« La Pentecôte : dire les merveilles de Dieu »

« Vous recevrez une puissance, celle du S.E. survenant sur vous, et vous serez mes témoins (…) ici, là-bas et jusqu’aux extrémités de la terre. »

Ac 1, 8

Frères et sœurs, aujourd’hui cette promesse de Jésus s’accomplit :

La Pentecôte : dire les merveilles de Dieu

Pour ce récit du livre des Actes des apôtres (Actes 2, 1-11) dont nous venons d’entendre la lecture, je vous propose un très bref rappel de contexte.

Dans le calendrier des fêtes juives, la Pentecôte se célèbre 50 jours après la pâque. C’est à pâque que Jésus a été arrêté, mis à mort, et qu’il est ressuscité le troisième jour. Ensuite, après sa résurrection, il apparaît vivant, en chair en en os, à ses disciples durant 40 jours.

Au terme de cette période de 40 jours, il disparaît physiquement du monde lors de son Ascension. D’où le nom du « jeudi de l’Ascension », c’était jeudi dernier, avec la promesse de recevoir l’Esprit Saint.

Les disciples sont donc tout seul depuis une dizaine de jours. Dix jours entre l’Ascension et Pentecôte. Les versets précédents nous indiquent qu’ils ont tendance à se refermer sur le souvenir : en effet ils se réunissent dans une chambre haute comme lors du dernier repas avec Jésus, et ils viennent de tirer au sort Matthias, en remplacement de Judas qui s’est tué.

Autrement dit, ils essayent de faire vivre, revivre, le passé en en répétant les formes. Un passé qui est fragilisé par la disparition du maître, du leader. Ils sont donc plutôt en situation de repli nostalgique.

Que vont-ils bien pouvoir devenir ?

Or, voilà que justement cet événement du don de l’Esprit Saint ouvre complètement la situation : les disciples vont prendre la parole. Ils vont prêcher l’Évangile ou selon la magnifique expression de notre texte, ils vont raconter « les merveilles de Dieu ».

Avant, les disciples suivaient le maître qui enseignait, qui prêchait, qui proclamait : « le royaume de Dieu s’est approché », ils étaient témoins de ses paroles et des ses faits et gestes.

Voilà que désormais, ce sont eux qui vont se mettre en route, ce sont eux qui vont parler, prêcher, témoigner de l’Évangile en paroles et en actes.

Christ ne sera plus celui qu’ils suivaient, mais sera celui qu’ils annoncent. Christ prêchait l’Évangile du Royaume de Dieu, désormais Christ est devenu l’Évangile qui est prêché par les disciples.

De ce point de vue on peut dire que Pentecôte est littéralement « la fête de la prédication ». La fête qui célèbre la prédication confiée aux disciples, confiée aux chrétiens. Une prédication, c’est une parole qui évangélise. Une parole qui prépare la rencontre avec Jésus-Christ, suscitée par l’Esprit Saint.

Certes, tout le monde n’est pas appelé dans l’Église à prêcher en chaire comme un pasteur ou un prédicateur – puisqu’il y a dans l’Eglise des prédicateurs qui ne sont pas des pasteurs. Tout le monde n’en a pas la vocation, le temps, l’aptitude.

Mais depuis Pentecôte tout le monde, chacune, chacun d’entre nous est appelé à dire, à témoigner, à discuter des merveilles de Dieu dans son existence.

Il est à présent essentiel de se souvenir que les apôtres, les douze ne sont absolument pas des gens éduqués théologiquement : ce ne sont pas des prêtres, des rabbins ou des scribes, ce sont des pêcheurs, des pêcheurs de poisson, des petites gens. Or, ce sont bien eux qui reçoivent la parole, l’Évangile à proclamer.

Ils sont apôtres, c’est-à-dire, ils sont « envoyés ».

Et je peux rendre ce témoignage que c’est souvent lors de discussions autour de la Bible que j’ai entendu les prédications les plus décisives, au sens où quelqu’un : un enfant, un ado, un confirmand, un grand jeune, un adulte, quel que soit son âge, par sa parole, son témoignage, sa lecture, son interprétation, son existence, et le nouage de tout cela a pu dire une parole qui s’est révélée être l’Évangile pour moi.

Finalement on peut dire qu’il y a prédication à chaque fois que l’Esprit Saint suscite une prise de parole et suscite une écoute dont le sujet est l’Évangile. Et il est d’ailleurs fréquent que nous n’en ayons conscience que dans l’après coup. On reconnaît alors qu’une telle parole est bel et bien donnée par l’Esprit parce que personne ne peut la maîtriser : l’Esprit, comme le vent, souffle où il veut.

Avant cette prédication nous avons procédé à la confirmation des catéchumènes. Il est d’usage, comme vous le savez, de demander aux catéchumènes, de faire leur profession de foi.

 

En effet, la confirmation c’est le moment où le catéchumène à la fin de son instruction est désormais en âge de mettre des mots sur sa foi et donc de répondre à l’appel de Dieu prononcé sur lui lors du baptême alors qu’il était petit.

Vous l’avez entendu de la bouche de Pauline et de Louise : c’est d’avantage qu’une simple reprise d’une confession déjà existante, d’avantage que la simple lecture d’un texte déjà existant. Il ne s’agit pas de simplement répéter des formes du passé pour croire les faire vivre ou revivre.

Il s’agit bel et bien d’un témoignage, un témoignage personnel qui articule leur existence – avec leur connaissance, leur sensibilité, leur questionnement – et l’histoire de l’alliance telle que la Bible la décrit.

En ceci c’est une petite prédication qu’elles ont faite. Et c’est d’ailleurs ainsi que je vous invite à considérer et à recevoir ces témoignages.

Rédigées depuis la retraite des confirmands avec les autres jeunes du Consistoire à la Rochette près de Melun, qui les a lancées dans la rédaction, ces textes ont mûri grâce à des dialogues réguliers et fréquents

Avant de conclure je voudrais repérer et souligner un dernier point.

Tout ce qui touche au Saint Esprit dans la chrétienté est sensible voire même problématique.

Déjà dans le NT, l’apôtre Paul est obligé de lutter contre des tendances ultra charismatiques délirantes qui sèment la pagaille dans les communautés, notamment à Corinthe, qui commencent à vouloir établir des hiérarchies douteuses entre des supposés « vrais chrétiens » qui auraient été baptisés du St Esprit et en auraient les dons, les charismes, et les autres réduits à la réputation de « chrétiens partiels ».

Et il faut bien reconnaître que ce genre de manifestations charismatiques s’égarent parfois dans certaines extrémités qui les font littéralement se confondre avec des phénomènes animiques et chamaniques universellement présents dans toute structure religieuse quelle qu’elle soit et donc qui appartiennent plus à l’humain qu’à Dieu.

Car si dans notre texte des Actes des apôtres, il ne fait aucun doute que c’est bien le St Esprit qui parle à travers les paroles des disciples, et qu’ils ne sont pas simplement l’objet d’une transe, c’est uniquement parce que des gens peuvent attester qu’ils ont entendu parler dans leur langue des merveilles de Dieu.

Seule la prédication de l’Évangile atteste de l’Esprit Saint. C’est donc in fine à l’amour qu’on reconnaît les œuvres de l’Esprit. L’amour de Dieu manifesté dans celui qui s’est abaissé jusqu’à la croix : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle ».

Or, la contrepartie, c’est que parfois, pour se préserver de ce genre de dérives rapidement incontrôlables et trop humaines pour être vraies, on finit par éviter de donner une vraie place à l’Esprit. On l’évoque du bout des lèvres parce qu’il faut bien l’évoquer mais sans plus.

Du coup le risque inverse, c’est que la parole devienne confisquée, bridée en n’étant plus confiée uniquement qu’à quelques personnes, quelques spécialistes.

 

Le risque, effectivement, c’est que la parole soit réduite à quelques formulations liturgiques à quelques conceptions philosophiques, à quelques représentations identitaires.

Alors, le peuple de Dieu se défait de la parole en n’en faisant plus usage c’est à dire en ne prêchant plus, en ne témoignant plus. Et finalement la foi n’est plus que sous une forme ultra maîtrisée, ultra rationalisée et ultra intériorisée.

Inutile de dire que nos Églises sont plutôt menacées par ce second risque que par le premier.

Il est donc important, en ce jour de Pentecôte, de s’exposer à ce don de la parole, à ce don du témoignage et de la prédication. Et ce d’autant, je le dis avec tendresse, que le risque de dérive charismatique n’est décidément pas pour l’heure ce qui nous menace.

Oui frères et sœurs, aujourd’hui c’est la fête de la prédication, la fête de la parole qui nous est donnée,  de la parole que nous partageons, de la parole que nous portons au monde.

La Pentecôte aujourd’hui, c’est dire les merveilles de Dieu, les entendre dans sa propre langue et en devenir les témoins à son tour.

Ainsi, s’accomplit la promesse de Jésus :

« Vous recevrez une puissance, celle du S.E. survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. » Ac 1, 8

Que Dieu nous soit en aide !

A Lui seul la gloire, dans l’Eglise et en Jésus-Christ.

 

Amen.

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