Nous aussi nous connaissons la tourmente, lorsque la fragile barque de nos existences est malmenée par toutes sortes de tempêtes et de coups de vent. La vie est parfois tellement injuste, tellement cruelle ! Et nous sommes là, ballottés au gré des flots comme des fétus de paille, menacés d’être engloutis par des vagues de malheur et des flots d’angoisse.
Quand le sort semble s’acharner, quand aucune accalmie ne se laisse deviner à l’horizon, comment ne serions-nous pas, comme les disciples, affolés à l’idée d’être abandonnés à notre triste sort ?
Comment n’aurions-nous pas le sentiment de nous débattre tous seuls au milieu d’un paysage dévasté ?
Quand la maladie et la mort s’abattent sur notre famille, sur nos proches ou sur nous-mêmes, comment ne pas nous sentir pétrifiés par la peur, ou encore ravagés par la colère ou le sentiment de notre impuissance et de l’inutilité de toute chose ?
Qui aura souci de nous lorsque nous serons frappés par la catastrophe ou par le deuil ?
Qui aura souci de moi quand la morsure de l’absence se fera de plus en plus vive au fil des jours ?
Qui me permettra de rester à flot, au lieu de couler, d’être englouti et de me noyer dans l’amertume, la solitude ou la culpabilité ?
Vous attendez sans doute que je vous dise « Dieu »…
Mais au fond, est-ce que c’est si facile ?
Nous pourrions tout à fait nous poser la même question que les disciples : « Et alors, tu ne te soucies pas de ce que nous périssons ? »
Quand le malheur nous engloutit, toi, où es-tu ?
Qu’est-ce que tu fais ?
Pourquoi tu laisses faire, pourquoi tu n’interviens pas ?
Tu t’en fiches, ça t’est égal que nous souffrions et que nous mourions ? Tu restes dans ton coin, au fond de la barque, tu dors sur un coussin moelleux – et nous on crève !
On crève de trouille, et on a mal.
Frères et sœurs, chers amis,
cet appel désespéré aurait pu résonner dans le vide, comme s’il n’y avait personne à l’autre bout.
Les disciples auraient pu se résigner et serrer les dents, se refermer sur eux-mêmes et ne pas insister. A quoi bon y croire, si ça ne marche pas ? A quoi bon appeler, si personne ne répond ?
Et pourtant le cri désespéré des disciples n’est pas resté sans effets. Jésus se réveille. Il ne reste pas indifférent ni sourd à l’appel de ces hommes et de ces femmes tourmentés. Il se laisse déranger, il accepte que les cris affolés de ses disciples le sortent de son sommeil.
Jésus se réveille, et il parle. « Silence, tais-toi. »
Le vent tombe, la tempête s’apaise et un grand calme se fait.
Jésus se réveille à l’appel de ses disciples et il parle pour chasser leur peur, pour calmer leur angoisse, pour les rassurer et leur montrer qu’ils ne sont pas tous seuls.
Lorsqu’un enfant pleure au milieu de la nuit parce qu’il a fait un cauchemar ou parce qu’il est malade, ses parents l’entendent, ils se lèvent, ils vont dans sa chambre, ils le prennent dans leurs bras et ils lui parlent pour le rassurer. Pour lui montrer que, quoi qu’il arrive, ils sont là.
Sans doute notre plus grande peur, notre peur la plus ancienne et la plus profondément ancrée en nous, est celle d’être abandonnés – que personne ne s’occupe de nous, que personne ne fasse attention à nous, que nous soyons laissés à nous-mêmes, sans personne pour nous parler ni se soucier de nous.
« Pourquoi avez-vous tellement peur ? », dit Jésus, « comment n’avez-vous pas confiance ? » C’est que nous avons du mal à croire que quelqu’un puisse être vraiment là, présent, pour veiller sur nous et éclairer notre nuit en prononçant une parole qui rassure et qui apaise.
C’est que nous n’avons pas encore compris que Dieu est près de nous et qu’il ne nous abandonne pas.
C’est que nous n’avons pas encore compris que Dieu n’est pas au loin dans un ciel inaccessible, mais qu’il est là, couché au fond de notre barque, partageant avec nous les moindres aspects de nos existences, que ce soient les moments de paix et de bonheur ou les moments de tempête et d’angoisse.
Dieu est là, couché au fond de notre barque, et il nous accompagne dans les moindres étapes de nos traversées.
Souvent nous pensons que Dieu est indifférent à nos souffrances. Parfois même, nous pensons qu’il en est la cause. Or, ce n’est pas lui qui a provoqué la tempête.
Le Dieu que nous révèle Jésus n’est pas un Dieu de malheur, un Dieu sadique qui prendrait plaisir à jouer avec la vie des êtres humains. Au contraire, le Dieu que nous révèle Jésus est un Dieu bienveillant qui nous accompagne, qui partage avec nous les coups durs et les injustices, et qui, en aucune circonstance, ne saurait nous abandonner. En Jésus, Dieu s’est fait notre frère en humanité, notre compagnon.
Si Dieu nous semble parfois indifférent, regardons Jésus. Pensons qu’en Jésus Dieu est venu nous rejoindre dans notre humanité, au pire de nos tempêtes, pour nous assurer de sa présence à nos côtés, pour nous apporter la paix, pour nous faire retrouver la confiance. Pour nous faire retrouver, malgré tout, la foi en la vie. Le Christ est là, dans notre barque. Il se réveillera autant de fois qu’il le faudra quand nous crierons à lui.
Dieu n’est pas indifférent : Jésus est la présence même de Dieu au cœur de nos histoires et de nos malheurs, pour nous dire et nous redire autant qu’il le faudra : « Vous n’êtes pas seuls, je ne vous abandonne pas, je suis avec vous tous les jours ».
Il y a quelqu’un dans notre barque, même si nous ne remarquons pas tous les jours sa présence, même si la plupart du temps nous avons le sentiment d’être seuls et livrés à nous-mêmes.
Il y a quelqu’un dans notre barque, prêt à se réveiller et à parler, pour mettre la paix dans nos vies blessées, pour mettre sa tendresse dans nos cœurs fatigués.
Essayons simplement d’y croire, et nous trouverons du repos pour nos vies.
Amen.
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