Lecture Biblique : Matthieu 2,9
Les sages se mettent en route. Ils aperçoivent l’étoile qu’ils ont vue à l’est. Ils sont remplis d’une très grande joie en la voyant. L’étoile avance devant eux. Elle arrive au-dessus de l’endroit où l’enfant se trouve, et elle s’arrête là.
Prédication
D’aucuns seraient sans doute fondés de penser qu’il y a eu pas mal de pagaille au cours de notre culte… Et ils auront raison ! J’en conviens bien volontiers. A ceux qui auront été quelque peu désarçonnés par la musique, les sketches ou même la présence d’un papa magicien, je voudrais vous inviter à revenir ici pour le culte de Noël du 25 décembre qui sera, je vous le promets, beaucoup plus raisonnable.
Mais nous voulions imprimer à ce culte festif quelque chose de la magie de Noël (merci Aurélien notre papa magicien !!) : Nous voulions qu’il y ait dans les yeux de nos enfants quelque chose de magique, des étoiles qui brillent. Il s’agit de marquer leur mémoire de manière indélébile. Qu’ils s’en souviennent toute leur vie comme ceux-là qui me racontaient il y a peu comment leur famille avait pour mission de décorer ce fameux sapin de Noël de Roquépine… Pourquoi ? Parce la foi s’enracine là, dans cette expérience merveilleuse de l’enfance, quelque chose d’extraordinaire qu’on ne comprend pas, qui ne passe pas d’abord par notre rationalité. Eh bien oui, c’est vrai, pour une fois les réformés canal historique apprennent à faire autre chose que de la rationalisation religieuse pour s’ouvrir à quelque chose de sensible, de magique. Magie, Mages, Imaginaire… nous sommes dans le même champ sémantique. Je voudrais vous parler ici du « Projet Imagine » C’est l’histoire Frédérique Bedos, enfant de la DDASS adoptée par une famille pauvre du nord de la France et devenue journaliste et présentatrice de télévision très connue. Elle a décidé de mettre sa notoriété au service de celles et ceux qu’elle appelle les héros du quotidien, celles et ceux dont personne ne parle mais qui changent le monde par leurs actions. Elle choisit de mettre la lumière sur eux. Il y a là quelque chose de l’utopie, de la volonté de construire un monde autrement, sur d’autres bases que les récriminations permanentes qui nous submergent et nous désespèrent. Comme le disait le philosophe Paul Ricoeur (Plaidoyer pour l’utopie ecclésiale), il s’agit que l’éthique de conviction qui nous anime vienne exercer une pression constante sur l’éthique de responsabilité de ceux qui doivent prendre des décisions difficiles. Par nos rêves impossibles nous voulons bousculer celles et ceux qui assument des responsabilités et qui sont le plus souvent prisonniers du principe de réalité. Nous voulons le faire au nom d’une conviction, d’un absolu qui nous habite, d’un rêve dont nous savons qu’il pourrait transformer notre réalité. Souvenez-vous des 3 rêves de Joseph qui traversent le récit de Noël (à croire que ce pauvre Joseph passe son temps à dormir !) : Au moment où il pense à cela, l’ange du Seigneur se montre à lui dans un rêve. L’ange lui dit : « Joseph, fils de David, n’aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme. Oui, l’enfant qui est dans son ventre vient de l’Esprit Saint. Elle va mettre au monde un fils, et toi, tu l’appelleras Jésus. En effet, c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
– Le projet initial que nous avions concocté avec les responsables du scoutisme et les catéchètes de la paroisse était d’envoyer les louveteaux et les éclaireurs à la célébration œcuménique qui a lieu chaque année pour chercher la lumière de la Paix qui vient de Bethléem pour nous la ramener ici à la fin de notre culte. Envoyer des enfants ? Cela peut paraître étrange mais oui, il est bien question de cela. Théologiquement, c’est même exactement cela le sens de Noël parce que cela explique réellement le cœur de l’Évangile : la mission de l’Église est un jeu dont nous ne sommes pas les héros. Nous sommes envoyés dans le monde comme des enfants sans défense mais en quête de lumière, des enfants missionnaires, à la fois désarmés et confiants, fragiles et joyeux, intimidés et enthousiastes… Si vous ne redevenez pas comme ces enfants vous n’avez aucune chance d’accéder au royaume de Dieu, dit Jésus (Mt 18,3). C’est une question d’état d’esprit : cessons d’attendre, de passer notre tour, de laisser faire les autres, de laisser couler le monde. Il nous faut partir même si on ne sait pas si on va y arriver, même si on se sent fragile, même sans aucune expérience préalable, sans préparation requise, sans formation nécessaire. Voilà les moyens qui sont les nôtres : une armée désarmée et joyeuse qui part réellement la fleur au fusil, un uniforme (scout) sur le dos pour qu’il n’y ait pas de différence de dignité qui se fonde sur le milieu social ou les moyens financiers.
– Partir ? D’accord mais pour quoi faire ? Il s’agit de se mettre en route, pour chercher la lumière… Chercher… Heureux celui qui cherche ! La quête, le manque, le désir fait l’humain. Sans désir, pas de projet, pas de volonté, pas d’histoire, pas d’espérance. Celui qui n’attend rien, qui n’espère rien, qui ne cherche rien, se comporte comme un légume. Ou plutôt, c’est un réactionnaire. C’est à dire quelqu’un qui ne fait que réagir. Celui qui ne fait que réagir et qui ne cherche rien n’est pas acteur de sa vie, il n’est donc pas libre… Savez-vous qu’en hébreu, le verbe « chercher » se dit Shahar et il signifie aussi « aurore ». Aurore d’une nouvelle naissance, d’un jour nouveau, d’un commencement nouveau. Chercher la sortie du tunnel. Chercher avec la conviction que la lumière brille sur les ténèbres. Dans le psaume 63, David utilise ce verbe inhabituel de Shahar pour sa prière : O Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche, j’ai soif de toi. On comprend qu’on parle ici de la quête intérieure qui est là, au creux de chacune de nos existences. On raconte l’histoire de ce jeune qui cherchait à connaître Dieu. On lui conseille d’aller voir un ermite qui a grande réputation et qui vit seul dans la forêt. Le jeune homme va à la rencontre de l’ermite et lui fait part de sa quête. Le vieillard lui propose de l’accompagner. Ils marchent en silence jusqu’au bord d’un lac. Le vieillard s’agenouille sur la berge, et le jeune homme en fait autant. Le vieillard se penche pour se regarder dans l’eau, et le jeune homme en fait autant. A ce moment-là, avec une force surprenante, l’ermite prend la tête du jeune homme et la plonge dans l’eau. Il attend. Le jeune homme se débat mais l’ermite ne bouge pas. Il attend. Des bulles commencent à remonter à la surface. Mais l’ermite attend encore. Au bout d’un long moment, il ressort la tête de l’eau. Le jeune homme est hoquetant. Il essaye de retrouver son souffle. Alors le vieillard lui dit : « Le jour où tu chercheras Dieu avec autant de force et de désir que l’air qui te manquait lorsque tu étais sous l’eau, tu le trouveras… »
– Pour partir en mission, nos enfants ont été armés et équipés par les cadeaux que nous leur avons faits… Telle est la mission des adultes : charger nos enfants de cadeaux (un sac au nom de l’église et aux couleurs du scoutisme, des crayons et des cartes écrites à la main, des papillotes, des mots personnels écrits à la main par Janine, Claudie, Mireille, Pascale…) Ces cadeaux sont offerts pour créer en eux un capital de joie parce qu’il faut bien avouer qu’il y a du plaisir à recevoir (autant qu’il peut y en avoir à donner). Ces cadeaux que nous donnons et que nous recevons signifient que nous sommes importants les uns pour les autres, que nous comptons pour quelqu’un. Malheureux celui qui ne reçoit jamais de cadeau. Il est de bon ton chez les parpaillots de dénoncer le consumérisme qui aggrave les injustices autant que le dérèglement climatique. Et il faut dire qu’ils ont absolument raison. Mais permettez-moi de m’insurger aussi contre les tristes sires et les rabat-joie : une Église de la grâce devrait prendre l’habitude de développer du gratuit, du cadeau. Je veux ici réaffirmer avec force que, comme l’art et comme la culture, l’inutile est indispensable. Aussi nécessaire que le parfum de grand prix renversé sur les pieds de Jésus par la femme de mauvaise vie (Mc 14,3-9). C’est un signe de la Grâce qui vient à nous et qui nous libère de l’emprise du devoir et du faire, de la tyrannie de la maîtrise et du pouvoir, de l’esclavage du manque et de la rareté. Les pauvres, vous les avez toujours avec vous, et vous pouvez leur faire du bien quand vous voulez ; mais moi, vous ne m’avez pas toujours…
– Ce que nous cherchons, c’est la lumière. Nous sommes toutes et tous en quête de lumière et de clarté dans notre vie. Sortir de l’ombre et lutter contre la peur du noir, connaître la direction, le sens de sa vie. Faire des choix et découvrir sa vocation. Voilà la grande question qui anime le groupe des jeunes actifs cette année : je crois profondément que cette question nous anime tous quel que soit notre âge. Nous sommes tous en quête de lumière et de clarté et nous avons peur du noir. Freud raconte l’histoire d’un enfant qui avait toujours peur du noir. Il demande à sa tante qui est dans la pièce d’à côté : « J’ai peur, parle-moi. » Sa tante lui répond : « A quoi cela te servirait-il, puisque tu ne me vois pas ? » Alors l’enfant dit : « Il fait plus clair lorsque quelqu’un parle. » La Parole de Dieu nous affirme que la lumière vient de Bethléem. Les sages se mettent en route. Ils aperçoivent l’étoile qu’ils ont vue à l’est. Ils sont remplis d’une très grande joie en la voyant. L’étoile avance devant eux. Elle arrive au-dessus de l’endroit où l’enfant se trouve, et elle s’arrête là. C’est une confession, une conviction qui ne relève pas de ces évènements géopolitiques qui défigurent Israël – Palestine depuis des années. Cette confession affirme clairement que, en Jésus et par Jésus, « Dieu est avec nous, Emmanuel ». Où aller loin de toi ? dit le Psaume 139 Où fuir loin de ta présence ? Si je monte dans les cieux, tu es là ; si je me couche parmi les morts, t’y voici ! (…) Si je dis : « Que l’obscurité m’engloutisse, qu’autour de moi le jour se fasse nuit ! » Pour toi, même l’obscurité n’est pas obscure, la nuit est claire comme le jour, les ténèbres sont comme la lumière. (Ps 139,7-12). Dieu est avec nous. Désormais : vous êtes tous fils de la lumière, fils du jour, affirme l’apôtre Paul (1 Th 5,5) Vous êtes la lumière du monde (Mt 5,15) ? Et la lumière du monde se doit de donner à voir quelque chose de lumineux pour qu’autour de nous la lumière soit et que le monde crie : Eurêka ! Tout est clair… et qu’il retrouve confiance et audace. Par notre foi, il nous appartient que la lumière brille dans les ténèbres (Jn 1,5). Joyeux Noël !
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