Demeurez dans mon amour

« Demeurez dans mon amour » : tel est le thème de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens de cette année. Je vous invite à  y réfléchir à partir de l’image de la vigne d’une part et du commandement de l’amour d’autre part, deux points sur lesquels  Jean porte notre attention dans le chapitre 15 de son évangile dont nous venons d’entendre un extrait.

La vigne : « Je suis la vigne, la vraie », nous dit  Jésus. «  Je suis le berger, le bon. » nous a-t- il dit quelques chapitres plus haut. Au-delà des images bucoliques qui font rêver les citadins que nous sommes, toujours prêts  « hors confinement » à fuir le macadam pour aller respirer, il faut bien avoir en tête que le berger, l’olivier, ici la vigne, pour Jésus et ses auditeurs, font partie de tout un patrimoine culturel et religieux. Ce sont des références bibliques qui tout de suite leur parlent. Depuis son enfance, Jésus chante avec Isaïe : «  La vigne du Seigneur Sabbaoth, c’est la maison d’Israël. » Depuis son enfance, Jésus prie les psaumes : « Reviens, Seigneur visite cette vigne, protège-la, celle qu’a plantée ta main puissante. »

Et lorsque Jésus dit à  ses auditeurs qu’il est la vigne, il s’identifie donc avec son peuple. Il fait corps avec l’Israël de Dieu qui se sait l’objet de toutes les sollicitudes de son créateur comme l’exprime encore une fois le prophète Isaïe: « Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau plantureux. Il y retourna la terre, enleva les pierres et y installa un plant de choix. » Parler de la vigne, on le remarque très vite en lisant ces différents textes de l’Ancien Testament, c’est immédiatement évoquer celui qui se passionne pour elle. « Mon Père est le vigneron » ajoute Jésus. Sa joie, à lui Jésus, c’est de savoir que le Père veille sur lui, compte sur lui, espère en lui. Tout son désir, c’est de porter du fruit pour la joie du Père.

Nous sommes tout naturellement amenés à nous demander quelle est notre place dans cette vigne. Le Christ ne nous oublie pas : « Je suis la vigne ; vous êtes les sarments. » nous dit-il. Jésus ne dit pas et c’est important de le noter qu’il est le cep, auquel nous serions rattachés. Non, Il est la vigne, dont nous faisons partie. Une même sève nous fait communier à sa vie. C’est fondamental de le réaliser à l’occasion de cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Nous, les différentes communautés chrétiennes, nous, avec Eloi qui vient de recevoir le baptême, nous faisons corps avec lui. Nous sommes son corps. Nous sommes ses membres. C’est par nous, à travers nous, que le Père attend que le Christ porte du  fruit. Nous vivons de son Esprit. C’est pourquoi il nous faut demeurer en lui comme il demeure dans le Père. Sans quoi nous ne sommes que du bois mort.

Et cette mission n’a pas de limites. Le corps du Christ pour être vivant est appelé à s’étendre. Souvenons-nous du texte des actes des Apôtres entendu en première lecture : « L’Eglise se construisait et elle marchait dans la crainte du Seigneur ; réconfortée par l’Esprit Saint, elle se multipliait. » En un temps où notre planète est agitée par bien des soubresauts, il nous est bon de reprendre conscience, comme le dit saint Augustin que, depuis la croix, dont les deux bras recouvrent le monde, les membres du Christ sont étendus sur la terre entière. La vigne du Seigneur s’étend désormais « aux quatre coins du monde » Certes,  il y a Babel qui divise. Ne serait-ce que sur le plan religieux, nous avons en tête tous ceux qui cherchent  à provoquer une attaque frontale entre communautés dans une même région, dans un même pays voire dans un même quartier. Mais nous,  disciples de l’Evangile, nous croyons, à l’Esprit de Pentecôte comme une sève vivifiante, capable d’insinuer dans le monde entier la subversion de l’amour et le désir d’une vraie paix fondée sur la justice et animée d’une même charité.

Car l’Esprit ne sépare jamais la foi de la charité qui la traduit  en paroles et l’incarne en gestes de service. « Demeurez dans mon amour » ; il n’y a d’autre demeure que celle du service. C’est le deuxième point sur lequel je vous invite à être attentifs en cette semaine. Jean nous le redit en nous confiant le testament du Christ :

« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »

Mais attention, s’il ne faut pas séparer la foi de la charité, il ne faut pas non plus isoler la charité de la foi,  la couper du Christ. Souvent lorsque nous évoquons ce commandement, nous oublions la seconde partie du message et nous nous contentons de dire que le commandement de Jésus, la règle de vie des chrétiens c’est de « s’aimer les uns les autres » En omettant ainsi la référence au Christ, on réduit  le message à un simple slogan humanitaire faisant des chrétiens des adhérents à une société philanthropique. Pour remédier à cette amputation, il peut être  judicieux d’appréhender ces paroles non comme un commandement mais plutôt comme un  conseil évangélique et cela en inversant les deux parties de la phrase : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres »

« Comme je vous ai aimés » Le Christ est avant tout une référence et non un donneur de leçons. Il est source, source d’inspiration et de vie. Il n’impose pas, il propose, il suscite, il appelle. Il responsabilise. Et cela en empruntant nos routes humaines et sans nous en détourner.

« Comme je vous ai aimés » Pour le Christ aimer s’est se donner. Il se livre « Il n’y a pas  de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » « Il les aima jusqu’au bout » note  Jean au moment du lavement des pieds. Non pas un amour jusqu’au boutiste dans le sens volontariste mais un amour qui aime jusqu’au bout dans le respect des désirs et des interrogations de l’homme.

« Comme je vous ai aimés » Pour le Christ aimer c’est se donner en éveillant. Fondamentalement, le Christ a aimé les hommes en éveillant ou en réveillant leur goût de vivre. Il libère : « Femme, moi non plus, je ne te condamne pas » confie-t-il à la femme adultère. « Sors » ordonne-t-il à Lazare emprisonné dans ses bandelettes mortelles. « Lève-toi » dit-il au paralytique cloué sur son lit de douleurs. Mais ces invitations ne signifient pas pour autant « sors de ton cadre de vie » « lève-toi » ne veut pas dire élève-toi au-dessus de la mêlée ». Aimer pour le Christ, c’est se libérer, prendre sa vie en main. Il renvoie la femme adultère en l’enjoignant de ne plus pécher. Le paralytique est remis debout mais aura toujours le grabat de sa vie à porter.

Un amour qui se donne qui  libère et responsabilise  et cela sous le signe de l’accompagnement. Le Christ marche sur la route des hommes. « De quoi causiez-vous en chemin ? » Il  nous rejoint. Il est toujours à hauteur d’homme. Il est à nos côtés pour libérer  nos tristesses, nos peurs « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps » Il est là à nos côtés pour nous remettre debout sur les chemins de notre vie : « Va, ta foi t’a sauvé. » Va, allez, allons : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » « Aimez-vous les uns les autres. » Le Christ nous confie une mission. A  chacun de se mettre au travail, de prendre la route. Le Christ en effet ne veut pas être seulement un exemple pour nous. Il n’est pas venu pour nous laisser seuls après son passage. Nous n’avons pas à vivre dans la nostalgie d’un amour originel perdu ou dans le fantasme d’une Eglise Une et indivisible qui habite nos rêves. Le Christ nous invite inlassablement à reprendre le chemin dans la diversité de nos traditions  en nous faisant découvrir qu’il nous a fait capable de vivre sans lui à nos côtés mais de vivre avec lui  en nous.

Sur ce chemin qui s’ouvre, peut-être pouvons-nous repérer quelques haltes à respecter.

A notre tour, à la suite du Christ, nous avons à manifester un amour qui éveille, qui réveille. Un amour qui ne vit pas sur les acquis. Un amour qui ne s’habitue pas. Un amour qui invite et s’invite. Comme le Christ  nous libère, libérer la parole chez l’autre, lui permettre  de dire son amour à l’autre. Un amour  qui nous permet de reconnaître le Christ qui nous précède sur notre chemin.

Une autre étape importante. Vivre notre amour sous le signe du témoignage. Un amour qui se dit. Prendre le temps de se poser, de faire le point. Reconnaître le Christ nous inspirant les choix à faire, les décisions à prendre, l’entendre nous dire  dans les options que nous prenons:« Pour vous qui suis-je ? »

Un amour attentionné, qui prend patience.  On pense à la chanson d’Hugues Auffray « Pour faire un homme, mon Dieu, que c’est long ! » et en paraphrasant, on pourrait dire : « Pour faire un chrétien, mon Dieu, que c’est long ! »  Un amour sous le signe de la patience et du service. Un amour qui s’adapte, écoute, respecte et qui accepte les doutes et les refus. Un amour placé sous le signe de l’espérance  et du pardon qui nous permette de reconnaître le Christ nous dire : « N’ayez pas peur » et qui  suscite  en chacun de nous cette réponse : « A qui irions-nous Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle ? » « Comme je vous ai aimés,  aimez-vous les uns les autres »

En conclusion, un amour qui fait confiance :

Nous savons que, si nous demeurons branchés au Christ, Dieu demeure en nous comme il demeure en son Fils. Jean, le dit dans sa première lettre: « Nous reconnaissons qu’il demeure en nous, puisqu’il a donné son Esprit »

Que cet Esprit de vie que nous allons chanter dans quelques instants dans le Credo, habite le cœur d’Eloi  et le nôtre et fasse grandir notre vie sous le signe de la communion.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *