Convertir ou se laisser convertir, il faut choisir !

 

Prédication du culte de Pentecôte, par Fiona Baudouin

J’ai beaucoup hésité sur le titre de cette prédication, et j’ai entraîné beaucoup de monde dans mon hésitation. Je ne peux rien prouver, mais je crois même que c’est pour cette raison que vous avez reçu très tardivement la newsletter de cette semaine… Au début c’était : « Les Chrétiens boivent-ils trop de vin ? », mais depuis j’ai réfléchi et écrit, et j’opterai finalement pour : « Convertir ou se laisser convertir, il faut choisir ! ». Je vous laisserai me dire à la fin ce que vous préférez.

I- Le miracle de Pentecôte

Bon, déjà, que se passe-t-il ?

Il y a beaucoup de monde dans ce texte, on a 12 disciples, qui ne sont pas exactement les mêmes 12 qu’avant (il y a eu un petit switch après le fiasco de Judas, mais ça ça mériterait une autre prédication…) Donc 12 disciples, qui sont tous ensemble, au même endroit. Il y a aussi des Juifs, des Juifs par milliers venus du monde entier, et je nous épargne la liste que nous avons entendue de toutes leurs provenances. Où sommes-nous ? À Jérusalem. Toutes et tous sont venus fêter Chavouot. Et n’oublions pas le dernier protagoniste, dernier mais pas des moindres : le Saint-Esprit. Dans une entrée des plus remarquables et des plus incroyables ; avec ces langues de feu qui se séparent et qui se posent sur chacun des disciples. On imagine la scène.
Pour celles et ceux qui le chercheraient et qui étaient en vacances la semaine dernière… Jésus n’est pas là. Il est déjà reparti. Peut-être en vacances lui aussi, aperçu pour la dernière fois à l’aéroport de Jérusalem, il s’est envolé dans les airs, pour rejoindre son Père. Il est monté au ciel, c’est vrai, mais pas sans faire une dernière promesse à ses compagnons de voyage, qui n’ont pas de billets, cette fois-ci, pour le suivre. Il leur dit, c’est un peu plus tôt dans le livre des Actes : « vous recevrez une puissance lorsque le Saint-Esprit viendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre ». Nous y sommes. Ça y est, comme il l’avait dit, le Saint-Esprit descend sur les apôtres. Et c’est spectaculaire ! Un bruit venant du ciel, comme un vent violent, remplit toute la maison…

Déjà rien que ça, ça décoiffe ! Puis des langues de feu, se posent sur la tête des disciples. Et ils se mettent soudain à parler en d’autres langues que la leur, grâce (nous dit-on) au Saint-Esprit. Amazing ! Incroyable ! C’est un don, ça ne vous a pas échappé, qui a également frappé Irène, Simon, Matthieu… ce matin*. Et nous prions pour Clémence, qui participe elle-aussi à ce culte. Mais de quoi parlent-ils dans toutes ces langues ? « Des merveilles de Dieu », nous dit le texte. Mais alors, qu’est-ce que ça veut dire, parler dans toutes les langues des merveilles de Dieu ? Pourquoi le Saint-Esprit leur donne-t-il ce don ? Pour montrer, sans doute, que le message des disciples, est un message universel. Qu’il transcende les barrières des langues, et que, faisant tomber ces barrières, il fait aussi reculer les frontières. Jusqu’au bout du monde, le message de Jésus-Christ peut être proclamé et entendu, conformément à ce qu’il avait annoncé : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre ».

II- Une ombre au tableau

Mais est-ce vraiment si simple ?
Nous en avons beaucoup parlé entre nous, nous les servantes et serviteurs de ce culte aujourd’hui, nous les « jeunes de Roquépine » comme on aime à s’appeler. Nous en avons parlé entre nous, et il s’avère que c’est souvent bien difficile de parler de notre foi hors de ces murs qui nous sont si familiers. Au travail, avec des amis, on adopte souvent des stratégies bringuebalantes pour éviter de parler de Jésus-Christ. On dit qu’on a une réunion pour partir plus tôt, mais on ne dit jamais qu’elle est au temple… Oui, c’est vrai. On ne parle pas beaucoup de notre foi. Pourquoi ? Pourquoi Seigneur est-ce si dur de parler de toi dehors ? Il peut y avoir de nombreuses raisons :
1) D’abord on a peur ; des débats que ça pourrait susciter, des jugements, des amalgames… Car il existe dans notre pays un tabou religieux indéniable.
2) Ensuite, on acceptera parfois de parler de religion, mais en restant théorique et évasif, parler de notre foi ? Très peu, trop peu, trop personnel.
3) Et enfin, nous, les chrétiens, les chrétiennes, nous n’avons pas besoin ici de prendre un jour de congés pour fêter Pâques, l’Ascension ou Noël.
Autant de raisons qui font que nous restons bien cachés dans nos murs, à l’abri, un jour par semaine, dans nos églises et dans nos temples. Bien entre nous.
Entre eux. C’est comme ça, que sont les disciples dans ce texte. « Ils étaient tous ensemble au même endroit », « dans une maison » et le texte précise même qu’ils sont « assis ». Drôle de stratégie pour faire entendre au monde entier le message de Jésus-Christ… C’est le bruit, c’est tout le remue-ménage du Saint-Esprit qui fait accourir des milliers de Juifs vers les apôtres. Et c’est comme ça, que Pentecôte devient l’histoire d’un miracle. L’histoire d’un baptême de 3000 personnes. Vous vous rendez-compte ? C’est 3000 de plus qu’aujourd’hui ! Oui parce que… ça ne nous a pas échappé, c’est un jour de Pentecôte un peu triste, car nous n’avons ni baptême ni confirmation cette année ici à célébrer. (Pour les nouveaux et pour les nouvelles, je traduis : traditionnellement, à Pentecôte on célèbre des baptêmes, ou des confirmations de baptêmes. Puisque chez nous, si on est baptisé, on confirme plus tard ou non notre adhésion à l’église protestante).
Mais cette année, pas de nouvelles recrues… En tout cas pas sur l’estrade, ni devant le baptistère. Une leçon d’humilité sans doute, pour nous tous et toutes. Le Saint-Esprit souffle où il veut et quand il veut, et nous devons toujours nous en rappeler. Surtout dans un temple qui s’appelle Saint-Esprit !

III- Énième obstacle

Mais alors que le miracle se produit pour les disciples, et qu’ils peuvent parler dans d’autres langues, et qu’ils peuvent baptiser à la volée des personnes par milliers… Voilà qu’un nouvel obstacle se dresse devant eux. Ce sont les versets 12 et 13, qui ne faisaient pas partie du texte du jour, on les comprend, mais que nous, nous avons choisi de rajouter, pour nous compliquer un peu la vie (on nous comprend moins).
« Tous remplis d’étonnement et ne sachant que penser ils se disaient les uns aux autres : « Qu’est-ce que cela veut dire ? »Mais d’autres se moquaient et disaient : « Ils sont pleins de vin doux » ». Aïe, aïe, aïe… ça se gâte déjà ! Pour certains, alors même qu’on leur parle dans leur langue maternelle, le message de Jésus-Christ, celui des merveilles de Dieu, reste inaudible. Ce que nous dit alors ce texte, c’est que même avec l’aide du Saint-Esprit, parfois ça ne marche pas. Voilà qui est bien plus grave, comment le Saint-Esprit ne suffit-il pas ? Voilà de quoi ébranler un peu notre foi…
Il y a dans notre Église, et je sais de quoi je parle puisque je reviens du synode national, où nous avons débattu pendant 4 jours sur la mission de l’église protestante… Il y a parmi nous des gens qui pensent que cette mission est de convertir le monde au christianisme. J’ajouterais même, de convertir le monde, de préférence, au protestantisme. Ce que nous dit ce texte, c’est que nous n’y arriverons pas. Pas toujours. Pas tout le temps. Pas avec tout le monde. On voit pourtant souvent le miracle dans le baptême prodigieux de tant de personnes. (C’est la force du nombre, ok ce n’est pas grave si on ne convertit pas tout le monde, tant qu’on en convertit un grand nombre. On s’en contentera).
Le vrai miracle n’est pas là. La vraie conversion, ce n’est pas celle de 3000 anonymes. C’est celle des disciples. D’ailleurs ce sont les seuls dont on a l’identité clairement donnée dans ce texte. Alors vous allez me dire, « oui bien-sûr on n’allait pas faire la liste de 3000 personnes ». Mais permettez-moi quand même de vous dire qu’on aurait pu. La Bible n’a pas peur. La Bible n’a absolument pas peur de faire des listes de noms, ou de lieux, sur des pages et des pages, et des pages. D’ailleurs elle n’a pas peur elle-même de faire des milliers de pages ! Donc on aurait pu avoir leurs noms. Mais on ne les a pas. Pas même un seul.
La vraie conversion, c’est celle des disciples. C’est celle des disciples, qui étaient entre eux, cloîtrés dans une maison, et qui sont sortis, parce que le Saint-Esprit est venu tout chambouler. Ils sont sortis. Ou alors ils ont accueilli tout le monde à l’intérieur. Mais 3000 personnes, ça fait quand même beaucoup… C’est flou cette affaire, on ne sait pas bien s’ils sont sortis, ou si ce n’était pas une maison mais une villa (erreur de traduction, ça arrive), ou s’ils ont démoli un mur, poussé les pierres pour que tout le monde puisse entrer… Mais quoi qu’il en soit la vraie conversion, c’est que ce sont d’abord ces 12, qui acceptent de s’additionner aux 3000 autres.
Quant à nous… le calcul est vite fait : + 0… Sauf si quelqu’un ou quelqu’une veut se jeter dans le baptistère, surtout n’hésitez pas il n’est pas trop tard. Personne ? Bon, tant pis. C’est donc bien vrai, nous ne baptiserons personne aujourd’hui. Mais c’est bel et bien Pentecôte aujourd’hui ! Car pour ce qui est de nous-mêmes, il n’est pas trop tard. Peut-être qu’au lieu de vouloir baptiser, nous laisserons-nous nous faire baptiser, par le Saint-Esprit. Peut-être qu’au lieu de vouloir convertir, nous laisserons-nous, nous-mêmes, nous faire convertir. Le calcul à Pentecôte, ce n’est pas 12 + 3000, c’est d’abord zéro + 12. Les disciples étaient cloîtrés, ils sont sortis d’eux-mêmes, grâce au Saint-Esprit. Et grâce à lui aussi ils répondent à la foule qui se hâte à leur rencontre. Et ça marche, pour beaucoup de gens ça marche.
Vous allez me dire, pour beaucoup oui, mais pas pour tous ! C’est vrai. Pourquoi ? Je suis navrée de vous l’apprendre, mais le texte ne nous le dit pas. Peut-être que ces personnes qui se moquent et qui mettent la conversion sur le compte de l’alcool, n’étaient pas enclines d’elles-mêmes à croire à une parole, peut-être sont-elles de celles qui ont besoin d’actions pour suivre. Peut-être certains se méfient-ils du vin, peut-être sont-ils des enfants, ou allergiques, intolérants, alcooliques anonymes, et qu’ils seraient plus sensibles à ce qu’on mette aussi du jus de raisin sur la table de la Sainte-Cène. Peut-être que la réponse des disciples, s’est peu à peu transformée en discours, bien huilé bien préparé, au fur à mesure des milliers de personnes qui passaient… Et qu’il n’a plus répondu à la question que se posaient les nouveaux passants.
Pourtant Pentecôte ce n’est pas l’histoire de la plus parfaite des prédications, Pentecôte c’est le rappel que le Saint-Esprit ne nous donne pas le don de parler ni d’agir, comme il nous donnerait le don de parler des milliers de langues, il nous donne de répondre. Et ce en réalité, de quelque manière que ce soit, pour faire vivre l’Évangile. Certains rient, certains se moquent, il faudra donc trouver une autre façon d’aller jusqu’à eux. Il faudra trouver d’autres moyens de les toucher dans leurs existences. Je ne sais pas s’il reste des pierres des murs que les disciples ont sans doute dû démolir pour faire entrer tout le monde dans leur maison…

Mais je vous en prie, prenez une brique invisible en partant.
Elle est tombée dans chacune de vos mains en cet instant.
Elle vient de la part de Dieu.
Et Dieu vous donne également les outils pour la tailler,
pour que chacune de nos pierres soient à la parfaite mesure de leur mission.

Le monde nous interpelle, et il va le faire de plus en plus, à mesure qu’il perd de son sens… d’année en année, jour après jour. Et nous allons devoir lui répondre. En fac de théologie on nous rappelle souvent à quel point c’est important de terminer notre prédication par une bonne nouvelle. Je n’ai pas de bonne nouvelle. Ou tout du moins pas de nouvelle.

Jésus-Christ t’appelle.
Oui, son message est universel.
Mais pour propager sa nouvelle, il faut d’abord que, comme les disciples, quelque chose change.
Et cela commence par nous-mêmes.
Car rien, rien n’est jamais donné tel quel.
Pas même l’Évangile.
Et oserais-je dire certainement pas l’Évangile.
Jésus-Christ ne t’appelle donc pas pour convertir, il te convertit.
Le monde peut bien s’enivrer, et même sombrer,
Il est la pierre sur laquelle tu peux tout bâtir.

AMEN

*Ce culte a été réalisé par les jeunes actifs de Roquépine, qui ont parlé en différentes langues lors de chaque prise de parole

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