Lecture Biblique : Jean 12, 20-33
Prédication
Frères et sœurs,
Il est l’heure !
Quelle heure ?
« L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié »
Jean 12, verset 23 ; et en peu plus loin : « conserver sa vie pour la vie éternelle » Jean 12, verset 25
Il m’arrive de me poser bien des questions au sujet de la vie éternelle.
Et en particulier celle-ci : quel rapport entretient-elle avec notre vie actuelle ?
Bien que je n’ai toujours que quelques bribes de réponses à cette question, je pressens déjà qu’il doit y avoir un rapport plus étroit qu’on ne l’imagine entre ladite vie éternelle et la vie ici-bas, comme je pressens qu’il y a quelque chose d’artificiel à les distinguer et à les opposer tout à fait, comme on le fait pourtant couramment.
Au demeurant, l’étude de ce passage de Jean proposé à notre méditation d’aujourd’hui, vient, me semble-t-il, nous renseigner à ce sujet, en nous amenant peu à peu, dans le style didactique de Jean, à découvrir qu’il y a bien un étroit rapport entre la dite vie éternelle et la vie ici-bas.
Mais que nous dit Jean ?
Eh bien, que Jésus-Christ est maintenant très exactement arrivé à l’heure pour laquelle il est venu. Autrement dit que c’est maintenant très exactement l’heure où tout va se jouer, pour lui bien sûr, mais également pour nous, et pour tous les êtres humains.
L’heure où tout va se jouer donc, ou, pour être plus précis encore, l’heure où, pour nous et pour tous les êtres humains, il fait jouer ensemble ce qui, jusque là était séparé, éloigné, divisé…
C’est l’heure des coïncidences !
C’est l’heure de la coïncidence entre, d’une part cette vie-ci qui trouble l’âme de Jésus et qui aussi trouble si souvent notre âme, et, d’autre part l’heure de la vie éternelle dans laquelle il va bientôt entrer et dans laquelle il va attirer (à lui) tous les êtres humains.
C’est l’heure de la coïncidence entre, d’une part toutes les heures de la vie de Jésus, son histoire, et les nôtres avec la sienne, toutes recueillies et récapitulées car aucune n’est oubliée ou n’est laissée de côté, et, d’autre part toutes les heures à venir, ce qu’il appelle la vie éternelle.
C’est l’heure de la coïncidence entre, d’une part la grande précarité de notre humaine condition d’êtres pour la mort, et, d’autre part le désir d’aller au bout de sa vie, d’accomplir sa vie, de telle sorte qu’elle soit comblée de jours comme le dit si bien le prophète Esaïe.
Maintenant, en cette heure très exactement, sont réunis, sont réconciliés, et peuvent jouer ensemble le passé et le présent avec l’avenir, l’ici-bas avec l’au-delà, le déjà avec le pas encore, les fatigues et les limites de nos vies avec la pleine réalisation de toute vie…
Maintenant, en cette heure très exactement, sont réunis, sont réconciliés, et peuvent jouer ensemble toutes ces choses qui faisaient d’habitude que les êtres humains paraissent toujours en tension, divisés d’avec eux-mêmes, déchirés entre rêves et contingences, entre espoirs et nécessités, entre utopie et réalisme…
Maintenant, en cette heure très exactement, Jésus-Christ réunit, réconcilie et fait jouer ensemble ce que les êtres humains, semble-t-il, ont, non seulement tant de mal à atteindre, mais, et c’est un comble, qu’ils n’ont de cesse de défaire, de détacher, de détruire, quand, par exemple, ils s’ingénient à retourner contre eux-mêmes ce qu’ils peuvent pourtant faire de mieux, faire de meilleur.
A cet endroit de notre méditation, frères et sœurs, nous commençons à voir clairement le très proche rapport qu’il semble y avoir entre la vie éternelle et cette vie d’ici et de maintenant, et même à voir clairement que, grâce à Jésus-Christ – par la grâce de Jésus-Christ faudrait-il dire -, c’est dans notre ici et dans notre maintenant, justement, que s’inscrit la vie éternelle.
Et voyant plus clairement ce rapport, ce que plus haut j’appelais cette coïncidence, il nous devient possible, je l’espère, de définir ce que l’on peut entendre par vie éternelle et ainsi répondre à la question que je me posais au début…
Éternelle, pris dans son sens étymologique, signifie hors du temps, sans commencement ni fin.
Le problème est que, dans ce sens, éternelle, est une notion qui entre en contradiction sans doute avec tout l’enseignement biblique, je pense bien sûr à la Genèse, mais aussi, en particulier, avec l’enseignement de Jean, puisque celui-ci nous dit justement qu’il y a un commencement, et même que cette heure pour laquelle Jésus-Christ dit être venu, est justement un commencement, et peut-être même le commencement de toutes choses faites nouvelles !
Nous ne pouvons donc pas comprendre éternelle dans son sens étymologique ; mais seulement dans le sens où Jean l’appréhende, c’est-à-dire comme définissant une certaine qualité de la vie.
Vie éternelle, ici, ne désigne donc pas une vie hors du temps, sans commencement ni fin, mais désigne notre vie d’ici et de maintenant renouvelée, transformée, transfigurée,
– je sais,
ce sont là des notions plutôt pauliniennes, mais comme nous l’avons déjà dit, elles ne sont pas si éloignées que cela de celles qu’utilise Jean et elles ont le mérite d’exprimer tout de suite à l’essentiel
-je répète donc :
vie éternelle désigne notre vie d’ici et de maintenant mais renouvelée, transformée, transfigurée en Jésus-Christ, et ce dès maintenant, à cette heure même pour laquelle Jésus-Christ nous dit être venu.
Vie éternelle serait donc, selon l’acception johannique, non pas une notion quantitative relative au temps, à la durée de la vie, mais une notion qualitative relative à la richesse, à l’intensité de la vie.
Maintenant, à cette heure, nous pouvons être, avec Jésus-Christ, au commencement d’une vie nouvelle qui se caractérise par une autre manière de considérer les êtres et les choses, une autre manière de considérer la vie en général et la vie de chacun. Une manière empreinte d’attention, de considération, de respect, de souci de la justice, de désir de réconciliation, d’amour du prochain et aussi des lointains.
Sans doute, la vie n’est-elle pas toujours très facile, très heureuse, c’est le moins que l’on puisse dire. Cependant, ce sont bien nos vies, et nos vies telles qu’elles sont, et la vie des autres que Jésus-Christ nous aide à considérer comme étant le lieu de toutes les richesses…
Jésus-Christ nous apprend à découvrir au cœur de nos vies, et nos vies telles qu’elles sont, et au cœur de la vie des autres, tout ce qu’elles peuvent receler d’enrichissant, de passionnant, dont, bien souvent, nous ne nous doutions même pas.
C’est vrai que les aléas et les vicissitudes de la vie ne nous y portent pas, et, pourtant, c’est là, dans nos vies que Jésus-Christ instille et distille une dose de confiance, d’optimisme, et aussi de courage et de détermination, une dose suffisante pour nous permettre de considérer nos vies telles qu’elles sont, malgré leurs aléas et leurs vicissitudes, comme une chance ou comme une bénédiction, c’est selon.
Bien sûr, il y a des hommes et des femmes qui ont mille raisons d’être inquiets ou même de désespérer. Mais justement, c’est d’abord en songeant à eux, c’est d’abord pour eux, que les chrétiens que nous sommes ou voulons être, doivent faire preuve de cette confiance, de cet optimisme, de ce courage, de cette détermination que Jésus-Christ leur donne de vivre maintenant, à cette heure…
Frères et sœurs, avec Jésus-Christ, c’est maintenant, à cette heure, que nous pouvons découvrir et partager avec le plus grand nombre ce qu’il y a de plus intense et de plus profond dans la vie, dans nos vies et dans la vie de tout un chacun…
C’est maintenant, à cette heure, que nous pouvons faire l’expérience d’une qualité de vie telle, qu’elle laisse entrevoir qu’il y a bien autre chose que les inerties et les pesanteurs, que les troubles et les angoisses, quelque chose de plus grand, tel que l’amour de Dieu, manifesté en Jésus-Christ nous le révèle…
C’est maintenant, à cette heure, que commence la vie éternelle !
Oui, frères et sœurs, il est l’heure !
Quelle heure ?
L’heure d’une vie renouvelée, ici et maintenant. Amen !
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