Dieu existe-t-il ?

Lectures Bibliques : Sagesse 13,1-10 et 1 Jean 4,7-12

Prédication :

Dieu existe-t-il ? Voici un titre quelque peu provocateur n’est-ce pas ? En fait, c’est la question avec laquelle nous avons cheminé avec nos catéchumènes durant cette semaine dernière passée au ski… Souvenez-vous du psaume 14,1 : L’insensé a dit dans son cœur : il n’y a pas de dieu… Et pourtant, pour les jeunes et pour nombre d’adultes, la question se pose clairement et il vaut mieux la regarder en face. Vous n’ignorez pas que nous vivons une période d’incertitude quant à ce qui est fiable ou non. A quoi et à qui pouvons-nous faire confiance ? La Bible délivre-t-elle des informations fiables sur ce qui s’est passé avec Jésus ? Les fake-news ne constituent pas un phénomène récent. Si j’en crois l’Evangile de Matthieu, les chefs des prêtres ont fait courir le bruit que les disciples avaient volé le corps de Jésus pour faire croire à sa résurrection (Matt 28,11-15). Le complotisme n’est pas non plus un fruit de notre modernité. Si j’en crois le procès de Jésus, il a été accusé auprès des romains de préparer un complot pour agiter le peuple et c’est pour cela qu’il a été crucifié (Jean 18,28-40). Alors, est-ce que Dieu existe ? Comment savoir ? Nous avons essayé de reprendre cette question de manière logique et systématique.

D’abord, il faut tout de suite tuer dans l’œuf les poncifs du genre : « Si Dieu existait, il n’y aurait pas tout ce mal sur terre. » Bêtise confondante de cette philosophie de comptoir ! Permettez-moi une petite histoire. Elle se passe entre un dentiste et son patient : « Voilà, c’est terminé, dit le dentiste à la fin des soins. Dieu merci ! répond le patient. Dieu ? taquine le dentiste… Qui, de nos jours, croit encore en Dieu ?  Moi j’y crois ! Apparemment, vous n’avez pas remarqué toutes les guerres, les destructions, les attentats, la pauvreté et tout ce mal dans notre monde, reprend le dentiste soudain sérieux. Eh bien moi je ne crois pas aux dentistes ! déclare le patient : si les dentistes existaient, pourquoi tant de gens ont des dents cassées, infectées, manquantes ? Je n’y peux rien si les gens sont assez stupides pour ne pas aller voir le dentiste pour soigner leurs dents… Nous sommes d’accord, conclut le patient, et c’est la même chose pour Dieu : il ne peut pas aider les gens qui ne vont pas vers lui et qui persistent à faire les choses à leur manière ! »

Ceci dit, comment se forge une conviction solide ? L’Evangile affirme que celui qui cherche trouve mais comment accéder à la vérité que l’on cherche ? D’abord, il est très important de reconnaître qu’il n’est ni possible ni souhaitable de faire l’économie de son intelligence. La vérité comporte toujours une part de rationalité. Et nous regarderons ensemble ce que l’on peut prouver de l’existence de Dieu. Mais cela ne suffit pas, la vérité comporte aussi toujours une part de confiance : il y a des gens qui nous ont parlé et à qui nous avons accordé notre confiance, des témoignages et des avis que nous avons tenus pour dignes de confiance sans les vérifier. Alors il faudra se poser la question de savoir comment ça se construit la confiance ? Est-ce que je peux croire les témoignages que je lis dans la Bible par exemple ? Est-ce que j’accorde ma confiance à mes parents, à mon pasteur, à mes catéchètes qui me témoignent de leur foi ? Mais cela ne suffit pas encore. Avec la part de rationalité et d’intelligence, avec la part de relations de confiance et de témoignages, il faut impérativement ajouter un 3ème pilier pour fonder une conviction solide et bien pesée : l’expérience personnelle. Si vous articulez votre connaissance, votre confiance et votre expérience, vous avez toutes les chances d’élaborer une foi solide à l’épreuve du temps… Mais s’il manque un pied au tabouret sur lequel vous avez assis votre conviction, vous aurez toutes les chances de vous casser la figure.

Le premier à avoir voulu prouver l’existence de Dieu par la seule raison, s’appelle Anselme de Canterbury, moine bénédiction du 11ème siècle, dit le « Docteur Magnifique » pour avoir apporté une preuve ontologique qu’il pense irréfutable qui sera reprise par Descartes : envers absolu du néant, Dieu est avant tout un « Etre » (Je suis celui qui suis, dit Dieu à Moïse en Exode 3,14) « dont on ne peut rien concevoir de plus grand ». Un mécréant lui-même est obligé de définir Dieu de cette manière logique et rationnelle même s’il en refuse l’existence dans la réalité. Et par conséquent tout être qui existe dans la réalité se trouve être plus grand que ce qui est simplement imaginé par la raison. « Il n’y a donc aucun doute que quelque chose dont on ne peut rien concevoir de plus grand existe et dans l’intelligence et dans la réalité. » (Anselme de Canterbury, Proslogion)

L’autre père de l’Eglise qui s’est lancé dans l’aventure de la preuve rationnelle, c’est Thomas d’Aquin qui applique à la foi chrétienne la rationalité causale conçue par Aristote. L’argument peut se résumer d’une phrase simple : si tout dans la réalité a une cause qui provoque son existence, quelle est la cause de tout, la toute première cause, le premier moteur, si ce n’est Dieu lui-même ?

Cet argument se retrouve aujourd’hui dans les discussions des scientifiques à propos du Big Bang. L’immense collisionneur de hadrons de 27 km de long creusés sous la Suisse par les ingénieurs du CERN de Genève a permis de recréer l’état de l’univers un millième de milliardième de seconde après le Big Bang… Et les scientifiques de se poser la question clairement : qui a appuyé sur bouton « on » qui a provoqué le début du big bang ? La même question revient quand COBE, le satellite de la NASA photographie de rayonnement fossile, la lumière primordiale la plus ancienne du cosmos jaillie de l’explosion primordiale. Et George Smoot, prix nobel de physique, d’affirmer : « Pour les esprits religieux, c’est comme voir le visage de Dieu !

La même question rebondit quand on se rend compte qu’on ne connaît strictement rien de la matière noire qui compose 96% de l’univers. Alors comment affirmer que Dieu n’existe pas avec tant d’assurance ? N’est-ce pas quelque peu présomptueux quand on connaît si peu de la réalité du monde ? C’est ainsi que certains chercheurs n’évitent plus les questions métaphysiques devant les quelque 13 lois intangibles qui régissent et orchestrent le fonctionnement de l’Univers. Des règles tellement précises que, si l’on en modifie un iota, notre monde n’existe pas et la vie encore moins ! Les scientifiques parlent alors de « réglage fin », tellement fin qu’il n’est pas possible qu’il soit le fruit du hasard et encore moins d’une probabilité infinitésimale. L’existence même de la vie sur terre est une anomalie statistique qu’il faut regarder avec reconnaissance et admiration, disent certains scientifiques.

Il n’est pas jusqu’au mathématiciens qui se sont emparés de l’énigme philosophique « qu’est-ce que l’infini ? » pour tenter de la résoudre par des équations… Définir Dieu comme une équation mathématique ! Quelle perspective fascinante…

Tout cela nous donne un faisceau d’indices sérieux et concordants qui rend possible l’articulation entre notre foi et notre raison dans ce qu’il est possible d’appeler notre intime conviction. Mais bien entendu, ce n’est pas suffisant. Il manque un second pied de notre tabouret, celui de la confiance. Ici nous ne sommes plus sous le régime de la preuve mais sous celui de la relation. Il y a des gens à qui nous faisons confiance et d’autres non. Il y a des témoignages qui nous semblent crédibles et d’autres non. Comment est-ce que cela fonctionne en fait la confiance ? Comment se fait-il que les chrétiens fassent confiance à la Bible pour penser leur foi mais pas au Coran et comment se fait-il que pour les musulmans ce soit l’inverse ? Les sociologues appellent cela les « instances de validation du croire » c’est à dire les autorités auxquelles nous accordons crédit pour valider ce que nous tenons pour vrai sans le vérifier. Et il est bien question d’autorité. Cette question me semble cruciale devant la montée des populismes un peu partout dans le monde et devant le spectacle désolant et effrayant de ces français qui ne reconnaissent aucune autorité aux institutions qui fondent notre nation. C’est cette autorité que revendique l’auteur de la 1ère lettre de Jean que nous avons lue : Nous vous annonçons la Parole qui donne la vie et qui existe depuis toujours (autorité revendiquée par l’antériorité : l’auteur n’invente rien, il ne fait que recevoir et transmettre) Nous l’avons entendue, nous l’avons vue de nos yeux, nous l’avons regardée avec attention, nous l’avons touchée de nos mains. Nous en sommes témoins (autorité de compétence : l’auteur a étudié avec attention, il sait de quoi il parle) Cette vie nous l’avons vue, nous l’avons entendue. Nous vous l’annonçons à vous aussi, ainsi vous serez unis à nous. Ensemble nous serons unis au Père et au Fils Jésus Christ (autorité du groupe, de la communauté à laquelle il faut appartenir pour être à l’abri des dangers extérieurs) Nous vous écrivons cela pour que notre joie soit totale (autorité de la personne concernée : c’est pour le bonheur de chacun). Quelles sont ces fameuses instances de validation du croire qui fabriquent notre sentiment de confiance ? En fait, il y en a 4 :

  • L’autorité issue d’un statut (le président, le juge, le policier, le prêtre), d’une compétence (le pasteur, le médecin, le garagiste, l’avocat) ou d’un charisme (le prophète, le leader, le gourou). Cette autorité inspire respect et soumission.
  • Le groupe (la nation, la communauté, la Umma, l’Eglise, la patrie) pousse à la conformité, à l’adhésion au groupe en évitant les vagues, les conflits pour éviter de se faire exclure de cette communauté qui nous donne notre identité.
  • Les pairs (groupe Facebook, algorithme de Google) qui ne fournissent que des informations susceptibles de nous correspondre et de confirmer ce que nous croyons déjà (selon le principe de qui se ressemble s’assemble)
  • Moi-même et ma liberté de conscience, chacun se pose en norme de la vérité (chacun sa vérité) dans la confusion entre la vérité et la sincérité. C’est vrai parce que je le crois et personne n’a autorité pour penser à ma place.

Vous reconnaissez-vous dans l’une ou l’autre de ces catégories ? En discutant de cela dans notre groupe de catéchisme pour adultes, les uns et les autres ont raconté le commencement de leur vie de foi :  pour les uns ce fut la rencontre de tel ou tel pasteur charismatique, pour d’autres ils ont été marqués par tel ou tel verset de la Bible, les autres encore racontant leur confirmation comme le moment qui a fait date.

Il faudrait ici parler de la fiabilité des témoignages bibliques non pas dans leur factualité historique indécidable mais bien dans la profondeur et la pertinence spirituelle qui s’y donne à expérimenter. Au fond seuls les historiens lisent la Bible pour s’informer sur les faits historiques. Les croyants, eux, lui accordent un crédit tout à fait différent : celui de provoquer une expérience spirituelle unique. Si la prière est le moyen que nous avons pour parler à Dieu, la Bible c’est le moyen, le vecteur, le véhicule, le canal que Dieu emploie pour nous parler, pour nous rencontrer, pour nous faire éprouver sa présence, sa Grâce et son Amour. Et c’est ici que le 3ème pilier s’impose comme indispensable. Oui il est important de réfléchir sa foi de manière rationnelle. Oui il est aussi important de faire confiance aux témoignages des autres croyants. Mais le 3ème pilier d’une foi solide se joue dans la connaissance personnelle qui s’éprouve, qui se vit, qui s’expérimente concrètement avec Dieu lui-même. Nous pouvons affirmer que Dieu existe parce que nous en avons fait l’expérience personnelle. C’est aussi simple que ça. Et le seul véritable moyen que nous ayons d’expérimenter la réalité de la présence de Dieu c’est d’aimer et d’être aimé. Parce que l’amour vient de Dieu. Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu et connaissent Dieu. C’est aussi simple que ça. Ceux qui n’aiment pas ne connaissent pas Dieu parce que Dieu est amour. Je ne ferai jamais confiance au témoignage de ce soi-disant chrétien qui a assassiné lâchement 50 musulmans en Nouvelle Zélande. Je ne ferai jamais confiance au témoignage de ces casseurs en jaune qui déversent leur haine et leur colère. J’accorde ma confiance à un enfant qui se jette dans mes bras. J’accorde ma confiance à mes catéchumènes avec qui j’ai passé une semaine merveilleuse. Par eux, grâce à eux, je connais Dieu. J’accorde ma confiance à la communauté chrétienne dans laquelle je vis, ici et maintenant par le Saint-Esprit qui verse dans nos coeurs l’amour de Dieu (Romains 5,5) Par vous, grâce à vous, je connais Dieu. Personne n’a jamais vu Dieu, mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu vit en nous, et son amour en nous est parfait. Et c’est pour moi le plus important. Amen !

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