L’amour peut-il se commander ?

 

34Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. 

L’amour, aimer, un commandement ?

Frère et sœurs en Christ, ce matin, la parole de Jésus vient nous rencontrer et même nous heurter. Cette parole nous invite en effet à réfléchir ensemble sur ce qui est essentiel. Ce qui est essentiel, c’est aussi ce que nous avons envie de transmettre et de partager – le reste est secondaire. Et cet essentiel dans la bouche de Jésus tient en un mot : un mot si simple que nous avons parfois du mal à le dire, un mot si simple qu’il est facilement et souvent malmené, maltraité, vidé de son sens…

Cet essentiel dans la bouche de Jésus : AIMEZ (A-I-M-E-Z) !

Non pas aimer (A-I-M-E-R) à l’infinitif, mais aimez ! « avec un Z ». Le verbe « aimer », conjugué à l’impératif : « aime, aimons, aimez ! » On ne peut pas aimer à l’infinitif, c’est général et vague. Jésus ne dit pas « il faut aimer » ou « vous devez aimer », ou encore « ça serait bien de vous aimer »… non, il dit : « Aimez ! » C’est un ordre. Jésus appelle ça un commandement.
C’est là justement que ça devient difficile. Le pasteur et professeur André Dumas disait dans une de ses 100 prières possibles : « Seigneur, tu nous commandes d’aimer, mais nous ne savons pas aimer sur commande… »
Et pourtant, nous écoutons cette injonction du Christ, au moment de quitter ses disciples : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » …

 

Nous allons ensemble, ce matin, explorer cet impératif, ce commandement que Jésus donne à ses compagnons. Jésus donne ce commandement juste à la veille de sa mort, avant de les quitter. Jésus dit qu’il donne un commandement « nouveau ». Est-ce véritablement un commandement si nouveau que cela ? Dans le Nouveau Testament, Jésus précise à plusieurs reprises, en le reprenant de manière un peu différente, ce qu’il entend dans ce commandement.

  • Dans le sommaire de la Loi : Matthieu 22, 36-40
    « Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ?
    Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement.
    Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
    De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. »
  • Dans ce que l’on appelle communément la Règle d’or : Matthieu 7, 12
    « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. »

Jésus dit que ce commandement d’amour est un commandement nouveau. Pourtant, ces deux autres présentations du commandement nous montrent que ce n’est pas « vraiment » un commandement nouveau : le double commandement du sommaire de la Loi s’inspire des livres du Deutéronome et du Lévitique dans la première alliance.

La règle d’or, elle, existait déjà dans les écrits du rabbin Hillel, contemporain et aîné de Jésus. Celui-ci écrivait « Ce que tu tiens pour haïssable, ne le fais pas à ton prochain… » et Hillel lui même n’avait pas inventé cette règle puisqu’on la retrouve dans les écrits de sagesse et de philosophie beaucoup plus anciens, comme le zoroastrisme au 7e siècle avant notre ère.

Jésus retourne ce commandement en positif, ce qui importe ce n’est pas « ne fais pas… » mais « tout ce que tu veux, fais le… ». Jésus nous invite à agir plutôt qu’à nous abstenir, à être inventif et créatif au lieu de craintif. Il ouvre un horizon de possibilités plutôt que de révéler un interdit. En cela, sa parole, ce commandement d’amour est tout neuf ! Tout ce que tu veux que les autres fassent pour toi, faites-le de même pour eux dit Jésus.

Et ce que nous voulons tous, au plus profond de nous, ce sont deux choses : :
1. Une bonne chose
2. Une moins bonne

1) Une bonne chose que nous voulons, que nous cherchons tous : être aimé. C’est l’aspiration de nos enfants, être aimés tels qu’ils sont, être reconnu, accueilli, respecté, regardé. Tout le monde cherche à être aimé… et ne pas l’être, ne pas se savoir aimé, ne pas se sentir aimé, cela crée souvent des blessures profondes en nous. Cela laisse des cicatrices.
Un chanteur très célèbre, Freddie Mercury  chanteur d’un groupe de rock mondialement connu « Queen », qui avait des milliers de fans et une immense fortune, dit ceci, peu de temps avant de mourir (en 1991) : »Le monde peut vous appartenir, et vous restez quand même l’homme le plus seul de tous. Cette solitude-là est la plus douloureuse. Le succès a fait de moi une idole mondiale et m’a rapporté des millions, mais ce succès m’a aussi privé de la seule chose dont nous avons tous besoin : une relation d’amour durable. »
Frères et sœurs, notre désir, notre aspiration fondamentale, ce dont nous avons tous besoin pour vivre, pour grandir et nous épanouir, c’est d’être aimé.  Et la déclaration de Jésus est là : « Je vous ai aimés. »
Jésus vient juste de laver les pieds de ses amis en signe de service et de soumission mutuelle. Quelques heures plus tard, il sera jugé, condamné et exécuté, seul. Il donnera sa vie.

2) Ce que nous voulons aussi, ce que nous cherchons tous, et cette fois, c’est plutôt le coté obscur que je dévoile, c’est être Dieu. Nous voudrions être des dieux… tout découvrir et tout comprendre, tout maîtriser et tout contrôler, pour nous-mêmes, dans le monde, pour les autres. Nous voudrions tout pouvoir et tout savoir. Alors, je me dis que c’est bon, c’est finalement salutaire que Jésus nous donne un commandement parce qu’il est impossible d’y obéir parfaitement.
Et nous avons besoin aussi de savoir que nous avons des difficultés à obéir, à mettre en œuvre cette parole. Il est impossible pour nous de l’accomplir parfaitement. Et cela est « utile » parce que cela nous libère de tout désir de marquer des points, de réussir l’examen de la vie. La vie n’est pas un examen, et la vie avec Dieu n’est pas un permis à points, que l’on enlèverait ou remettrait selon les circonstances, les échecs et les réussites.

Savoir que nous ne pouvons pas obéir parfaitement au commandement, cela nous tourne vers Dieu, cela nous conduit à faire l’expérience de notre finitude, (au lieu de l’illusion de la toute puissance) et cela nous ouvre au pardon. Nous arrêtons de nous prendre pour Dieu et nous nous découvrons et nous reconnaissons frères et sœurs les uns des autres, enfants d’un même Père.

Ce commandement n’est pas un ordre qui restreint notre liberté, ce n’est pas « tiens-toi bien » ni « dis bonjour à la dame »… Ce n’est pas une morale qui nous enferme, mais une parole qui permet d’inventer librement notre vie, de chercher notre route..  La parole de Jésus pour notre vie, ce n’est pas un itinéraire pré-balisé, et choisi pour nous, non, c’est beaucoup plus vaste et cela demande notre consentement, notre implication : La parole de Jésus pour notre vie, c’est une carte ! Une carte avec ses routes, ses chemins, ses sentiers, ses obstacles, ses plaines, ses reliefs, ses petits coins de paradis, … Une carte avec une boussole (le commandement) aimantée sur le pôle « aimez ! »
Aimez …
… Avec un z.

Frères et sœurs, Prions, avec le pasteur André Dumas :

« Notre Dieu, tu nous commandes d’aimer.
Et nous ne pouvons pas aimer sur commande.
(…)
O Dieu, nous te l’avouons, pour aujourd’hui nous trébuchons entre ce que nous, hommes, appelons habituellement l’amour, et ce que toi-même tu as pratiqué comme amour envers nous, depuis l’élection d’Abraham, au travers de l’alliance d’Israël et jusqu’à la croix de ton fils Jésus-Christ.
(…)
Apprends-nous à aimer de tout notre être, entièrement.
Préserve-nous d’aimer avec distraction ou par devoir, avec distance et indifférence.
Si nous disons « amour », que ce mot devienne en nous une plénitude. Donne-nous des cœurs entiers.
Apprends-nous à aimer dans la durée du temps, sans virevolter de l’attirance à la lassitude, de l’émerveillement à l’épuisement. Donne-nous des cœurs constants.
Apprends-nous à aimer l’autre et non pas nous-mêmes dans le plaisir de notre miroir. Donne-nous des cœurs libres.
Apprends-nous à aimer nos adversaires, non par point d’honneur chrétien, mais par imitation tâtonnante de ce que toi-même as fait envers nous.
Donne-nous des cœurs nouveaux.
O notre Dieu, apprends-nous à aimer, ce que nous oublions sans cesse.
Rappelle-nous ces paroles du Christ, aussi souvent que nécessaire, telles que rapportées pour nous ce matin par l’évangéliste Jean :34Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. 35A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres.
Amen !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *