Choisis la vie : Il n’est jamais trop tard pour Jésus !

Lecture Biblique : Marc 5, 21-43

 

Prédication

Le texte que nous venons de lire nous plonge dans deux situations désespérées : d’une part cette femme, victime de pertes de sang récurrentes depuis 12 ans, seule, abandonnée de tous, ayant tout perdu et, d’autre part, ce notable de la synagogue, Jaïrus, implorant Jésus car sa fille de 12 ans est sur le point de mourir. Il apprend, en route vers chez lui, que c’est trop tard ; elle est déjà morte.

Nous lisons ce récit alors même que nous sommes plongés depuis des mois dans un ambiance mortifère, au cœur d’une épidémie inédite, que l’on nous promet des jours sombres en raison du dérèglement climatique, des mouvements migratoires, du terrorisme, des guerres, de la dislocation du monde d’avant, de la perte des repères.

« Le monde est foutu, à quoi bon… » entend-on souvent, y compris chez des jeunes. « Pourquoi faire des enfants ? »

Exactement comme ceux qui disaient à Jaïrus qu’il était trop tard pour sauver sa fille :

« Ta fille est morte. Pourquoi importuner le maître ! »

Eh bien justement, il faut importuner le maître et nous allons voir pourquoi !

Revenons à notre récit.

Dans ce chapitre 5, Jésus, après avoir guéri un démoniaque, chez les païens, de l’autre côté du lac de Tibériade, est de retour parmi les siens. Il a accompli de nombreux miracles et une foule le suit. Il évite cependant les synagogues car les pharisiens et les scribes commencent à être excédés par ses interventions.

C’est dans ce contexte, qui commence à être tendu, que Jaïrus, un des chefs de la synagogue, s’approche de Jésus et tombe à ses pieds et le supplie, car sa fille est malade. Geste incroyable quand on sait que les pharisiens, choqués par la guérison effectuée un jour de sabbat, ont commencé à consulter les hérodiens sur les moyens de le faire périr et que les scribes disent qu’il est possédé de Béelzébul. Un responsable de la synagogue au pied d’un dangereux agitateur !

Acculé par la situation, désespéré, il est prêt à tout pour sauver sa fille, quitte à perdre son honneur et sa respectabilité.

Mais une deuxième histoire se glisse dans notre récit : Tandis que Jésus et la foule se dirigent vers la maison de Jaïrus, une femme, surgie de nulle part, se dirige dans leur direction. Nous apprenons qu’elle souffre de pertes de sang depuis 12 ans, autant dire une éternité dans le vocabulaire biblique.

Cette situation, dans le monde judaïque qui est celui de cette époque, l’a conduite à sa déchéance. Selon les règles rappelées au chapitre 15 du Lévitique, elle est considérée comme impure. Tout objet qu’elle touche devient impur ainsi que quiconque la touche.

Elle a dépensé tout son bien pour payer des médecins, visiblement aussi peu efficaces les uns que les autres, et son état a empiré.

Non seulement elle est impure, ce qui est assez « normal » pour une femme dans ce contexte, mais surtout elle est stérile, donc totalement inutile. A quoi peut servir une femme stérile ?

Seule, éloignée de tous, tout le monde s’étant écarté d’elle, elle n’a plus de solutions. Elle est au fond du trou, sans espoir.

Et voilà qu’elle entend parler de ce Jésus qui procède à des guérisons. Elle se dirige vers la foule qui l’entoure, s’approche discrètement, par derrière compte tenu de son état d’impureté, pour juste effleurer son vêtement. Sait-on jamais, ça peut marcher.

Jaïrus s’est compromis pour sauver sa fille, cette femme est prête à recourir à la magie pour se sauver.

Et là, chose stupéfiante, sa perte de sang s’arrête instantanément et elle sent, dans son corps, qu’elle est guérie de son mal.

Autre étonnement : Jésus, qui, à ce stade, ne l’a même pas vue, sut aussitôt qu’une force était sortie de lui.

Ce détail est essentiel. Cette femme avait peut-être une approche maladroite et superstitieuse en pensant être guérie en touchant le vêtement de Jésus. Mais contrairement à tous les guérisseurs de son temps – et ils étaient nombreux, ce n’est pas le contact avec un vêtement magique ni un geste ou des paroles mystérieuses de Jésus qui l’ont sauvée mais une force venue de Dieu et sortie de Jésus. Une guérison accompagnée d’une parole, une parole qui donne sens à ce qui vient de se passer. Une guérison qui transforme la personne et la conduit sur un chemin nouveau.

La femme, tremblant de peur car elle est impure et a touché le vêtement de celui que tous adulent, se jette à ses pieds, comme Jaïrus, et lui explique son histoire.

« Ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton mal. » lui répond Jésus.

En une phrase, toutes les impuretés du monde, les barrières de règles érigées entre les hommes sont balayées, la maladie de cette femme et le regard des autres sur sa prétendue impureté.

Une phrase qui renverse nos approches toutes humaines ; ce n’est pas le contact avec le manteau qui l’a sauvée et Jésus ne lui dit pas : « Je t’ai sauvé » ou « Dieu t’a sauvé ». Il dit : « Ta foi t’a sauvée ». Cette femme est actrice de sa guérison, par sa foi.

Au fond de sa détresse, elle s’est dirigée vers Jésus sans que personne ne la remarque, mais le Seigneur l’a entendue et, par son fils, lui a adressé une parole qui la remet debout, lui redonne toute sa place dans le monde. Il lui rend la maîtrise de sa vie. Elle n’est plus enfermée dans son destin biologique. Ses pertes de sang s’arrêtent et, ménopausée, elle va pouvoir prendre son destin en main dans une vie nouvelle.

Le récit de cette guérison, qui semblait n’avoir aucun rapport avec l’histoire de Jaïrus, donne un sens particulier au miracle qui va suivre.

Jésus, rendu impur par le contact avec cette femme, se rend dans la maison d’un chef de la synagogue pour accomplir un second miracle.

Vous vous rendez compte : un notable de la synagogue qui reçoit chez lui, au vu de tous, celui qui transgresse aussi ouvertement les règles de la loi !

C’est un Jésus impur qui va accomplir le second miracle, qui plus est dans la maison d’un notable de la synagogue. Ce même Jésus qui guérissait les jours de sabbat.

Un deuxième miracle qui fait écho à la guérison de la femme ; ici encore il est question de fertilité. Le texte précise qu’il s’agit d’une fille de 12 ans qui meurt au moment où elle devenait adulte, nubile, fertile.

Au-delà de ces deux miracles, une autre guérison s’opère, celle de Jaïrus et de ses proches, celle des témoins de cette scène, et la nôtre aujourd’hui. Tous guéris par Jésus !

Libérés du poids des règles de pureté que nous érigeons pour séparer les hommes, pour les juger. Libérés du regard négatif que nous pouvons porter sur nous-même et sur les autres, particulièrement sur les femmes. Libérés de nos craintes toutes humaines.

Jésus balaye tout cela et adresse une parole de vie quand on se tourne vers lui. Une parole qui relève. Une parole de confiance.

Le récit se conclut par cette phrase adressée à l’entourage de la jeune fille : « Donnez-lui à manger ».

En effet, nous sommes concernés par ce qui vient de se jouer et cette fille ne reste pas seule avec sa guérison. Ceux qui la côtoient ont une mission. Ils sont appelés à prendre soin d’elle et plus largement, à prendre soin les uns des autres.

Nous qui entendons ces paroles aujourd’hui les faisons nôtres également. Ensemble, nous sommes aussi appelés à prendre soin les uns des autres, comme l’association Dièse dont l’assemblée générale se tiendra à l’issue du culte.

Nourris par cette foi en Christ qui nous anime, nous pouvons agir pour permettre à d’autres de se relever, de retrouver dignité, autonomie, autorité sur leurs vies, comme cette femme et cette jeune fille.

 

Ainsi se termine ce récit qui nous révèle la vraie nature de Jésus, loin du guérisseur et du « Docteur miracle » au « manteau magique » qui ferait disparaître nos maladies par simple contact ou imposition des mains et nous remettrait dans notre état antérieur afin que nous retrouvions notre petite vie tranquille.

L’action de Jésus est radicale ; Par de simples petites paroles, elle balaie toutes les certitudes et les préjugés et change profondément la vie de ceux qu’elle atteint.

Elle nous relève et nous fait avancer, avec confiance, à sa suite.

C’est cette même parole qui nous guérit aujourd’hui et nous met en mouvement. Inutile d’essayer de  toucher la robe du pasteur. Il ne se passera rien ! Tout juste pouvons-nous nous appuyer sur les « béquilles » que sont les sacrements comme dirait Calvin, et les rares signes liturgiques que nous pouvons utiliser ; ils nous aident uniquement à tourner nos regard vers la source de notre vie : la Parole du Seigneur, lues dans la Bible, partagée avec nos frères et sœurs ou lors d’un culte.

 

En conclusion, souvenons-nous de ces deux femmes dont la vie fertile s’est arrêtée nette, il y a 12 ans pour l’une, à l’âge de 12 ans pour l’autre, au moment où elle devenait nubile. Encore le chiffre 12, nouveau lien entre ces deux histoires pour faire un tout, image de notre humanité.

Par leur rencontre avec Jésus, elles ont été relevées l’une et l’autre et peuvent désormais mener une vie pleine de fruits et de promesses.

Les situations mortifères vécues par ces femmes, les contraintes sociétales qui les enfermaient, les assignations biologiques qui les entravaient font écho aux contraintes subies dans le cadre de la pandémie, particulièrement par les jeunes, muselés depuis près de deux ans, privés temporairement d’avenir.

 

Souvenons-nous de Jaïrus qui a osé importuner Jésus malgré ce qu’il pouvait en coûter au notable installé qu’il était.

Riche ou pauvre, seul ou en famille, connu ou noyé dans une foule, confiant ou désespéré, nous pouvons tous nous adresser à Jésus.

Que nous nous sentions profondément seul comme cette femme malade, inquiet pour nos proches comme Jaïrus ou spectateur impuissant des malheurs du monde comme cette foule, c’est à nous que Jésus, aux travers de ces récits, adresse une parole de vie et d’espérance.

 

Alors peu importe les oiseaux de mauvais augure, les prophètes de malheur, l’horizon qui semble s’obscurcir. Notre regard se tourne vers cet homme qui nous invite à nous soucier des autres, ceux qui tout perdu, comme les réfugié climatiques, les exilés qui ont fui la guerre et tous ceux que nous côtoyons quotidiennement. Il nous donne une responsabilité dans ce monde.

Notre guérison nous rend fertile, notre libération nous conduit à agir. Nous sommes remis sur pied, non pas pour retrouver notre état antérieur ou vivre dans le monde d’avant, mais pour avancer avec lui, défricher ce futur plein de promesse.

Il a apaisé nos craintes, comme les jeunes nous l’ont rappelé la semaine dernière en évoquant la tempête apaisée : « Pourquoi avez-vous si peur ? Vous n’avez pas de foi ? »

 

Soyons donc porteur de cette confiance au moment où nous abordons l’été avec soulagement, vaccinés pour la plupart, réjouis de retrouver les terrasses et les restaurants, ravis d’accueillir dimanche prochain Simon Wiblé, notre nouveau pasteur, et sa famille.

 

Pour terminer, je vous laisse ces paroles de Jésus entendues ce matin :

« Va en paix ! » dit-il à la femme,

« N’aie pas peur, crois seulement ! » dit-il à Jaïrus,

« Réveille-toi ! » dit-il à sa fille,

« Donnez-lui à manger » dit-il à ceux qui l’entoure.

 

Que ces paroles que Jésus adresse personnellement à chacun d’entre nous ce matin nous portent tout au long de la semaine, et au-delà.

Amen

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