Les cadeaux de Noël…

Lecture Biblique : Matthieu 2, 1-12

Prédication

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode… 

Jésus était né… Tout est dit. Trois mots, pas plus. Difficile de faire plus concis pour rendre compte d’un événement d’une telle envergure. Alors, bien sûr, on en a rajouté un peu. Il faut dire que c’était un peu court et que les médias ont toujours tendance à renchérir pour embellir ou pour dramatiser selon les cas. Et ça a commencé très tôt ! Dès le IId siècle, le Protoévangile de Jacques intègre la grotte et l’étoile au-dessus de la grotte que l’on retrouve dans les crèches provençales. Tertullien au IIIe siècle donne aux mages une origine royale et Origène évoque leur nombre de 3. Au VIe siècle, l’Évangile du « pseudo Matthieu » fait intervenir une sage-femme qui vérifie après l’accouchement que Marie est toujours vierge… C’est au VIIIe siècle qu’on leur donne un nom (Balthazar, Melchior et Gaspard) et une origine (Perse, Babylone et Arabie).  Et le phénomène se perpétue aujourd’hui par des romans, des films ou autres « enquêtes » à sensation qui bouchent les trous et complètent tout ce que la Bible ne dit pas. Oui, décidément, 3 petits mots pour raconter la naissance du Fils de Dieu, c’est un peu court, un peu sec. Nous sommes tous de grands enfants avides de contes de fées et de merveilleux… Mais voilà, l’Évangile de Matthieu, lui, ne dit rien de plus. Rien de merveilleux, rien de miraculeux. Que s’est-il réellement passé ce jour-là ? Nous ne le saurons jamais. Il n’y a rien à en dire. C’est fait, voilà tout.

Des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Juste 3 mots pour dire la naissance et déjà la polémique s’engage. Le contraste est grand entre cette naissance des plus banales sans aucun signe extérieur de puissance, et sa portée politique. Les mages venus d’Orient viennent adorer le « roi des juifs ».  Hérode l’usurpateur, marionnette des Romains, n’est même pas juif. L’Évangile de Matthieu prend un malin plaisir à ridiculiser celui qu’on appelle Hérode le Grand tremblant devant un nouveau-né. Si grand, si faible. Colosse aux pieds d’argile. De tous temps, les gens de pouvoir ont craint les gueux. Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l’adorer. La naissance que nous célébrons place à l’honneur ceux qui n’en ont pas. Il flotte comme un parfum révolutionnaire qui aujourd’hui encore nous questionne. Allons-nous à notre tour honorer les petits, les obscurs, les sans-grade, les rejetés, les opprimés, les exclus, les moins-que-rien ? Polémique politique qui nous montre la voie d’un christianisme subversif, libéré de la fascination pour les gens de pouvoir et qui se met au service du plus insignifiant des petits. Qu’allons-nous en faire ? Au service de qui ou de quoi sommes-nous ? La réponse nous appartient.

Polémique politique doublée d’une polémique religieuse. Des mages ? Ce ne sont pas des rois mais des devins étrangers, des astrologues païens, des scientifiques qui ne font pas partie du peuple élu puisqu’ils viennent d’Orient. Et ce sont eux, ces païens, ces idolâtres, ces hérétiques qui reçoivent la Révélation ? Ils ont vu l’étoile se lever en Orient et ils l’ont suivie. Les prêtres et les scribes auraient dû savoir puisqu’ils avaient la Loi et les Prophètes : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas la moindre parmi les principales villes de Juda ; car de toi sortira un prince qui fera paître Israël mon troupeau. Nous l’avons nous-mêmes expérimenté au cours de la crise du Covid en écoutant les experts qui s’exprimaient sur les plateaux télé, il y a deux catégories de savants. Il y a ceux qui croient savoir et qui affirment leurs certitudes pour s’imposer. Et il y a ceux qui cherchent, qui continuent de s’interroger, qui tâtonnent et qui hésitent. En fait, il y a les savants et il y a les chercheurs. Les seconds sont beaucoup moins nombreux (ils ne sont que 3)…  Mais voilà, dit l’Évangile de Matthieu, la vérité vient toujours de l’extérieur, du dehors, de l’autre, de ceux qui posent des questions. Des païens ont été choisis, signe que l’Évangile ne saurait être la propriété des gens du sérail. Cette naissance a une valeur universelle. Ceci est primordial pour nous : l’Évangile ne saurait nous conduire à l’écart du monde, à l’abri du tumulte. Allons-nous rester le cœur, l’intelligence et l’âme ouvertes sur le monde ? A qui nous adressons-nous ? Au membres du club privé des chrétiens ou au vaste monde et à la terre entière ? L’Évangile est-il un message à usage interne ou une parole adressée au monde ? Là aussi la réponse nous appartient.

Polémique politique, polémique religieuse, mais aussi, 3e volet, polémique contre l’infantilisme. Je m’explique. Visiblement cet enfant naît dans un monde de requins, hostile et dangereux. Dès le départ, sa vie est menacée par un monde qui ne fait pas de cadeau, même aux nouveau-nés. Un monde semblable au nôtre finalement. Un monde dans lequel nos enfants doivent se battre pour avoir le droit de survivre sur une planète devenue invivable. J’entends ici un écho au désarroi de la jeunesse devant l’immobilisme de ceux qui sacrifient leur avenir par leur immobilisme uniquement pour préserver leur mode de vie et de consommation. On est là très loin de la coloration mièvre et douceâtre que la tradition populaire a donnée à notre fête de Noël. Mais voilà, si Jésus apparaît dans un monde qui lui est hostile, quelqu’un veille : divinement avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, (les mages) regagnèrent leur pays par un autre chemin. Nous ne sommes pas seul à combattre. Quelqu’un veille. C’est cela aussi la Bonne Nouvelle de Noël, parce que la bienveillance du Père sur son Fils nous est accordée également et nous pouvons être assurés que rien, jamais, ne viendra nous séparer de l’amour du Père manifesté en Jésus Christ. Non, rien : ni le présent, ni l’avenir, ni le passé, ni les puissances de ce monde, ni celles du monde à venir, rien ne pourra désormais nous séparer de l’amour du Père. Il n’y a donc pas de place pour le désespoir et la solitude puisque nous ne sommes pas seuls à nous battre. Il y a de l’espoir pour ton avenir, dit le prophète Jérémie (31,17). Allons-nous décider d’en rendre compte ? Quel type de message apportons-nous au monde ? Un message qui fait peur ou un message qui ouvre des portes et qui crée du possible quand tout semble bouché à l’horizon ? Une fois encore la réponse nous appartient.

3 polémiques donc. 3 réponses possibles. Alors, les mages entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Ah ! Les cadeaux de Noël ! Un cadeau n’est jamais anodin. Il contient au moins 3 informations. Un cadeau est toujours un message codé qui, d’une part, dit : « Voilà comment je te vois. Ce cadeau devrait te plaire parce que je pense qu’il te correspond bien. » Mais le cadeau dit aussi quelque chose de la relation : « Voilà ce que je pense de nous, de notre relation, du lien qu’il y a entre nous. » Et par là-même, un cadeau porte toujours une part de celui qui offre. Il y a toujours quelque chose de nous dans les cadeaux que nous faisons.

Les mages font des cadeaux à Jésus et ces cadeaux désignent qui est Jésus pour ces mages, quel sera son destin, quel sens ils donnent à cette naissance. Ils disent les réponses que Matthieu nous propose aux 3 polémiques soulevées.

D’abord, l’or. Cadeau royal par excellence. Quand la reine de Saba rend hommage à la sagesse du roi Salomon depuis son Arabie natale, dans le 1er livre des Rois, au chapitre 10 : Elle arriva à Jérusalem avec une suite très importante, des chameaux portant de l’or […] Et elle donna au roi 120 talents d’or… Oui, l’or est le cadeau royal qui signe la beauté, l’abondance. Mais il désigne aussi la purification nécessaire pour l’obtenir dans le creuset et le feu. C’est cela aussi que les mages disent de Jésus. Je mettrai mon peuple au feu et je le ferai fondre. Je le purifierai comme on purifie l’or, il invoquera mon nom et je l’exaucerai ; je dirai : c’est lui qui est mon peuple ! Et il dira : l’Éternel est mon Dieu. (Zach 13, 9). L’or désigne donc Jésus à la fois comme roi et comme sauveur par qui nous est accordé la purification, le pardon, la réconciliation. C’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés avait annoncé la vision de Joseph. Et Jean-Baptiste le confirmera : Lui, vous baptisera d’Esprit Saint et de feu (Mt 3, 11b). Jésus, pardon de Dieu.

Après l’or, l’encens. Aromate précieuse qui vient d’Arabie du Sud, du royaume de Saba, l’encens était utilisé dans la composition des parfums brûlés sur l’autel des parfums dans le Temple de Jérusalem, symbole parfait de la prière qui monte vers Dieu comme la volute de fumée monte et relie la terre au ciel. Le livre de l’Apocalypse explique : un ange vint se placer sur l’autel ; il tenait un encensoir d’or. On lui donna beaucoup de parfums pour les offrir, avec les prières de tous les saints, sur l’autel d’or devant le trône. La fumée des parfums monta, avec les prières des saints, de la main de l’ange devant Dieu (Ap 8, 3-5). Ainsi, en offrant de l’encens à Jésus, les mages affirment qu’il est comme l’encens qui forme une volute de fumée qui monte vers le Père et nous relie à Lui. Jésus notre médiateur par qui nous entrons en communion avec le Père et nul n’est relié au Père que par lui. Lui seul désormais portera notre prière vers Dieu. Après l’or qui désigne le roi qui seul peut nous apporter la paix du pardon et de la réconciliation dans nos cœurs noués d’angoisse, l’encens désigne le seul prêtre qui nous relie au Père et nous permet, par la prière, la communion avec Lui.

Enfin, après l’or et l’encens, vient la myrrhe. Il s’agit d’un baume précieux, produit à partir d’une résine rouge importée du royaume d’Arabie du Sud. La myrrhe était utilisée pour fabriquer les parfums des mariages. On le voit dans le Ps 45, 8ss, dans le Cantique des Cantiques, dans la parabole des 10 vierges quand le Christ appelé l’Époux fait entrer les 5 vierges sages pour un repas de noces. Le Royaume de Dieu s’est approché et c’est un banquet de noces. Mais la myrrhe était aussi utilisée pour les obsèques et Nicodème l’utilise pour embaumer Jésus dans l’évangile de Jean (Jn 19,39). Comment ne pas penser à l’onction de parfum très cher qu’une femme anonyme répand sur la tête de Jésus alors qu’il est chez Simon le lépreux à Béthanie (Mt 26,1-13). En offrant de la myrrhe à Jésus, les mages nous montrent que la croix fait déjà partie de la vie de Jésus. Et c’est justement pour les suppliciés que la myrrhe était mélangée au vin pour devenir une sorte de stupéfiant qui allégeait les souffrances des crucifiés. [sur la croix]  Ils lui donnèrent à boire un vin mêlé de myrrhe, mais il ne le prit pas (Mc 15, 39). Ainsi, dès Noël, la Passion est annoncée : Jésus est celui qui donne sa vie pour nous.

En 3 cadeaux – l’or, l’encens et la myrrhe – toute la vie, toute la mission de Celui qui vient de naître est annoncée. Il est, lui, celui qui nous purifie de tout ce qui nous salit. Il est, lui, la prière qui à Dieu nous relie. Il est, lui, celui qui offre sa vie pour ses amis.

Alors surgit une ultime question : qu’avons-nous apporté en cadeau pour lui ? Qu’avons-nous à offrir au nouveau-né qui vous demande : Et vous, qui dites-vous que je suis ? (Mt 16,15) Amen !

 

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