Esaïe 55, v 10 à 11 – Matthieu 13, v. 1 à 9 : « Un semeur sortit pour semer »

Dimanche 13 juillet 2008 – par Clotaire d’Engremont

 

Chères sœurs, Chers frères, Chers Amis,

Il faut toujours approcher les paraboles avec précaution, car elles semblent nous parler d’évidence, sans grand besoin d’explication, par images, par allégories comme si leurs démonstrations étaient destinées aux enfants, aux esprits simples ou aux poètes. La parabole du semeur n’échappe pas à la règle. « Un semeur sortit pour semer ». Telle est la première phrase de la parabole qui fait l’objet de notre méditation. Cette première phrase est toute simple ; elle est d’ailleurs placée, de façon très semblable, en tête des deux autres évangiles synoptiques. Chez Marc, c’est aussi « Un semeur sortit pour semer ». Chez Luc, il est dit « un semeur sortit pour semer la semence ».

Cette phrase nous paraît donc limpide. Et pourtant, c’est cette première phrase qui fera l’objet de notre première approche, qui en comptera trois, de notre méditation. Il faut en effet attacher une très grande attention à cette première phrase quelque peu banale. Elle nous est adressée de manière abrupte, directe, presque brutale ; l’image est très forte ; il n’y a pas à tergiverser ! Dieu, le Seigneur, comme le semeur, – car vous avez reconnu le Seigneur -, est là, d’emblée, avant toute chose. De façon qui ne souffre aucune contradiction, il est là de manière infinie, de toute éternité, dans le temps comme dans l’espace. Toute autre explication paraît superflue ; il est là pleinement présent et bien sûr tout puissant.

J’aime à penser que la première phrase de la première parabole nous rappelle que Dieu « était, est et sera de toute éternité » comme nous l’a appris l’Ancien Testament. Il est présent, même quand nous l’ignorons.

De nos jours, nous n’osons pas toujours dire que Dieu est tout puissant. Nous essayons trop souvent de marchander avec Dieu beaucoup de nos vanités, – (je vous en épargne la liste bien connue !) – , sans toujours admettre nos faiblesses.

Toujours est-il, chères sœurs et chers frères, que reconnaître, de prime abord, la souveraineté absolue de Dieu avant toute chose, nous autorise à accepter toute grâce, par définition gratuite et imméritée. Pour reprendre les mots des Réformateurs, qui d’ailleurs, – ne soyons pas trop orgueilleux ! – ont repris les mots qui appartenaient à la foi des premiers chrétiens, il faut dire : « les humains sont de simples créatures entre les mains de Dieu ».

Placer Dieu tout puissant en premier, affirmer comme le disait, Karl Barth, près de deux mille ans après les premiers chrétiens, « Dieu est Dieu, un point c’est tout », – comme vous le savez, il a écrit des milliers de pages sur le sujet – nous permet de nous libérer des soucis et des idoles, et, de nous éloigner des vaines justifications morales ou même théologiques.

Dieu, parce qu’il est tout puissant, donne sa grâce à qui il veut, par libre choix, sans condition. Il n’y a pas à chercher à connaître si nous sommes damnés ou élus. Au stade de notre raisonnement, il faut bien parler de la Prédestination ; mais il n’est nul besoin de citer St Augustin, Pelage, Calvin ou même Arminius pour en parler. Il suffit de rappeler que la Prédestination est l’affaire de Dieu et non celle des hommes qui restent eux dans l’ignorance du Plan de Dieu. Il faut donc, chers Amis, remercier Dieu de nous laisser dans le mystère des fins dernières, car l’ignorance qui est la nôtre nous permet de revendiquer l’entière responsabilité de nos actes. Grandeur de l’être humain ! C’est certes paradoxal, mais l’expérience nous apprend que grâce à la toute puissance de Dieu l’homme est plus libre.

C’était la première réflexion que m’inspirait le premier verset de notre parabole « Un semeur sortit pour semer ».

Après la toute puissance de Dieu, j’en viens tout naturellement à articuler la suite de notre réflexion sur la générosité sans frein du Semeur dans une deuxième approche. Le Semeur, notre Seigneur de la Parabole, déborde de générosité, puisque contre toute raison, il sème à tout vent, partout, au bord du chemin, dans les coins pierreux, au milieu des ronces et tout de même dans la bonne terre. Il ne compte pas ! Il ne se préoccupe pas de savoir s’il fait bien ou mal ; il englobe le monde entier sans jugement sans condition. Qui plus est, il sème en gaspillant ! Il faut aimer, chers Amis, ce Seigneur gaspilleur sans retenue, donc semeur dans tous les recoins du monde ! On le devine préoccupé de ne rien oublier. Il ne connaît pas les frontières. Pour lui tout est possible. Il ne veut rien négliger, pas même la plus petite parcelle de terrain. Car, même au bord du chemin, un grain pourrait être sauvé malgré l’appétit des oiseaux qui symbolisent peut être les gens superficiels et mondains ; car, même les pierres, c’est à dire peut être les cœurs les plus endurcis, peuvent laisser un grain germer ; car, encore, les ronces, c’est à dire, les gens peureux, paralysés par la peur de mal faire, peuvent parfois donner des fruits.

Je n’ai pas lu devant vous les versets 18 à 23 de notre Parabole et je vous laisse le soin de les découvrir après notre méditation ; ils représentent une tentative d’explication que je viens à l’instant de brosser à grands traits, mais qui ne doit pas masquer la force du semeur qui sort pour semer, sans condition et gratuitement. Je préfère retenir la force que dégage les seuls premiers versets de la Parabole sans chercher à expliquer l’apparente déraison de Dieu, le Semeur. Il me suffit de constater que loin de négliger les gens superficiels, les gens paralysés par la peur ou les gens à la nuque trop raide, Dieu n’hésite pas à s’engager dans la surabondance, ce qui doit alors nous persuader de son incommensurable amour dès la première Parabole.

Car encore une fois, et j’en terminerai là pour ma seconde proposition, pourquoi semer à tout vent si ce n’est dans l’espoir d’atteindre, même les terrains les plus inattendus, même les terrains les plus apparemment stériles. Il faut croire au sursaut toujours possible et pourquoi pas, de temps en temps, au Miracle.

Ma troisième et dernière approche au sujet de notre Parabole nous entraîne, vers le drame qui a mené le Messie, fils de Dieu, sur la croix, de façon inexorable. Nous le savons, les contemporains de Jésus attendaient un Roi, un Chef et non un simple Semeur. Je dis bien un simple semeur. Même s’il est mu par une mystérieuse force irrépressible, le semeur décrit par les Évangiles est plein de modestie.

Au risque d’être en contradiction – dialectique – avec mon rappel de la souveraineté absolue de Dieu dans ma première approche, le semeur, reste inquiet sur le devenir du grain ; car, en fait, il agit seulement sur les semences. Nous n’en sommes pas encore aux moissons qui, après tout, pourraient représenter une sorte d’apogée. Mais, puisque la semence n’est pas réservée à la seule bonne terre, le semeur n’est jamais certain de voir des moissons fructueuses. Le Semeur, le Seigneur de la Parabole de l’Évangile, accepte en semant à tout vent, de prendre des risques. Prendre des risques, c’est accepter à la fois la fragilité et la puissance de cette semence. C’est plonger dans le mystère insondable d’un Dieu qui s’est fait homme dans son fils unique. Car Dieu, pour les chrétiens, est une personne incarnée… Et la mission du Porteur de la Parole de Dieu est inscrite dans notre première parabole ; c’est celle du fils de Dieu qui ira jusqu’au bout de son destin, jusqu’au Golgotha alors que ses contemporains attendaient un Messie de gloire débordant d’une autorité royale et militaire.

Par la mise à mort sur la croix de Jésus-Christ, son fils unique, Dieu est à la fois faible et puissant. En acceptant l’ultime sacrifice, Dieu n’est jamais aussi grand. Il nous faut, chères sœurs et chers frères, accepter l’existence d’un Dieu modeste bien que puissant.

Permettez-moi de citer une image, glanée chez Paul Ricœur, Philosophe chrétien récemment décédé : « Dieu a créé l’homme comme l’océan a créé ses continents, en se retirant parfois ».

Mais, la faiblesse volontaire de Dieu qui transparaît déjà dans la première Parabole du Semeur ne signifie nullement que nous sommes abandonnés ; nous sommes, aux yeux de Dieu tout puissant, remplis de liberté et de responsabilité. Dieu mérite notre louange.

Alors, chères sœurs, chers frères, marchons dans l’Espérance du royaume en louant Dieu puisque comme hier, nous sommes aimés aujourd’hui par LUI. Et bien sûr nous serons aussi aimés par LUI demain et toujours.

Amen

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