Le Christ vivant est le Dieu qui vient

Pour gagner une course, il ne suffit pas de courir, même plus vite que les autres, encore faut-il passer la ligne !
La première à courir dans ce texte, c’est Marie Madeleine. C’est la stupeur qui la fait courir : le corps du Seigneur a été enlevé.
Comment le sait-elle ?
Elle le déduit en voyant la pierre enlevée, mais elle ne s’arrête pas un instant là-dessus. Aussitôt elle court prévenir les disciples, et sa course est à l’image de la précipitation de sa réflexion : sans aucun répit, sans aucun repos. Si le corps a disparu, ça ne peut être que par un vol. Marie court car elle veut rattraper le corps de son Seigneur.

Les disciples, eux, se mettent en marche ensemble. Puis tout à coup, ils se mettent à courir et rompent les rangs. Jean décrit ce qui se passe déjà en son temps : différentes communautés qui font la course. On leur rappellera de prendre le temps de marcher ensemble en convoquant justement des synodes – littéralement « route avec ».

Nous le voyons, ce récit peut s’adapter en récit sportif mais aussi en enquête policière. Tout semble se jouer contre la montre. C’est pourquoi tout le monde court.

Celui qui court le plus, le disciple bien aimé s’arrête à l’entrée du tombeau. Marie ne s’était pas approchée ; le disciple bien aimé est allé un peu plus loin que Marie mais s’est arrêté ; Pierre lui est entré.
Marie a vu la pierre enlevée ; le disciple bien aimé a vu la pierre enlevée et les bandelettes ; Pierre a vu la pierre enlevée, les bandelettes et le drap soigneusement plié à part. Et même si les bandelettes sont à terre, aucun de ces trois n’a encore franchi la ligne d’arrivée.

Malgré les indices trouvés sur la scène, personne n’a encore résolu l’énigme.
La résolution de l’énigme, le franchissement de la ligne, l’évangéliste Jean le condense comme ceci : « alors l’autre disciple, celui qui était arrivé au tombeau le premier, entra aussi ; et il vit et il crut. »
Jean insiste sur le fait qu’il s’agit bien du plus rapide.
Il aurait pu choisir de le préciser en indiquant qu’il s’agissait du disciple bien aimé. En même temps, il pouvait s’économiser cette précision, il l’a toujours appelé depuis le début du récit « l’autre disciple ». Mais il insiste, il a couru le plus vite et pourtant il n’avait pas encore gagné – ou plutôt il n’est gagné par la foi qu’au moment où il fait un pas de plus.

Oui, l’autre disciple reçoit le prix de la victoire remportée par Jésus le Christ, à savoir la foi, en franchissant la ligne.

Jean nous dit certes qu’il vit et qu’il crut. Cependant, qu’a-t-il vu que Pierre n’a pas déjà vu ? Et qu’a-t-il vu de plus que le lecteur ?
Il n’a rien vu de plus.
Mais avec tous les indices de la disparition, l’autre disciple a vu, a reçu, a été saisi par le message de la Résurrection.

Là où, pour Marie Madeleine et pour Pierre, et même pour le monde, il n’y a plus rien ni plus personne, le disciple croit que le Christ est présent. Il franchit la ligne que le monde a du mal franchir en proclamant vivant celui que les ténèbres n’ont pas accueilli. Au moment où le disciple bien aimé franchit cette ligne d’arrivée le faisant entrer dans la foi, c’est alors que commence sa vie avec le Christ vivant. Dès lors, il n’est plus nécessaire de courir car le Christ vivant est le Dieu qui vient. Et il vient à point à qui sait attendre !

Un dernier mot en fixant notre attention sur le personnage de Marie-Madeleine.
Le récit évangélique se poursuit (Jean 20, 10 à 18) :

10Et les disciples s’en retournèrent chez eux.
11Cependant, Marie se tenait dehors, près du tombeau, et pleurait. Comme elle pleurait, elle se baissa pour regarder dans le tombeau
12et vit deux anges vêtus de blanc, assis à la place où avait été couché le corps de Jésus, l’un à la tête, l’autre aux pieds.
13Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Elle leur répondit : Parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis.
14En disant cela, elle se retourna et vit Jésus debout ; mais elle ne savait pas que c’était Jésus.
15Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Pensant que c’était le jardinier, elle lui dit : Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je le prendrai.
16Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna et lui dit en hébreu : Rabbouni, c’est-à-dire : Maître !
17Jésus lui dit : Ne me touche pas ; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va vers mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.
18Marie-Madeleine vint annoncer aux disciples qu’elle avait vu le Seigneur, et qu’il lui avait dit ces choses.

Il me semble qu’avec ce passage de l’Evangile de Jean, aucun texte du NT ne souligne de façon aussi forte que « voir » Jésus ressuscité n’est, en aucune manière, synonyme de « croire en la résurrection ».

Marie ne cesse en effet de voir Jésus, mais elle ne le reconnaît pas. C’est seulement lorsqu’il s’adresse à elle qu’elle le reconnaît : Jésus lui dit : « Marie ». Elle se retourne et lui dit en hébreu : « Rabbouni », ce qui signifie « maître » (v. 16).
Pour Marie, une nouvelle compréhension d’elle-même naît au moment où Jésus l’appelle par son nom, c’est-à-dire la reconnaît dans sa singularité. Et Marie ne peut alors plus avoir accès à Jésus comme auparavant : « Ne me touche pas », lui ordonne-t-il (v. 17).

Il y a un écart entre le Jésus terrestre et le Ressuscité lequel ne se rencontre que dans une relation de confiance capable de refonder en profondeur l’existence.
C’est un déplacement et une rupture : la résurrection n’est pas la reprise de la vie antérieure. L’expérience pascale déplace et ouvre sur autre chose. Elle décloisonne le monde et les représentations que l’on s’en fait.

Dans ce récit, Marie de Magdala est d’abord une femme qui cherche. Une quête qui peu à peu mobilise sa personne tout entière.
Elle est ensuite une femme qui effectue un certain nombre de rencontres dont une va être décisive pour sa vie. Des rencontres placées sous le signe de la vue et de la parole.

Elle voit et elle entend aussi : les deux anges, le soi-disant « jardinier », Jésus qui la nomme : « Marie ». Le nom qui rétablit la communion. Le nom qui lui ouvre les yeux sur son interlocuteur. Et elle croit. Oui, Marie voit alors avec les yeux de la foi. Elle devient un être unique aux yeux du Ressuscité.
Et Marie va devenir témoin de la résurrection. Témoin d’une parole d’adoption, d’une parole qui crée une nouvelle relation entre Dieu et les hommes : en Christ, le nouveau nom de Dieu est « Père » et le nouveau nom des amis de Jésus est « frères ».

C’est cela la résurrection et c’est cela dont Marie va témoigner, car c’est cela qu’elle expérimente. Marie devient témoin de la résurrection, c’est-à-dire de sa résurrection à elle dans la rencontre du Christ vivant.

C’est par l’écoute de cette parole, hier adressée à Marie et aujourd’hui à chacun de nous, que je rencontre le Christ et qu’en lui je reçois la vie comme un cadeau offert sans échange, ni marchandage

La résurrection est témoignage rendue à une personne rencontrée et qui fait vivre, le Christ !

Mon frère, ma sœur,
Va,
dans les pas du Christ : cherche, écoute, rencontre et témoigne.
Alors, s’infiltrera une autre parole extérieure à toi, extérieure à tous les discours de ce monde, une parole qui tient secret le nom de chacun, un nom inscrit dans le cœur même de Dieu et que nul autre ne connaît que le Christ et celui à qui Il le fait entendre.

Il est ressuscité ! il est vraiment ressuscité puisqu’il t’a appelé par ton nom, Lui ton frère, ton nom de fils, ton nom de fille, Fille et Fils du Père.

Je te le dis.

Amen !

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