Aimez-vous les uns les autres

 

Avant sa mort et sa résurrection, dans l’évangile selon Jean, Jésus adresse un long discours d’adieu à ses disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme j’ai gardé les commandements de mon Père et que je demeure dans son amour » (…)
« Voici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »
Et à la fin de l’extrait lu ce matin : « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres » (Jn 15, 17)

Frères et sœurs, pour nous aider à méditer sur ce commandement d’amour donné par Jésus, je vous donne quelques clés de compréhension. Pour décrire ce qu’est la communauté chrétienne après Pâques et la loi qui la régit, l’évangéliste Jean se sert de la fameuse image de la vigne et des sarments. « Je suis la vigne (le cep), vous êtes les sarments » ; 15, 1-8  (Texte lu et médité dimanche dernier)

Grâce à ce langage symbolique, il peut exposer les deux aspects de la condition du croyant. D’une part, ce n’est que rattaché à la vigne (le Christ) que le sarment (croyant) peut recevoir la vie qui lui permet de prospérer. Mais d’autre part, le sarment ne demeure que s’il « porte du fruit » ; le fait d’être attaché au Christ met le croyant en situation de responsabilité et l’appelle à une fidélité vécue. Le programme de toute vie chrétienne consiste donc à « demeurer en Christ », expression qui unit de façon indissociable le don reçu et l’obéissance requise.

Franchissant un pas supplémentaire, le texte indique que « demeurer en Christ » équivaut à « demeurer dans son amour » (15, 9-17). A nouveau, cette formulation a une double dimension. D’une part l’amour de Jésus pour les siens, qui atteint son comble à la croix, installe les croyants dans une nouvelle condition : ils deviennent les amis de Jésus, ceux qui ont été choisis par lui. Mais d’autre part, ce don oblige : la communauté reçoit pour commandement celui de l’amour mutuel (« Aimez-vous les uns les autres come je vous ai aimés »). Amour charité, amour fraternel, agape en grec.

Dans la loi que le Seigneur Dieu avait donnée à Moïse, figurait déjà le commandement d’aimer son prochain, et même d’aimer l’étranger comme soi-même. Alors, qu’est-ce que Jésus apporte de nouveau ? S’il s’agissait uniquement de répéter le commandement donné par Moïse au peuple d’Israël, on ne pourrait pas appeler son commandement un « commandement nouveau ». Or Jésus dit bien qu’il donne ici un commandement nouveau : « aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » « Nul n’a d’amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime »Sa vie, Jésus ne l’a pas gardée pour lui. Voilà la source du commandement nouveau.
L’amour dont nous avons été aimés, l’amour de Jésus devient une source dans notre vie, où nous pouvons puiser pour nous aimer les uns les autres. Nous connaissons bien cette loi de la psychologie : un être humain ne peut aimer que s’il a été aimé.  Un enfant qu’on a méprisé, humilié, aura difficilement du respect pour lui-même et pour les autres, et à fortiori de l’amour pour les autres. Un enfant aimé, en revanche, lui, saura donner de l’amour quand il sera adulte.

Cette loi psychologique humaine fonctionne aussi dans le domaine spirituel : l’apôtre Jean dans sa lettre écrit et insiste. C’est Dieu qui nous a aimés le premier. Et parce qu’il nous a aimés le premier, nous pouvons aimer en retour, aimer Dieu, aimer les frères, ce qui résume toute la loi donnée aux Hébreux au Sinaï. Comment pouvons-nous savoir que Dieu nous aime ? Bien des souffrances sur cette terre semblent en effet voiler cet amour. Dieu nous donne la preuve de son amour en nous donnant son Fils unique, Jésus-Christ, né de la vierge Marie, né du peuple juif, enfanté pendant des siècles à travers l’histoire de ce peuple. L’amour s’est incarné en Jésus, en Jésus de Nazareth crucifié à Jérusalem et ressuscité trois jours après à Jérusalem. Découvrir cet amour, c’est découvrir l’éternité aujourd’hui même.

La religion biblique, la religion juive se distingue des autres religions par le peu d’intérêt qu’elle porte à l’au-delà. Pourtant les Juifs sont venus d’Égypte où l’au-delà était la préoccupation principale de la religion. Il n’en est pas ainsi dans la Bible : elle nous révèle l’amour de Dieu, dans la création, dans l’histoire d’Israël et de son Messie, Jésus de Nazareth, pas dans un au-delà évanescent. L’amour n’est pas quelque chose de vague, d’inconsistant, mais il est incarné, il produit de l’histoire, il est au cœur de l’histoire.
A nous de poursuivre cette histoire, en écoutant Jésus et son commandement nouveau.
L’amour est la seule chose qui ne diminue pas quand on la partage, mais qui, au contraire, se multiplie. Si vous en donnez, vous n’êtes jamais perdants. Si vous arrivez quelque part et que vous n’en trouvez pas, mettez-y de l’amour, et vous en trouverez.

Écoutons encore Jésus : « nul n’a d’amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime ». Ce n’est pas une parole en l’air de Jésus, c’est une parole qu’on peut vérifier dans sa vie et sa mort. C’est une parole que nous recevons aujourd’hui dans sa résurrection.

Qui sont ceux qu’il aime ? Ceux qui entendent aujourd’hui sa parole.

« Comme le Père m’a aimé,
Moi aussi, je vous ai aimés.
Demeurez dans mon amour ».

Amen.

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