Je suis le bon pasteur

Prédication sur Jean 10, 11-18

 

« Craintes et tremblements ». Notre « Bon Pasteur », je veux parler du pasteur de notre modeste troupeau paroissial, débutait ainsi dimanche dernier, deuxième dimanche après Pâques, la méditation qu’il nous proposait sur un passage du second livre de Samuel qui relatait le viol incestueux de Ammon, fils de David, sur sa sœur Tamar. Il nous invitait à méditer sur les bas fonds de l’âme humaine, lorsque Dieu parait absent.

« Craintes et tremblements », dois-je dire aussi aujourd’hui en ce troisième dimanche après Pâques. Car le texte soumis à notre réflexion est lui, à l’opposé du texte de la semaine dernière, un des sommets de la pensée johannique de par sa haute tenue christologique, qu’il convient d’aborder avec une tremblante humilité.

Comme vous le savez, la figure du berger est déjà très présente dans l’Ancien Testament. C’est tellement patent d’ailleurs que le thème du berger est à considérer comme un signe annonçant le Messie qui devait venir ! Je citerai par exemple un extrait très connu du livre du prophète Ezéchiel en exil, avec son peuple, à Babylone dans la deuxième moitié du VIème siècle  avant Jésus-Christ qui dit au chapitre 34 :

Verset 12 : « Comme un berger passe en revue son troupeau quand il est au milieu de ses bêtes éparpillées, j’arracherai mes bêtes de tous les lieux où elles ont été dispersées un jour d’obscurité.

Verset 14 : « Je les ferai paitre dans un bon pâturage… »

Verset 16 : « Déclaration du Seigneur Dieu. Je chercherai celle qui est perdue, je ramènerai celle qui est égarée… »

On peut aussi citer un passage du livre d’Esaïe, chapitre 40, qui relate la bienveillance du Dieu d’Israël envers chacun des membres de son peuple :

Verset 11 : « …Comme un berger, il fera paitre son troupeau : de son bras il rassemblera des agneaux et les portera sur son sein ; il conduira les brebis qui allaitent.. »

Venons-en à notre texte du bon berger de l’évangile de Jean. Il faut d’emblée s’écarter des images pieuses popularisées par de nombreux tableaux qui nous présentent un bon pasteur, c’est-à-dire le Christ, comme un doux, une gentil, qui passerait son temps à caresser des agnelets bêlants, bref presque un « ravi de la crèche ». Pour méditer sur ce texte il ne faut pas faire de contresens. En fait l’adjectif « bon » est employé dans le sens de vrai, de véritable, donc d’unique et pour dire plus de seul. Gardons bien très loin de notre esprit les images trop doucereuses et analysons cette métaphore champêtre en reprenant une à une les différentes figures :

  • Le bon berger
  • Les ennemis parmi lesquels je mets le loup mais aussi les mercenaires
  • Les brebis

Tout d’abord le bon berger, vous l’avez évidemment deviné, c’est le Fils de Dieu.

Verset 11 : « …c’est moi qui suit le bon berger. Le bon berger se dessaisit de sa vie pour ses brebis.. »

Versets 14-15 : « …je connais mes brebis et mes brebis me connaissent comme mon Père me connait et que je connais mon Père… »

Cette formulation aussi concise soit-elle met en relief la totale symbiose entre le Père et le Fils ; elle suggère d’aller plus avant car puisqu’il donne sa vie pour les brebis il fait naturellement penser à la Croix qui constitue, nous le savons, la marque de l’action de Jésus qui est là pour accomplir sa mission. Si bien que nous sommes loin désormais, il faut le redire, des verts pâturages décrits par le prophète Ezéchiel. C’est en effet sa mort qui fait de Jésus notre Sauveur, d’autant plus qu’il donne sa vie volontairement : verset 18 « …personne ne me l’enlève, mais je m’en dessaisis de moi-même ; Il ajoute aussitôt : « … j’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la reprendre… ». Il a le pouvoir de la reprendre, dit-il,  ce qui dans le langage de Jean est certainement une allusion à la Résurrection.

Certes la tension est forte entre l’obéissance volontaire du Fils à son Père et l’absolue liberté du dit Fils. Cela peut sembler pour le moins paradoxal, mais la totale symbiose entre les deux soutenue par le Saint-Esprit permet à Jésus Christ de dire « Moi et le Père  nous sommes un ». C’est dit explicitement au verset  30 du chapitre 10. Telles sont la force et la cohérence de l’Évangile de Jean, manifestement habité par la Foi.

Après le bon berger et avant de méditer sur les brebis, il convient de venir sur la figure du loup à laquelle on peut associer sans beaucoup d’hésitation la figure du mercenaire porté par l’intérêt commercial qui doit être assimilé aux yeux de Jean aux voleurs et aux brigands. Le Loup, vous l’aurez compris, c’est le diable, c’est Satan, c’est la peur du Jugement dernier, c’est Méphistophélès  dans  « Faust », cher à Goethe, qui nie tout de manière systématique. Le loup vole ou tue les brebis. Inutile d’insister plus longtemps sur le loup car, pour Jean, les brebis véritables n’entendent même pas la voix du loup. Quant au mercenaire, il apparait en pratique presque plus dangereux car il peut avancer masqué :

  • Il garde certes les brebis mais par intérêt
  • Quand il voit venir le loup, qu’il semble d’ailleurs reconnaitre, il abandonne, sans état d’âme, les brebis ; il prend la fuite… C’est un couard, un lâche.

Nous en arrivons à la figure emblématique des brebis. Les véritables brebis qui intéressent Jean sont celles :

  • qui acceptent de chercher le vrai berger ;
  • qui entendent naturellement sa voix ;
  • qui répondent quand elles perçoivent son appel, souvent par leur nom propre ;
  • qui se laissent conduire par lui ;
  • qui, et c’est là le nœud de la pensée johannique, le connaissent comme le Père reconnait le Fils, observation étant faite que cela ne peut se faire que grâce au Saint-Esprit, c’est-à-dire par la Foi !

Dans ces conditions, c’est uniquement en suivant le bon berger que les brebis recevront la vie éternelle et selon Jean ne périront jamais.

Personne n’a à se justifier, il suffit de se laisser porter par la Foi et de demander à Dieu de savoir discerner son double commandement : Aimer Dieu et Aimer son prochain.

Quand aux brebis qui ne connaissent pas le bon berger ou qui ne veulent pas le suivre, elles se privent d’elles même de la vie éternelle, c’est-à-dire de l’Espérance !

Il n’y a, chères sœurs, chers frères, nul jugement moral, à vrai dire, dans la parole messianique de Jean, en apparence sévère et tout le moins exigeante, j’en conviens !

En fait, le Christ, par la bouche de Jean, nous dit de manière catégorique et impérative que :

  • On est une brebis ou on ne l’est pas ;
  • Le loup est vraiment le loup ;
  • Le mercenaire est soit :
  • Un faux berger qui laisse la brebis se faire tuer par le loup
  • Soi même une sorte de brebis déguisée qu’il faut chercher à démasquer

Certes il n’est pas toujours simple de suivre le Christ Sauveur car nous ne sommes après tout que de simples brebis.

En fait, le Christ, par la bouche de Jean, nous dit de manière catégorique et impérative que nous ne sommes que « des créatures  entre les mains de Dieu ».

Pour autant, il nous faut choisir : être ou ne pas être avec LUI. Car comme le rappelle fort opportunément pour nous le verset 6 du chapitre 14 de l’évangile de Jean qui figure dans le cartouche situé en haut à gauche de la table sainte de notre temple : « Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi ».

Permettez-moi de garder la belle symbolique johannique pour conclure ainsi : Puissions-nous, chères sœurs, chers frères, continuer à remplir les différents cartouches de nos vies ! Ne les laissons pas vides comme ceux qui sont de chaque côté de l’orgue qui est derrière vous !

Amen