N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie ?

Lecture Biblique : Marc 6, 1-6

 

Prédication

A Nazareth, dans la synagogue de son village, l’intervention publique de Jésus suscite deux sortes de réactions ;

d’une part, on se demande :

« D’où lui viennent ces choses ? Cette sagesse ? Ces miracles ? ».

D’autre part, ces questions circulent de bouche à oreille :

« N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joses, de Jude et de Simon ? et ses sœurs ne sont-elles pas ici parmi nous ? ».

Une contradiction apparaît aux yeux des Nazaréens :

Comment associer le nouveau, l’exceptionnel, avec ce qui est proche et connu ? Où Jésus irait-il chercher sa différence ? Pour qui se prend-il ? On le connaît aussi bien que l’on se connaît soi-même ! Il est d’ici !

Et si Jésus venait nous faire découvrir que nous ne connaissons bien ni lui ni nous-mêmes ? Quel dérangement ! Quel abîme s’ouvrirait autour de nous et en nous ! Quel dérangement cela serait, précisément là où nous n’aimons pas être dérangés, dans notre univers familier ! Il faudrait tout reconsidérer, se poser des questions et porter un regard différent sur notre univers proche et privé !

Non ! Les choses importantes et nouvelles viennent d’ailleurs. Ce qui vient de Dieu est dans l’extraordinaire, l’éblouissant, l’exotique, l’inaccessible, le puissant !

De nos jours, pour entraîner l’adhésion des hommes, il faut faire rêver d’évasion, de réussite, d’efficacité. La publicité et les hommes politiques utilisent ce langage. Mais associer parole humaine et parole de Dieu, action de Dieu et faiblesse humaine ne paraît pas possible.

 

Frères et sœurs,

La rencontre manquée de Nazareth n’est que l’annonce et un avant-goût du grand scandale que sera la mort de Jésus sur la croix, car là, il sera manifeste qu’il n’est qu’un homme, puisqu’il meurt comme tous les hommes.

Au fond, nous sommes tous un peu Nazaréens. Pour nous aussi, Jésus associe ce qui nous paraît incompatible : Dieu et l’homme.

Plus tard, dans un langage théologique, on dira que Jésus est « vrai homme et vrai Dieu », mais attention, il ne faut pas imaginer deux identités juxtaposées. Jésus est « homme et Dieu » d’un seul élan, d’un seul bloc : plus il est vraiment homme et plus il est vraiment fils de Dieu.

« D’où lui vient cette sagesse ? ». « N’est-il pas des nôtres, n’est-il pas d’ici ? ».

Jésus déconcerte parce qu’il en fait à la fois « trop et trop peu ».

Trop peu de miracles : par exemple, il ne fera pas de miracle pour répondre à l’attente des Nazaréens (ce serait un piège pour lui et pour eux), pas plus qu’il ne descendra de la croix lorsque tout le monde soulignera la contradiction d’un Messie qui meurt comme le dernier des hommes.

Ce scandale qui provoque l’incrédulité des Nazaréens, est pourtant le cœur de l’Évangile. On peut, bien sûr, penser que Jésus n’utilise pas les bons moyens pour convaincre les hommes. S’il avait les attributs du pouvoir, de la fortune, la puissance de s’imposer, de l’invulnérabilité comme le suggère Satan à la tentation, il aurait du succès.

En réalité, ce scandale, s’il peut conduire à l’incrédulité, est aussi la porte d’entrée vers la foi.

La foi qui se nourrit de miracles, qui est prête à suivre tous les puissants, n’est pas encore la foi chrétienne. Au contact de Jésus, elle devient de l’incrédulité, car l’humanité de Jésus met en question ce que nous croyons sur Dieu, sur nous-mêmes, sur les autres. Cette mise en question est inévitable pour accéder à la bonne nouvelle de la proximité de Dieu en Jésus.

Jésus ramène Dieu sur la terre, alors que nous voulons le chercher au ciel, auprès des héros, des surhommes, des puissants.

La bonne nouvelle, c’est qu’en Jésus nous rencontrons non seulement Dieu, mais aussi notre véritable humanité, à savoir : la grandeur, la richesse, la beauté de devenir et d’être un homme (un être humain, une créature) ; un homme qui accepte ses limites, sa fragilité dans la confiance donnée par l’amour de ce Père retrouvé en Jésus-Christ. C’est une humanité acceptée, aimée et capable d’aimer, dans la simplicité et la proximité.

Jésus ne vient pas nous aider à réaliser notre désir de surhomme, mais nous aider à être des hommes et il n’y a pas de diminution à devenir des hommes.

A travers le charpentier, le boulanger, l’informaticien, le mécanicien, le technicien, à travers … citer d’autres métiers ou des prénoms …, il veut nous faire découvrir la richesse de la vie qu’il nous donne.

C’est là que Dieu nous donne rendez-vous, dans cette humanité fragile, mortelle, où il y a des malades, des difficultés, et il nous dit : « Qui accueille un enfant, visite un malade… m’accueille moi-même et accueille aussi mon Père ».

Dans cet univers quotidien que nous croyons connaître, il y a plus à découvrir, à vivre, à aimer, à entreprendre que dans nos rêves de grandeur, de puissance et d’évasion.

De nos jours, beaucoup pensent qu’il faut s’évader, s’éclater dans le bruit, la surconsommation, la vitesse, l’alcool, la drogue… Cela n’est qu’illusion, pauvreté, aveuglement.

« La Parole est venue chez les siens, dit l’évangéliste Jean, et les siens ne l’ont pas reçue, mais à ceux qui l’on reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu »

(Jean 1/11-12)

Il fallait que Jésus vienne chez les siens à Nazareth, chez les siens parmi son peuple, chez les siens parmi les hommes de notre monde, pour nous ouvrir à la grâce d’accéder à notre vraie humanité, à notre vraie identité, celle d’enfant de Dieu.

Jésus vient nous convertir à une foi qui nous ramène sur la terre des hommes, vers une humilité qui grandit, une faiblesse qui est forte, une simplicité d’une richesse inépuisable.

C’est là, non pas ailleurs, à côté de la vie, c’est dans le cadre de notre vie limitée, fragile, humaine que Jésus ouvre un chemin vers soi-même, vers Dieu, vers les autres.

Ce chemin, si nous le suivons, nous remplit d’espérance, car nous découvrons qu’il va beaucoup plus loin que ne porte notre regard. Il faut l’emprunter ici et maintenant avec confiance, mais il continue et nous conduira au-delà de l’horizon visible.

Sur ce chemin Jésus nous rejoint, nous accompagne et nous précède.

Ce matin, au début de ce culte, comme nous le répétons dimanche après dimanche, vous avez entendu la proclamation de la grâce de Dieu. Ces premières paroles du culte manifestent que Dieu nous aime d’un amour premier et inconditionnel.

Frères et sœurs,

Encore quelques mots :

Dans notre vie limitée, fragile, humaine, Jésus ouvre un chemin vers soi-même, vers Dieu, vers les autres.

La bonne nouvelle, c’est qu’en Jésus nous rencontrons non seulement Dieu, mais aussi notre véritable humanité, une humanité acceptée, aimée et capable d’aimer, dans la simplicité et la proximité.

 

Amen.

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