Faire grandir l’Eglise et bâtir le Corps du Christ

Lectures Bibliques : Actes 18, 1-11 + Ephésiens 4, 11-16

Prédication :

Chers amis, c’est aujourd’hui mon dernier culte avant les vacances, la fin d’une première année marquante. Un an déjà que je suis arrivé ici pour me mettre au travail et avec moi toute notre Eglise. Et pour assumer maintenant notre mission et notre responsabilité, pour mener à bien cette vocation collective qui est la nôtre en tant qu’Eglise, le texte biblique de ce matin nous rappelle quels sont les outils qui sont à notre disposition : Les dons qu’il a faits, ce sont des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des bergers et catéchètes, afin de mettre les saints en état d’accomplir le ministère de bâtir le Corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude.

Le texte de l’apôtre Paul répartit les tâches assignées à chacun selon une activité répartie à la mesure de chacun, comme le dit si bien l’Epître aux Ephésiens. En regardant de près, je voudrais proposer une répartition en 2 grandes catégories :

  1. Il y a d’une part ceux qui sont chargés de faire grandir le Corps en Christ en taille et en nombre. Ce sont les apôtres (envoyés hors du peuple habituel), comme Paul envoyé à Corinthe par exemple, les prophètes (porte-paroles de Dieu, porteurs de la Parole, prédicateurs), les évangélistes (ceux qui annoncent l’Evangile, ayant pour tâche d’évangéliser).
  2. Et puis d’autre part, il y a les bergers et catéchètes. Eux, ils ont pour fonction, comme le dit l’Epître aux Ephésiens, d’aider les membres à parvenir à l’unité dans la foi et dans la connaissance, faire grandir et accompagner les bébés chrétiens tout au long de leur croissance jusqu’à l’âge adulte, jusqu’à la maturité, jusqu’à la plénitude. Il s’agit ici de croissance spirituelle et personnelle. Nous y reviendrons.

Mais vous le voyez donc, 2 instruments différents pour deux missions complémentaires, 2 piliers dans la mission de notre Eglise :

  1. Partager l’Evangile avec ceux qui ne le connaissent pas encore : Crispus, chef de la synagogue, crut au Seigneur avec toute sa maison, et beaucoup de Corinthiens, en écoutant Paul, devenaient croyants et recevaient le baptême.
  2. Accompagner les chrétiens sur le chemin de la croissance : Ainsi, nous ne serons plus des enfants, ballottés, menés à la dérive à tout vent de doctrine, joués par les hommes et leur astuce à fourvoyer dans l’erreur. Mais, confessant la vérité dans l’amour, nous grandirons à tous égards vers celui qui est la tête, Christ.

Alors, 1ère question : Comment annoncer l’Evangile efficacement pour que notre Eglise grandisse en nombre et qu’il y ait de plus en plus de chrétiens qui viennent nous rejoindre ? Le récit du livre des Actes des Apôtres qui raconte la naissance de l’Eglise de Corinthe peut ici nous servir de guide et de garde-fou, j’ai envie de dire.

D’abord, on peut déceler un contexte général difficile voire franchement hostile vis-à-vis des chrétiens : quand Paul arrive à Corinthe, il y retrouve Priscille et Aquilas qui viennent d’être expulsés de Rome : Claude, en effet, avait décrété que tous les juifs devaient quitter Rome. Paul, lui-même, n’a pas été épargné si on en croit le récit qu’il fait dans sa seconde lettre aux Corinthiens : Des juifs j’ai reçu 5 fois les 39 coups, 3 fois j’ai été flagellé, une fois lapidé… (2 Co 11, 24)

Mais ce n’est pas tout, on ne peut pas dire que sa prédication soit vraiment efficace si j’en crois le récit : Chaque sabbat, il prenait la parole dans la synagogue, et tâchait de convaincre juifs et grecs. Je comprends là qu’il essayait de persuader, de convaincre, d’emporter l’adhésion des juifs et des habitants du pays, les grecs, apparemment sans aucun succès : devant leur opposition et leurs injures, Paul secoua ses vêtements… Un peu à la manière de ce que Jésus avait conseillé à ses disciples envoyés en mission : Si l’on ne vous accueille pas et si l’on n’écoute pas vos paroles, secouez la poussière de vos pieds. (Matt 10, 14)

Si je résume en 2 mots : opposition et inefficacité… L’avenir semble sombre pour la toute jeune Eglise de Corinthe. Mais là où n’importe qui renoncerait, l’apôtre Paul, lui, décide de changer de direction : Désormais, c’est aux païens que j’irai. Voilà qui me parle beaucoup : Paul décide de s’adresser désormais aux « païens », c’est-à-dire ceux qui n’ont aucune foi, ceux qui ne croient en rien, ceux qui ont perdu la foi… Voilà un champ de mission totalement neuf (et ô combien immense) qui doit nous concerner nous qui vivons une situation comparable à l’apôtre Paul. Désormais, c’est aux païens que j’irai. Il est possible que les habitués ne soient pas très intéressés par ce que nous faisons à l’Eglise. Alors sans doute faut-il prendre la décision de changer d’objectif. Au moins faut-il nous poser la question : à qui voulons-nous nous adresser ? A qui voulons-nous parler en priorité ? Les habitants du quartier ? Les jeunes parents avec des enfants potentiellement intéressés par la transmission et le scoutisme ? Ceux qui travaillent ici toute la semaine, dans les ministères, les banques et les cabinets d’avocat ?

Paul ne se contente pas de changer de cible. Nous avons remarqué que sa manière de prêcher était vraiment inefficace. Jusque-là, il essayait de persuader, de convaincre, d’argumenter. Et force est de constater que c’est un échec cuisant. Essayez vous-mêmes et vous vivrez la même expérience de l’échec et du découragement. Tout simplement parce que la foi chrétienne ne relève pas d’une opinion à laquelle on adhère ni d’un choix intellectuel qu’on ferait après avoir été convaincu. Il faut donc non seulement changer de public-cible mais aussi changer radicalement de méthode, de manière de témoigner. La démonstration intellectuelle ou la recherche de preuves irréfutables ne sont efficaces ni l’une ni l’autre.

Et pourtant à un moment donné, la situation se débloque. Si on regarde attentivement, on se rend compte que c’est au moment où Paul quitte la synagogue, que la situation se débloque : Quittant ce lieu, il se rendit chez un certain Titus Justus dont la maison était située juste à côté de la synagogue. C’est seulement à ce moment-là que beaucoup de Corinthiens, en écoutant Paul, devenaient croyants et recevaient le baptême.

On ne sait pas exactement ce qui provoque la foi et finalement c’est rassurant : la foi ne nous appartient pas et ne peut pas se provoquer puisque c’est un cadeau de Dieu. Mais ce que nous pouvons constater c’est que ça ne se passe ni sur la place publique ni dans les lieux religieux : cela se passe dans l’intimité d’une maison. C’est là un point essentiel que je veux relever pour nous aujourd’hui. A côté de la question importante de la visibilité de l’Eglise dans l’espace public, se pose la question de savoir de quelle manière nous pouvons réussir à toucher des gens qui ne connaissent rien à l’Evangile. Ici le texte des Actes des Apôtres nous indique une direction semble-t-il relativement efficace. Il faut essayer de comprendre pourquoi la maison semble plus appropriée que la place publique ou les espaces consacrés à la religion ? Cette efficacité me semble due au fait que la maison est le lieu de l’intime et de la confiance où l’on peut se permettre de retirer son masque social pour laisser apparaître le naturel et se laisser aller à partager des choses personnelles qui touchent vraiment comme le sens de la vie, ses difficultés, ses questions, ses impasses… et que c’est là, dans ces conditions-là, que la rencontre cœur à cœur avec le Seigneur peut avoir lieu. En tout cas, c’est de cette manière que je comprends l’interpellation de Jésus : Quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites qui aiment faire leurs prières debout dans les synagogues et les carrefours pour être vus des hommes. En vérité, je vous le dis : ils ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu veux prier, entre dans ta chambre la plus retirée, verrouille ta porte et adresse ta prière à ton Père qui est là dans le secret. (Matthieu 6, 5-6).

Mais il ne faut pas se contenter de cette croissance numérique, d’une politique du chiffre. C’est ici que nous retrouvons notre second pilier avec nos seconds instruments donnés par le Père : Grâce aux bergers et catéchètes, mettre les saints en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ.  Ici commence l’édification, la croissance qualitative et plus seulement quantitative.

Et si j’en crois l’apôtre, bâtir spirituellement le Corps du Christ comporte deux dimensions : parvenir tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu. Deux mots sont à souligner ici : UNITE dans la FOI et CONNAISSANCE. Il y a donc dans la foi une dimension communautaire et une dimension d’intelligence. En appelant à l’unité dans la foi, l’apôtre Paul rappelle que les conflits et les dissensions au sein de la communauté constituent un véritable contre-témoignage qui fait fuir même les membres les plus motivés de la communauté. En mettant en avant la connaissance, Paul nous rappelle que l’émotion et la chaleur humaine ressentie dans l’Eglise ne suffit pas à faire grandir la foi : il y faut de l’intelligence, de la réflexion, du questionnement, de la connaissance. C’est là une marque de fabrique et un point clé du protestantisme réformé que de valoriser l’intelligence de la foi. Nous devons en être fiers et l’assumer pleinement sans pour autant le faire au détriment de la qualité relationnelle qui doit être vécue et ressentie dans notre Eglise.

Notre objectif pourrait donc être de susciter des rencontres qui donnent l’occasion d’aborder les sujets importants de la foi chrétienne et de la vie normale. Il faudrait que ce soit un lieu de liberté où chacun se sent libre d’exprimer et de partager ses questions et ses convictions, ses doutes et ses préoccupations : c’est dans le partage fraternel et la confrontation aux autres que chacun pourra grandir et apprendre. Il faudrait que ce soit un lieu de convivialité et de chaleur humaine autant que de prière et d’étude de la Parole pour que chacun puisse grandir spirituellement. Il faudrait enfin que ce soit un lieu d’écoute et de réflexion sur les sujets les plus actuels qui nous concernent. On pourrait aussi bien y parler de la Bible, de foi, de prière, de Salut ou de Saint Esprit qu’il devrait être possible d’y parler tout aussi librement de questions d’actualité, de choix professionnels, de politique ou de questions éthiques. Tous sujets qui nous intéressent, nous touchent, nous concernent et nous questionnent. Il faudrait que ce soit un lieu où chacun-e compte et chacun-e se sent respecté-e, aimé-e, attendu-e, espéré-e.

Ainsi, nous ne serons plus des enfants, ballottés, menés à la dérive à tout vent de doctrine, joués par les hommes et leur astuce à fourvoyer dans l’erreur. Mais, confessant la vérité dans l’amour, nous grandirons à tous égards vers celui qui est la tête, Christ.

C’est là ma conviction pour, tous ensemble, bâtir la vie de notre Eglise jusqu’à atteindre la taille du Christ dans sa plénitude.  La plénitude… quel beau programme. Amen !

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