« La communauté »

Frères et sœurs, la lecture, l’étude et la méditation des trois lectures proposées pour ce dimanche m’ont conduit à travailler et à réfléchir avec vous ce matin à la question suivante : Quelle est notre communauté ?

Oui. Quelle est notre communauté ? Que sommes-nous communément ? Quel est notre être commun ? Où se fonde notre communauté, à supposer qu’il y ait effectivement communauté ? Cette question devient en effet aujourd’hui essentielle.

Pour reprendre la question de Jésus dans l’Evangile de Jean au moment de l’intervention de sa mère à Cana de Galilée, au cours d’une noce : « qu’y a-t-il entre toi et moi ? ». Qu’y a-t-il de commun ?

Puisque l’amour du prochain n’est pas reçu d’entrée de jeu, qu’est-ce qui va me permettre de reconnaître un prochain et, de façon ultime, de l’aimer ? C’est donc vous l’entendez la question de l’être commun qui va nous permettre d’envisager un « vivre avec ». Puisque nous ne sommes capables de vivre qu’avec ceux qui ont quelque chose de commun avec nous, cherchons à présent ce commun dénominateur.

1. L’importance du lieu pour faire communauté. Faire communauté, c’est avant toute chose, renoncer à un idéal de lieu et accepter comme un héritage, le lieu de la communauté.

2. Il n’est pas de lieu de la communauté sans communauté qui l’habite. Quels sont les habitants de la communauté ? Ou plutôt quels peuvent être les habitants de cette communauté ? Quel est le profil de la communauté ? Chaque être humain étant un être appelé, tous et toutes sont donc susceptibles de faire partie de la communauté. Tous et toutes sont potentiellement admis à faire communauté : pas de limite d’âge, pas de limite idéologique, pas de limite financière, pas de limite au sein d’une communauté qui prend les traits de la communauté humaine tout entière.

3. Dans cette rapide introduction à la question de la communauté, il nous reste à voir comment se fait la communauté, sur quel mode. Et là, il nous faut plus de temps…

Dans la première lecture partagée ce dimanche, livre de Néhémie, au chapitre 8, verset 4, nous voyons le pasteur ou le prédicateur entouré des conseillers presbytéraux qui font corps dans l’organisation du rassemblement. C’est l’affaire d’une équipe. Le travail est partagé, relayé. Le verset 7 présente d’autres personnes qui relaient la lecture et l’explication de la volonté de Dieu transmise à Moïse (lire à haute voix le verset 7). C’est une collaboration active, une action commune qui engendre une communauté.

Mais finalement, ce qui a le plus attiré mon attention et qui vous aura peut-être intrigué à la lecture, c’est le tout début de ce texte, le fait que le peuple s’assemble comme un seul homme. N’est-ce pas là l’image la plus belle qui soit d’une communauté ? N’est-ce pas la définition de la communauté idéale, celle dont nos désirs sont faits ? Ne faire qu’un ! Hop ! On annonce qu’il y a culte dimanche prochain – comme chaque dimanche d’ailleurs – à 10h30 au temple de la rue Roquépine à Paris (ici) et, comme un seul homme, toutes les personnes connues et recensées sur nos listes sont là, oui, comme un seul homme, au pied de la chaire, toutes présentes dès 10h25. Le culte, commence à l’heure juste et comme tout rendez-vous important, c’est bien d’y arriver en avance pour être prêt à l’écoute ! Hop ! On annonce un camp d’éclaireuses et d’éclaireurs cet été pour trois semaines en juillet et l’unité de Roquépine reçoit trois jours plus tard 25 inscriptions fermes et 3 responsables supplémentaires pour encadrer. Hop ! les personnes habituellement employées ici pour faire le ménage font défaut pendant de longues semaines, on appelle donc des volontaires pour le nettoyage du temple et des locaux paroissiaux chaque semaine et ce sont 15 personnes qui sont là, comme un seul homme, prêtes à se relayer pour briquer portes et bancs, moquettes et parquets…

Dans un sens, tant mieux si les choses ne se passent pas tout à fait ainsi, parce que vivre la communauté comme l’expression d’une telle unité, ce serait espérer ne voir qu’une seule tête et entendre une seule voix (en général, pas n’importe laquelle, mais la sienne). Une telle communauté relève du fantasme destructeur ; c’est le fantasme de la fusion ; le genre de fantasme qui s’empare parfois des couples et qui les tuent. C’est répondre à la question de Jésus : « Qu’y a-t-il entre toi et moi et qu’y a-t-il entre toi et toi ? » en répondant qu’il n’y a rien, pas un espace, pas un iota de différence. Rien entre toi et moi, tellement nous sommes proches. Il peut nous arriver d’être malades dans l’Eglise, malades de ne pas parvenir à cette fusion, malades de nous sentir tellement étrangers les uns aux autres. Sans nous réjouir de mal nous connaître, nous pouvons être heureux de ne pas sombrer non plus dans une sorte de roman à l’eau de rose qui gommerait toutes nos aspérités et ferait fi de ce qui est irréductible à chacun, ce qui fait notre identité propre. Reste que cette expression « comme un seul homme » est là et que nous
devons en dire un mot. Dire ce que signifie la présence du mot « un », ‘ehad en hébreu, dans cette histoire de communauté qui se fonde.

Qu’y a-t-il d’unique dans la communauté ?

L’unité se révèle à la fin du verset 3, dont le texte hébreu dit que « les deux oreilles de tout le peuple étaient vers la Torah ». Ce qui est unique, c’est la paire d’oreilles. Une paire d’oreilles pour tout le peuple ; une seule paire d’oreilles pour toute l’assemblée. Une paire d’oreilles, une paire unique pour la communauté, c’est-à-dire une intensité égale d’attention entre tous, une commune tension vers la parole de Dieu qui se communique. Il y a une seule paire d’oreilles tendue vers Dieu qui s’exprime. Là où la Parole de Dieu est entendue d’une attention commune, là est la
communauté. Là où il y a assemblée d’auditeurs de Dieu, là il y a communauté. Il peut (et même il doit) y avoir plusieurs interprètes du livre des prescriptions de Dieu ; il y a communauté là où des êtres humains sont réunis par une attention unique.

Les deux autres lectures bibliques proposées ce dimanche dans les églises catholiques et la plupart des temples nous conduisent à ajouter deux remarques. L’une des lectures, dans le chapitre 4 de l’évangile de Luc, nous montre Jésus en train de participer au culte dans une synagogue le jour du chabbat. Comme c’est alors la coutume, c’est lui, l’homme de passage à Nazareth qui fait la lecture biblique. Et c’est encore lui qui en donne l’explication. Lecture et prédication : nous retrouvons deux des éléments que nous avons recensés chez Néhémie. Ce qui est nouveau, c’est le commentaire de Jésus. Se référant au magnifique passage du prophète Esaïe, il proclame : « Aujourd’hui cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez ».

Nous pensons effectivement que Jésus réalise les promesses et les annonces du Premier Testament. Jésus-Christ nous apporte le pardon, la réponse à notre repentance et à notre humiliation de ne pas nous accorder toujours à la volonté de Dieu. Il nous apporte la vie. Il est la source de notre joie. Grâce à lui, notre culte peut être joyeux et toute notre existence est pénétrée de sa joie. Jésus, c’est Dieu présent avec nous, et cette présence est notre joie. Dans le récit de Néhémie, la joie s’exprime par un repas. « Allez, mangez de bons plats, buvez d’excellentes boissons », c’est le conseil que les lévites donnent au peuple rassemblé. Les gens sont invités à manger et à boire, mais on les invite aussi à partager avec ceux qui n’ont rien préparé. Le bonheur ne doit pas rester le privilège de quelques-uns, il doit être pour tous. Car tous sont liés ensemble, tous forment une unité. L’apôtre Paul exprime cette unité par l’image du corps. C’est le passage de l’épitre aux Corinthiens que je résume maintenant : Nous sommes les membres d’un corps unique, dispersés sur toute la terre, mais rassemblés par la même foi en Jésus-Christ. Cette unité exclut l’individualisme et le particularisme. Nous avons à la vivre. Nous la vivons dans le culte.

Pour paraphraser l’apôtre Paul : « car c’est dans un seul Esprit que nous tous, pour former un seul corps, avons été baptisés (…) tous abreuvés d’un seul Esprit. Que les membres du corps aient également soin les uns des autres. Je conclus ici. Frères et sœurs, chers auditeurs, nos assemblées dominicales ne sont pas un agrégat d’égoïsmes juxtaposés, ils sont le lieu où se manifeste notre volonté d’être ensemble et de rester unis dans l’écoute et la mise en pratique de la Parole de Dieu. La communauté que nous formons est en effet suscitée par une Paroles et sous
l’action du Saint-Esprit, cette Parole nous construit et construit l’Eglise dans la foi et dans la joie.

Oui, la joie du Seigneur est notre force ! Amen.

 

N.B. : Lectures bibliques communes au temple et à l’église du dimanche 26 janvier 2025, cause : captation Audio / vidéo pour diffusion le 26.01 sur Fréquence protestante (radio) et le bouquet Free et Canal + (TV)

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