petit, petit troupeau à la piété misérabiliste.
De l’autre, l’arbre !
Lui, risque de mener à la folie des grandeurs, il se nourrit du rêve de la démesure, il veut dominer au sommet de son ambition, grande armée à la piété triomphaliste.

Ni l’un ni l’autre ?

Ou peut-être à la fois l’un et l’autre !

  • Petit et grand.
  • Faible et fort.
  • Humble et puissant.

Par cette parabole, Jésus exprime toute l’ambivalence du Royaume, un royaume qui est déjà là, au milieu de nous, mais que nous attendons encore quand nous prions le “Notre Père”.
Un royaume où le plus petit est plus grand que Jean-Baptiste. Un royaume où celui qui veut être le plus grand, celui qui veut être l’arbre, doit être le plus petit, grain de moutarde.
Ainsi, notre petitesse, notre faiblesse, c’est elle qui est aussi notre grandeur, notre force. C’est la même idée que nous retrouvons sous la plume de Paul :“C’est quand je suis faible que je suis fort”.

Parce que Dieu choisit ce qui est faible dans ce monde pour confondre ce qui est fort.
Cette parabole nous apporte une parole rassurante pour nous : “Petite graine deviendra grande, parce que c’est Dieu qui nous donne la vie”. De cette vie qui fait que le Royaume des cieux, de petite graine de moutarde qu’il est, devient arbre accueillant les oiseaux.
Le Dieu qui donne la vie fait de ce que nous sommes, de notre petitesse, de notre faiblesse, de grandes choses qui sont déjà en germe en étant grain de moutarde.
Nous serons pour notre ville, pour notre pays, “cet arbre de vie qui produit douze récoltes et qui donne son fruit chaque mois. Que les feuilles de l’arbre soient pour la guérison des nations”.

Parole rassurante, parole rassurante pour un monde qui en a besoin. Que le Seigneur nous prenne pour nous semer. Le Christ envoie ses enfants en mission pour la moisson avec cette recommandation : “Celui qui est fidèle sur peu de choses, sera fidèle sur beaucoup”.

Le Royaume des cieux ressemble à ceci : Un homme a pris une graine de moutarde pour la semer dans son champ. C’est la plus petite de toutes les graines, mais quand elle a poussé, c’est la plus grande des plantes. Elle devient un arbre !

Amen

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *