Se servir soi-même ?

Frères et sœurs,
Cet épisode de l’évangile de Jean, nous plonge dans la semaine de la passion, entre les Rameaux et Pâques. (Reprendre Jean 12 : Bethanie puis Jérusalem)
Les propos de Jésus évoquent le drame qui se trame autour de sa personne.
– Se peut-il donc que l’histoire de l’humanité en soit tellement bouleversée ?
– Se peut-il que le ciel et la terre se trouvent là pareillement concernés ?

En effet, juste après l’événement des Rameaux, les Pharisiens qui épient les faits et gestes de Jésus, viennent de s’exclamer à son propos, dans la phrase qui précède le texte de ce jour : « Vous le voyez, vous n’arriverez à rien, voilà que le monde entier se met à sa suite ! ». Ils sont totalement exaspérés. (Jn 12, 19)

Frères et sœurs,
Nous sommes effectivement plongés dans l’évangile de Jean et il lui importe de présenter Jésus dans la pleine maîtrise des événements messianiques. D’où trois questions que je garde à l’esprit pour ce matin :
– Le grain qui tombe en terre, quelle parabole ?
– Que signifie donc cette parabole pour aujourd’hui ?
– De quelle nouveauté nous parle le prophète Jérémie ?

  1. Le grain qui tombe en terre, parabole ou réalité ?

Par une admirable image parabolique, Jésus évoque sa toute prochaine histoire terrestre. Lui qui a tant observé le mystère de la vie et de la mort dans la nature et dans les façons paysannes de son époque, s’en inspire pour donner sens théologique à ce qui n’est que non-sens ou scandale pour ses contemporains.

  • Quoi de plus intriguant pour un enfant que cette mystérieuse force enfouie dans la rondeur d’un grain de céréale ?
  • Quel émerveillement pour quiconque a une âme d’enfant, que de voir s’ouvrir une graine, pointer le germe et monter la tige d’une plante qui prend forme de jour en jour !
  • Qui aurait pu imaginer que la botanique était à la base de la plus haute théologie et en premier lieu, du mystère messianique ?

Alors que Jésus dit avoir l’âme troublée, ce en quoi nous compatissons, il donne à ses plus proches, comme pour les apaiser, cette parabole en évoquant la vie qui s’en suivra. Le grain qui meurt en terre, met au monde une plante capable de porter fruit et nourriture.
Nous percevons bien ce qui est annoncé là, même si comme ses disciples, nous sommes choqués ou révoltés à la pensée qu’il puisse en être ainsi pour le Messie sauveur de l’humanité.
Son choix est cependant précis et plein de sens. Il n’évoque pas n’importe quelle graine mais celle du blé.
Que de fois n’a-t-il médité sur cette graine et plante qui grâce au travail ininterrompu des hommes, leur donne nourriture dans le pain quotidien. N’évoque-t-il pas aussi le pain de vie, le pain de Dieu qui descend du ciel, comme il se plait à le dire dans ce même évangile :  » C’est moi qui suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura pas faim « , avait-il déjà annoncé. (Jean 6, 35)

 

2. Que signifie donc cette parabole pour aujourd’hui ?

Il me semble que nous avons bien compris que cette parabole, cette métaphore, ne concerne que le Messie et son Règne. Personne au monde, ne peut s’imaginer en approcher la moindre imitation, de quelque façon que ce soit.
Il s’agit là de la vie qui vient de Dieu.
Seul son Fils nous la donne. Il est le seul pain qui puisse nous nourrir en abondance et combler notre faim de son Règne. Cela me paraît clair et sans faille aucune.
Mais que dire alors de tout ce qui dans notre propre expérience, semble refléter quelque bribe de cet étonnant principe ?
Que penser de ce qui dans notre vie, semble avoir été accompli selon ce même esprit ?
Les paroles et les actes que nous posons en fidélité à l’Evangile seraient-ils sans conséquences ? Seraient-ils à classer sans suite ?
En nous mettant à la suite du Christ, nous avons appris qu’aucun serviteur n’était plus grand que son Maître. Nous sommes des serviteurs sinon inutiles, du moins ordinaires. Nous sommes au service du Christ et de son Evangile, un point c’est tout.
S’il nous arrive de voir poindre quelque bourgeon annonçant nouvelle saison et possible fruits nouveaux, ce sera pour nous raison d’action de grâce en écho à l’œuvre du maître de la moisson.
Cela dit, nous avons pleine espérance en lui.
Nous croyons vraiment que tout ce que nous disons et faisons sous le signe de sa passion et de sa résurrection, sera recueilli par notre Père en vue de nouvelles semailles et de nouvelles récoltes.
C’est pourquoi, nous devons œuvrer sans cesse à l’avancement de son Règne.

 

3. De quelle nouveauté nous parle le prophète Jérémie ?

Certes, à compter sur nos propres projets, nos seules forces et nos rares décisions, il y aurait sujet à découragement. Nous connaissons trop nos actes ambivalents et nos astuces de compromission.
C’est pourquoi la passion du Christ nous ouvre un chemin nouveau.
Le projet de Dieu, si bien annoncé par le prophète Jérémie va se réaliser pleinement.
Le grain de blé qui tombe en terre à ce moment-là, n’y sombre pas pour rien ni pour personne, bien au contraire il y emmagasine toute la défaillance humaine en même temps que toute son espérance aussi. Jésus, le Christ, le Fils de Dieu, est le seul à pouvoir porter jusqu’à son terme cette promesse de vie.

La promesse dont Jérémie est le témoin et le porte-parole, va bien au-delà de la passion et de la résurrection elle-même.
Cette promesse annonce de quelle façon Dieu envisage sa nouvelle alliance, son œuvre nouvelle au milieu des hommes :  » Je disposerai mes instructions au fond d’eux-mêmes… », dit Dieu.

N’est-ce pas l’avènement de l’Esprit de Pentecôte qui est ainsi évoqué depuis le temps de Jérémie ?
Ainsi, chaque fois que nous verrons éclore un peu de paix retrouvée, un peu de justice répandue et surtout de l’amour partagé, nous pourrons exulter en louange et reconnaissance envers celui qui a permis que le grain tombe en terre et porte fruit.

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Au terme de cette prédication, je voudrais conclure en écoutant avec vous la méditation du pasteur Henri Lindegaard, publiée dans un ouvrage « La Bible des Contrastes – méditations par la plume et le trait ».

« Seul, dans sa beauté parfaite, voici un grain de blé, chargé de vie comme un œuf. Seul, avec ses protections et ses écorces, replié sur lui-même, sans ouverture.

Tellement seul qu’il ne touche rien, pas même la terre.

Ainsi, il peut se conserver longtemps…

Mais, en conserve, à quoi sert-il ?

Sous lui, la terre, étale, sombre, en attente de vie.

Elle peut être sans ronces et sans cailloux ; tant que le grain de blé veut se sauver lui-même, il ne se passe rien… »

Et un peu plus loin :

« il faut que le grain tombe,

Se laisse couvrir de terre,

S’enfonce dans l’obscurité.

Ce qui se produit est merveilleux :

Craquent les écorces,

Craque le terrain,

Et apparait la double spirale de la vie.

 Un double mouvement,

Vers le haut et vers le bas,

Vers l’aventure et vers l’approfondissement.

Aventure vers le haut :

Deux feuilles comme deux mains ouvertes pour prier.

 Approfondissement :

Des racines qui s’enfoncent dans les couches horizontales.

 Il faut la louange et la présence au monde.

C’est la racine qui alimente la feuille,

Et c’est la feuille qui permet à la racine de respirer.

Amen

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