Frères et sœurs, qu’est-ce qu’être chrétien ?
Cette réflexion traverse aujourd’hui toutes nos Églises et chacune y apporte ses réponses spécifiques.
Le fondement reste le même mais la manière de vivre diffère de celles des premiers chrétiens. Il y a tant de manières « d’être chrétien ».
Nous ouvrons cette page d’Evangile, selon Jean, chapitre 15, versets 1 à 8 et nous lisons : « Je suis la vigne véritable », dit Jésus, reprenant ici une image bien connue de ses auditeurs. Le cep (la vigne), les sarments (les rameaux), le vigneron et le fruit, les grappes de raisin ? Non, plus justement, le fruit au sens propre et au sens figuré : le produit, la conséquence.
Dès les récits de la première alliance, la vigne est l’image du peuple auquel Dieu apporte tous les soins du vigneron qui en attend une bonne vendange.
Mais Jésus implique d’emblée ses disciples : « Vous êtes les sarments », formule propre à l’évangile de Jean.« Vous êtes » : c’est aussi simple que cela ! Il ne nous dit pas : devenez des sarments ; il ne nous dit pas : accrochez-vous à moi. Il nous dit : « vous êtes des sarments », vous êtes reliés à moi, non pas par vos propres forces, par vos propres moyens, par votre propre quête spirituelle, par votre propre piété, par vos propres actions. Mais parce qu’il en est ainsi, parce que vous êtes des êtres humains, des créatures voulues par Dieu, vous êtes attachés à moi.
Première réponse : Être chrétien c’est se découvrir relié à la vigne, à Dieu. C’est un cadeau qui nous est fait et pour lequel nous n’avons aucun effort à fournir. C’est une Bonne Nouvelle. Mais, on peut avoir des difficultés à le recevoir tel quel parce que le monde qui nous entoure et qui nous conditionne nous rappelle sans cesse que tout ce qu’on obtient c’est le résultat de nos efforts.
« Demeurez en moi » : dans le désert, Dieu n’avait qu’une tente au milieu du campement, mais cette tente était le cœur de la vie. Nous pourrions comprendre ce verbe comme un encouragement à rester statique, immobile, passif. Rien changer, s’installer dans nos habitudes de pensées et de vie, dans notre manière de faire et de concevoir notre vie et notre vie avec Dieu. Mais ce n’est pas de cela dont il est question ici.
Demeurez en moi comme le sarment demeure attaché à la vigne.
Or ce qui permet au sarment de demeurer attaché à la vigne, c’est cet échange permanent de la sève qui relie le sarment au cep et qui lui donne de grandir, d’avoir du feuillage et de produire du fruit en abondance.
Deuxième réponse : Être chrétien, c’est cultiver ce lien avec Dieu.
Être chrétien, n’est jamais un acquis et comme le peuple s’est déplacé dans le désert avant d’entrer en Terre Promise, comme Dieu a attendu avant que le Temple ne soit construit, de même, nous sommes sur terre appelés à approfondir notre relation avec le Christ pour que notre témoignage soit plus fort.
« Tout sarment qui ne porte de fruit, il l’émonde »
Travail patient du vigneron qui a en vue le bien de la vigne et de la vendange. Être émondé, être taillé est différent d’être jeté dehors, d’être retranché. Les vignerons savent bien que pour que le sarment grandisse et se fortifie, pour que le fruit soit abondant, nourrissant, il faut l’émonder. Il ne faut pas lui permettre de partir n’importe où, n’importe comment.
Cela dit, c’est une parole que nous avons du mal à entendre : Le Christ nous avertit par ces mots que dans notre vie, il faut émonder ce qui est un frein à l’approfondissement de notre relation avec le Christ.
Troisième réponse : Être chrétien ne nous épargne ni les douleurs, ni les retranchements, ni les arrachements. S’engager pour les autres et pour Dieu ne va pas sans arrachement, ni même parfois sans violence. Vivre une vie de foi, ce n’est pas un long fleuve tranquille, c’est au contraire avancer, accepter de passer par des petites morts, abandonner les effets spéciaux et le superflu pour que la vie triomphe.
« Demeurez dans mon amour ».
Dans l’évangile et les lettres de Jean, ce thème revient à de nombreuses reprises et puisque nous sommes reliés à la vigne, au Père, il est normal que l’image de l’amour vienne prendre ici sa place. Or aimer, ce n’est pas ce sentiment un peu fade dont on nous ressasse à longueur de feuilleton télévisé.
Aimer nous engage au quotidien.
Aimer c’est une réalité qui modifie notre relation à nous-mêmes et notre relation aux autres.
Aimer Dieu ce n’est pas d’abord une mystique, une intériorité secrète, mais c’est une éthique : une manière de se comporter vis-à-vis des autres.
Aimer c’est une action, le produit, le fruit de demeurer en Christ (et Lui en nous)
Quatrième réponse : Être chrétien, c’est non seulement être lié à Dieu, être émondé. Mais être chrétien c’est aussi s’engager avec les autres et pour les autres, avec Dieu et pour Dieu. La sève circule entre le cep et les sarments, de même l’amour de Dieu irradie toute la vie et la vie des autres qui sont eux aussi reliés à Dieu et à nous-mêmes. Jésus s’adresse à ses disciples collectivement : « vous êtes ». Ce « vous » collectif est nourri par le tu individuel mais il n’est pas simplement la somme de tous nos « tu ». La communion avec le Christ et entre nous va au-delà d’une simple addition, elle nous engage dans une solidarité. C’est ensemble que nous portons du fruit.
L’enseignement de Jésus culmine dans un dernier mot : la joie et la joie parfaite.
Je conclus ce matin avec ce motif de la joie comme visée du commandement d’amour. L’intention de Jésus en transmettant tout cet enseignement à propos de la vigne, c’est effectivement de réjouir ses disciples, de leur donner de la joie. Il ne s’agit pas d’une joie de façade, mais de cette joie profonde appelée aussi jubilation, qui oriente notre vie et nos actes vers Dieu, vers la vie, vers les autres. La joie qu’il y a lorsqu’on se découvre aimé, compris, relié, inséré, encouragé, porté, soutenu. La joie de croire tout simplement.
En tant que chrétiens, nous ne transpirons pas toujours cette joie, sinon d’autres auraient envie de nous demander ce qui nous anime et de se joindre à nous.
Le défi que les chrétiens doivent relever aujourd’hui, c’est d’être porteurs de cette Bonne Nouvelle qui remet l’être humain au cœur des relations, qui humanise les décisions à prendre, qui prend en compte les plus faibles, les petits, les désarmés. Être chrétien sans attendre d’être payé en retour pour les actions menées.
« Moi, je suis le cep ; vous, les sarments » nous dit le Christ.
Et il ajoute (v. 11) : « Je vous ai parlé ainsi, afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète »
Amen !
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