Introduction
La parabole (parole)
Une parabole est un récit qui permet de faire comprendre plus facilement un enseignement (le Christ mathéen : enseignant). En utilisant des exemples concrets pris dans la vie quotidienne et des comparaisons, Jésus rend accessibles ses messages.
On compte plus d’une quarantaine de paraboles dans les évangiles de Matthieu, Marc et Luc.
Chez Matthieu, les paraboles pour enseigner et prêcher le Royaume des Cieux sont rassemblées au chapitre 13 : la parabole du semeur, la graine de moutarde, le levain. Ecoutons la suite et la fin des paraboles contées par Jésus au chapitre 13 de l’évangile selon Matthieu…
Lecture de Matthieu 13, 44-52
Prédication
Le Royaume des cieux est comparable à un trésor…
Le Royaume des cieux est encore comparable à un marchand…
Le Royaume des cieux est encore comparable à un filet.
Et, nous pourrions ajouter : comparable à un grain de moutarde, à un semeur, à du levain !
Bref, comparable à toutes sortes de choses : objets, personnes, substances vivantes. Comparable à toutes sortes de choses, sauf deux :
dans les évangiles, le Royaume des cieux n’est jamais comparé à un espace géographique, ni ne se donne à connaître dans une idée abstraite.
Non, le Royaume des cieux n’est pas comparable à un lieu idéal, fût-il céleste, ni ne se conçoit comme un système religieux ou doctrinal. Il n’est pas représentable dans l’espace, ni théoriquement pensable.
Seules quelques images, toutes plus fragiles les unes que les autres, peuvent nous faire pressentir quelque chose de ce qu’il signifie. De ce qu’il signifie pour qui le rencontre au cœur de son existence. Seules ces quelques images peuvent nous faire ressentir, non pas où il se trouve dans l’espace et dans le temps, mais ce qu’il advient quand il me rencontre.
Des images d’ailleurs sans cesse en mouvement. Toujours insaisissables, comme ce Royaume qu’elles tentent d’exprimer ; preuve en est que nous n’avons même pas le temps de nous arrêter sur la première, qu’aussitôt elle est remplacée par une seconde : semeur, graine de moutarde, levain, trésor, marchand, filet.
Ailleurs berger, père de famille, roi, maître de maison, intendant…
Alors tentons l’impossible. Tentons de nous arrêter un instant. Risquons un « arrêt sur image ». En espérant que la pellicule fixera, peut-être, un instant du Royaume.
Première image : le Royaume des cieux est comparable à un trésor.
Celui qui l’a trouvé ne semblait pas le chercher. Rien ne permet, en tout cas, d’affirmer qu’il creusait dans cet espoir.
Peut-être labourait-il ce champ pour quelqu’un d’autre. Mais voilà qu’une autre réalité s’impose, face à laquelle il doit réagir, et rapidement.
Le Royaume s’impose à la manière d’un trésor que l’on découvre sans y avoir été préparé. Il s’impose au laboureur et il ne peut pas ne pas faire quelque chose de radical : le soustraire au regard envieux des autres et lui consacrer tout ce qu’il possède.
Telle est la réaction de notre homme confronté à cette découverte qui bouleverse son existence.
Mais, deuxième parabole qui surgit aussitôt, voilà que ce Royaume est aussi comparable à un « négociant » de perles.
Ici, pas de doute : la parabole nous parle de quelqu’un qui cherche, qui passe sa vie à chercher.
Ce négociant cherche des perles. Il en trouve une plus belle que toutes celles qu’il a vues jusque-là. Et il vend tout pour se la procurer. A seule fin de posséder la perle qu’il a enfin trouvée.
Ainsi le Royaume n’est pas seulement ce que l’homme trouve sans l’avoir apparemment cherché, mais le Royaume, c’est aussi la quête même de l’homme.
Le Royaume est comparable à cet homme qui ne cesse de chercher et, lorsqu’il a trouvé, fait quelque chose de radical et de fou. Comme le laboureur dans son champ tout à l’heure.
Et alors se produit un premier phénomène étrange : l’attitude de celui qui ne cherchait pas est identique à l’attitude de celui qui passait son temps à chercher.
Un peu comme si ces deux paraboles étaient en train de nous dire : il y a des gens qui cherchent sans le savoir et d’autres qui ne cessent de chercher toute leur vie. Il se pourrait qu’il s’agisse parfois, sinon des mêmes personnes, du moins d’une même quête. Car les deux découvrent quelque chose qui bouleverse leur existence.
C’est d’ailleurs ce que nous raconte aussitôt la troisième parabole.
Ici, il n’est plus question d’un trésor et d’un marchand, mais d’un filet de pêche.
Or, le propre d’un filet, c’est de ramasser le tout venant.
Eh bien, voilà que ce Royaume, tel un filet, rassemble tout le monde.
Tous les chercheurs, ceux qui savent qu’ils cherchent (comme le marchand de perles) et ceux qui ne savaient pas qu’ils cherchaient (comme le laboureur). Tous dans le même filet. Certes, il y a des bons et des mauvais. Cela nous le savions déjà, la parabole ne nous l’apprend pas.
En revanche, elle nous dit que, dans cette quête humaine, les uns et les autres cohabitent. Nous n’y pouvons rien : la quête du Royaume n’est pas exclusivement réservée aux gentils, aux bons, aux justes.
Certes, au dernier jour, il y aura un tri. Mais ce n’est pas à nous de le faire, ce tri.
La seule chose que me fait pressentir la parabole du filet, à moi qui écoute cette parole, c’est que justement je suis dans le filet, en communauté de chercheurs, conscients ou non, bons ou méchants.
Et puis encore autre chose que me fait toucher du doigt la parabole : l’enjeu de la pêche est important, essentiel même, car il en va de la vie ou de la mort.
Ceux qui cherchent consciemment et ceux qui cherchent sans le savoir, les uns et les autres, bons ou mauvais, bons et mauvais, jouent leur existence dans cette quête !
Insaisissable, toujours là où on ne le cherche pas et pourtant toujours au bout de notre recherche, tel est le Royaume des cieux.
Ce que l’on cherche en lui donnant parfois un nom. Ce que l’on cherche sans savoir qu’on le cherche. Ce que l’on cherche à plusieurs sans pouvoir, jusqu’au bout du parcours, être sûr de la vérité, de qui a raison et qui a tort. Tout cela, c’est ce qui nous fait vivre !
Insaisissable, toujours là où on ne l’attend pas, le Royaume ne cesse de se déplacer et de prendre le visage des quêtes humaines. Non pas pour s’y limiter, mais parce qu’elles illustrent, qu’elles sont une parabole, chacune à sa manière, de cette recherche du Royaume auquel tout le monde aspire.
Mais ce n’est pas fini.
Nous n’en avons pas fini avec ce Royaume et ses surprises.
Car voilà qu’il se déplace encore et semble nous rejoindre jusqu’au plus près de nos préoccupations les plus intimes.
« Le scribe ayant été enseigné au sujet du Royaume des cieux », c’est-à-dire celui qui a entendu ces paraboles étranges, celui-là est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du vieux et du neuf.
Vieux et neuf.
Le scribe qui a été enseigné au sujet du Royaume des cieux reste ce qu’il est et pourtant, dans le même temps, il n’est plus tout à fait le même.
S’il est ici à écouter ces histoires étranges, si tu es ici à écouter ces histoires étranges, c’est qu’une vieille histoire t’a conduit jusque-là.
Si vieille que, parfois, elle remonte bien avant ta naissance, et que tu ne te rappelles même plus où elle commence.
Si vieille que tu l’as peut-être oubliée et que tu crois agir en toute autonomie.
Peut-être l’écoute de la parole du Royaume t’aiderait-elle à la découvrir, à mieux la comprendre. Mais alors il faudra te déplacer de cette vieille histoire pour en écrire une nouvelle.
Vieux et neuf.
Le Royaume est donc comparable à celui qui écoute les Ecritures, peut-être par hasard. Mais y a-t-il véritablement du hasard dans notre vie ?
Sais-tu vraiment pourquoi tu l’écoutes et sais-tu où cette écoute te mènera, à quelles rencontres elle te conduira ?
Et pourtant tu es là, vous êtes là, nous sommes là.
Les uns trouveront un trésor, d’autres non ; les uns vendront tout pour ce trésor, d’autres non ; de ce trésor sortiront des choses vieilles (et pas forcément usées) et des choses neuves (et pas forcément intéressantes). Le trésor des uns sera gardé au dernier jour, le trésor des autres sera passé au feu.
L’enjeu est donc important, mais nul ne peut rien dire de plus à ce sujet !
Et c’est la signification de ce « oui » que les disciples répondent à Jésus qui leur demande : « Avez-vous compris tout cela ? ». Ils n’ont pas tout compris. Mais ils ont compris une chose, et c’est la plus importante : quelque chose d’essentiel se joue, pour eux, dans la parole du conteur de paraboles.
Dans sa Parole se trouve la perle ou le trésor qu’ils cherchent depuis longtemps et qui se révèle à eux aujourd’hui. Mais ils n’imaginent pas un seul instant où cela les conduira.
Nous sommes ici comme les disciples et les foules devant Jésus, des auditeurs réguliers ou occasionnels de la Parole : nous n’avons pas tout compris, pas grand-chose, presque rien. Mais nous pressentons peut-être que quelque chose d’important se joue dans notre vie. Que du vieux et du neuf s’entremêlent, que nous n’avons peut-être pas encore fait sortir de notre trésor.
Alors nous avons dit oui !
Oui, nous allons prendre le temps, encore une fois ou pour la première fois, d’écouter cette parole. Et Jésus nous raconte des paraboles, il nous décale, il nous déplace.
C’est ce qui nous arrive avec l’écoute des Ecritures : elles ne cessent de nous raconter des histoires, de nous décaler, de nous déplacer et de nous faire entendre, qui sait, le mystère du Royaume où notre vie trouve enfin son sens.
Mais n’oublions jamais cela : le laboureur est trouvé par le trésor plus qu’il ne le trouve lui-même ; la perle se laisse trouver par le marchand.
C’est donc parce qu’il est toujours à nouveau aimé et cherché, tel qu’il est, par le conteur de paraboles, que chacune et chacun de nous peut chercher à son tour avec courage, audace, exigence et curiosité.
Oui, c’est parce qu’il te précède que tu peux espérer, dans l’écoute de la Bible, être rencontré par ce Royaume mystérieux qui te mènera dans des chemins dont tu ignores encore presque tout, mais où tu ne seras désormais plus seul.
Amen.
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