L’ange Gabriel, Joseph et Marie

« Marie se leva et s’empressa (partit en hâte) d’aller vers les montagnes dans une ville de Juda. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth » Luc 1, 39-40

Je me suis interrogé sur l’empressement de Marie. Aussi, je vous propose ce matin de tenter de comprendre cette hâte de Marie. Elle se lève, quitte sa maison à Nazareth et s’empresse de se rendre toute seule dans une région montagneuse de Juda.
Pour le dire autrement, elle est motivée, décidée, empressée, son déplacement n’est pas une simple ballade pour se distraire, mais au contraire semble obéir à un besoin, à une nécessité impérieuse.
Frères et sœurs,
Pour comprendre cette hâte il faut se souvenir que juste avant, Marie a reçu la visite de l’ange Gabriel lui annonçant qu’elle enfanterait un fils, Jésus, le Seigneur du monde.
Et au cours de cette annonciation, Gabriel a également évoqué que sa cousine Elisabeth était enceinte malgré son âge avancé, témoignant ainsi que rien n’est impossible à Dieu.
Or, si Marie a acquiescé à la parole de l’ange : « je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole », elle (Marie) n’en reste pas moins un être humain comme vous et moi, elle ne peut pas vivre quelque chose dans sa chair sans que ça vive aussi dans sa parole.
Pour le dire autrement elle doit pouvoir en parler pour l’habiter, pour l’assumer.
On pourrait dire sans trop exagérer qu’une telle nouvelle est comme une sorte de trauma – je n’ai pas dit de traumatisme parce que le traumatisme est négatif et destructeur – elle le reçoit sur la tête, ça lui tombe dessus, du coup ça ne peut pas avoir de sens tant qu’elle ne peut pas se l’approprier en le verbalisant.
Mais alors, à qui peut-elle en parler ?
Parce qu’on ne peut verbaliser les choses correctement que dans le dialogue avec quelqu’un (en présence de quelqu’un). Elle ne va pas le raconter à son boulanger ou à sa coiffeuse, personne ne la croirait, elle risque surtout de passer pour une folle.
Mais voilà que l’ange a évoqué la grossesse elle-aussi miraculeuse, inouïe, de sa cousine la vieille Elisabeth : elle, elle doit pouvoir mieux comprendre ce qui lui arrive et elle doit pouvoir en parler avec elle.
Voilà qui explique sa hâte et sa persévérance à affronter la distance du voyage.

Frères et sœurs, c’est une première idée : nous avons tous besoin de parler, parler de ce qui nous arrive, de ce qui nous tombe dessus, nous ne pouvons pas le faire n’importe où avec n’importe qui.
Nous devons donc former le vœu que l’Église soit comme cette vieille Elisabeth oubliée dans les montagnes enceinte de la possibilité de comprendre les hommes et les femmes de son époque.
L’Église a vieilli, elle est passablement ringardisée, marginalisée, pourtant elle reste enceinte de l’inouï qu’il y a du possible pour les hommes et les femmes de notre temps.

Mais continuons de suivre Marie. Ce qui est frappant dans ce court récit, et mérite notre attention c’est la conclusion d’Élisabeth :
« Heureuse celle qui a cru, car ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s’accomplira ».
Or Marie n’a rien dit, aucune conversation n’a été échangée, elle n’a rien dit de ces interrogations, rien rapporté de la parole de l’ange. C’est une simple salutation qui provoque un tressaillement de Jean-Baptiste et conduit sa mère à faire – d’une voix forte ce qui signifie que c’est une parole proclamée, prêchée – cette magnifique bénédiction : « Bénie sois-tu entre les femmes et béni soit le fruit de ton ventre ! » Lc 1, 42

Ce faisant, par sa bénédiction, Elisabeth confirme la parole de l’ange. Et d’ailleurs c’est ce que Marie cherchait sans trop savoir comment.
Elle cherchait en effet à confirmer la parole de l’ange. Non pas confirmer au sens qu’elle en doutait et qu’il fallait trouver des preuves – comme c’est par exemple le cas avec certains interlocuteurs de Jésus qui demandent constamment des miracles pour prouver qu’il est bien ce qu’il dit.
Mais confirmer au sens où il fallait qu’une parole extérieure à elle atteste de ce que Dieu avait mis en elle. La confirmation c’est le moment où ce qui a été reçu, sort et peut s’exprimer, et ainsi c’est le moment où l’on s’approprie ce que l’on a reçu.
Il y a là quelque chose d’absolument fondamental pour la foi chrétienne. Personne n’est chrétien tout seul, c’est totalement impossible. La foi est certes premièrement un don de Dieu, singulier, personnel, inouï que personne ne peut mesurer, juger, circonscrire.
Mais ce que Dieu met en nous ne peut être vrai, vivant et vivifiant que si un autre ou des autres le discernent et nous en renvoie la confirmation. Leur parole fait alors en quelque sorte écho à La Parole.
On pourrait dire ici pour rester dans la métaphore de la grossesse qu’Élisabeth renvoie à Marie l’échographie de ce que Dieu, par l’intermédiaire de l’ange, a déposé en elle.
Au fond on est Chrétien uniquement parce que Dieu dépose en nous la grâce de son adoption, de son élection, de sa justification, mais on ne peut pas le devenir (c’est à dire le vivre concrètement) si on n’en reçoit pas la confirmation dans le discernement des autres.
Comme quoi être chrétien n’est pas du tout uniquement une affaire personnelle, individuelle, dans un seul face à face avec Dieu. Mais être chrétien s’accomplit dans la reconnaissance que les uns ont pour les autres.
Autrement dit le rôle de l’Église, de la vie communautaire, du partage est décisif et finalement indispensable. Sans Élisabeth, Marie n’aurait accouché que d’un doute, et ce malgré la parole de l’ange.

Nous avons donc là une seconde idée : l’Église, au sens large, visible et invisible, consciente et inconsciente, pécheresse et pardonnée, c’est le lieu où la confirmation de la promesse se reçoit. C’est là que la foi peut advenir, devenir.

Mais alors est-ce à dire qu’Élisabeth est en quelque sorte une sorte de maître accoucheur, de sage-femme de la foi de Marie ? Et qu’ainsi elle a une ascendance, un pouvoir, un magistère sur elle ?
Cela reviendrait à dire que dans l’Église il y aurait les chrétiens accomplis et les non-accomplis et que les premiers auraient sur les seconds la responsabilité délicate et dangereuse de les accomplir ?
Et bien non, parce qu’Élisabeth ne confirme pas la promesse à Marie par son savoir, son autorité, sa supériorité, par un quelconque magistère ou que sais-je encore, mais parce que ça tressaille en elle et elle reçoit l’Esprit-Saint.
Autrement dit, d’une part ça lui échappe – donc elle n’a aucune maîtrise dessus – et de l’autre parce qu’elle l’expérimente dans sa propre existence – ça lui arrive aussi à elle.
Ce n’est pas Elisabeth qui reconnaît ce qui arrive à Marie, mais c’est Jean-Baptiste qui tressaille en elle, donc Elisabeth reconnaît en elle les effets de ce qui arrive à Marie. Elle reconnaît la présence de l’Évangile chez Marie par leurs échos en elle.
Le Baptiste selon l’Écriture c’est celui qui prépare les sentiers du Seigneur. C’est bien par lui que le Seigneur est reconnu par Élisabeth. Élisabeth confirme alors cette venue du Christ présent dans l’existence de sa cousine.
Finalement dans cette histoire, il n’y a donc pas le maître et son disciple, maître qui enseigne ou qui fait accoucher le disciple de la vérité en lui.
Non il y a comme deux sœurs : l’une est seulement plus avancée chronologiquement que l’autre sur le sentier que Dieu à ouvert pour elle et son expérience lui permet de reconnaître en l’autre ce qui lui est arrivé et d’en témoigner. Et en même temps ce qui arrive est toujours une nouveauté, un présent, même pour les plus anciens.

De ce point de vue il n’y a pas de christianisme sans histoire, sans l’histoire d’une transmission, sans une tradition. Mais cette tradition doit demeurer comprise comme vivante c’est à dire comme n’ayant de sens que si elle est expérience de ce qui arrive et non nostalgie mélancolique.
Il nous faut conclure
Juste après ce passage, à partir du verset 46 de Luc 1, ce n’est pas un hasard, Marie va proclamer son magnificat : elle va ainsi s’approprier pleinement et joyeusement la grâce qui lui a été faite. Ce qui était un trauma en souffrance est ainsi devenu pleinement promesse et grâce, objet de son affection.
On peut donc à la lumière de ce trajet, de ce cheminement, méditer le fait que la conception virginale de Jésus est loin d’être une sorte de tour de magie dont Marie est le réceptacle passif.
Au contraire, par cette exigence de la confirmation, par cette démarche vers sa parente, Marie s’approprie l’enfant et sa promesse. Et c’est bien à partir de cette chair, de la chair de sa parole, de la chair de sa personne, qu’elle va lui donner corps.

Frères et sœurs, aujourd’hui et demain,
Célébrons cette bonne nouvelle qui nous touche !
Amen.

Frères et sœurs, chers amis,

En Christ, c’est Dieu qui vient rejoindre les coins les plus sombres (les plus délicats, les plus sensibles) de notre humanité, de notre vie.
Il est allé jusqu’au bout, jusqu’à la mort afin de nous permettre de nous relever avec lui, nous offrir le salut, ce qui nous tient debout quand le sentiment d’abandon cherche à avoir le dernier mot.

Le dernier mot appartient à la vie, que Dieu nous a pleinement manifestée en Christ ; c’est notre espérance.

Pour le dire avec le Psaume 80 : « Seigneur, Dieu de l’univers, Fais briller sur nous ton visage et nous serons sauvés ».

La démarche de la lumière de la paix de Bethléem ; l’accueil d’une délégation scoute dimanche dernier est un signe visible de paix et de fraternité. Que ce soit aussi notre prière et en cette période de Noël, sachons partager cette lumière avec tous ceux qui attendent une petite lueur d’espérance au sein des ténèbres.

Que Dieu nous soit en aide !
Amen

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