Que le Covid-19 nous enseigne-t-il vraiment ?

Lecture biblique : Marc 4,35-41

Comprendre c’est prendre avec soi, s’approprier ce qui nous arrive : le réel ne nous est plus étranger. Nous ne subissons plus les événements mais nous tenons entre nos mains le manche de notre vie.

Triple signification du mot « sens » :

  1. sens = sensation – ressenti – émotion : comment je ressens ma propre vie ? Suis-je bien dans mon existence ? = partager son ressenti
    2. sens = signification – interprétation – compréhension – rationalisation : qu’est-ce que cela veut dire ? Quel message pour notre vie ? = chercher une signification
    3. sens = direction – téléologique – but à atteindre : Où allons-nous ? Quel objectif poursuivons-nous ? = trouver une orientation

3 questions donc autour de la question du sens que nous cherchons ensemble :

  • le ressenti
  • la signification
  • l’orientation.

« Partager son ressenti » 

  • Un travail autant émotionnel qu’existentiel

Laissons donc parler nos sens, pour exprimer le ressenti, l’émotion, le sensible provoqué par le choc du réel. ce temps est un temps à part qui nous donne la possibilité et l’occasion de revenir sur notre vie pour la ressentir de manière exacerbée :

  • le malaise ressort et explose et trouve ce temps terriblement difficile, insupportable (la solitude, la promiscuité, la peur de mourir, la peur de manquer)
  • le bien-être jouit de lui-même et trouve ce temps positif, bénéfique, heureux (un temps en famille, une recomposition des enjeux politiques, la pollution, le télétravail…)

Pessimisme et optimisme s’étalent sur les réseaux sociaux à proportion des états d’âme de chacun (sans connotation négative)

  • Réflexion biblique : 

37Et voilà qu’un vent violent se mit à souffler, les vagues se jetaient dans la barque, à tel point que, déjà, elle se remplissait d’eau. La manière de raconter l’histoire provoque déjà un sentiment de submergement, d’envahissement. Le vent, les vagues… C’est notre barque qui prend l’eau.

38Jésus dormait sur un coussin, à l’arrière du bateau. Le contraste est grand entre ce que nous ressentons et l’attitude de Jésus: il dort, tranquille, il semble indifférent à ce qui nous arrive ou peut-être inconscient du danger ou peut-être encore a-t-il tellement confiance en lui-même qu’il peut se permettre de dormir en pleine tempête ? En tout cas, tout est fait pour jouer sur nos émotions et faire monter notre sentiment de révolte.

Ses disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous allons mourir ! Cela ne te fait rien ? » Le reproche éclate. Comme lors de la mort de Lazare dans l’Évangile de Jean : Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! (Jn 11,21). Comme Job maudissant le jour de sa naissance (Job 3,1-19). Comme Jésus sur la Croix récitant le Psaume 22 : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Sentiment que Dieu se tait, qu’il est absent, qu’il est indifférent : bref, qu’on est seuls à bord de la barque.

Ce qui ressort du texte biblique et qui fait écho à notre situation présente, c’est d’abord et essentiellement la peur de mourir. Nous allons mourir ! Cela ne te fait rien ? (…) Pourquoi avez-vous peur ? Nous avons peur parce que nous prenons subitement conscience que la vie est bien fragile et que nous sommes bien vulnérables quand la « nature » reprend ses droits ou se venge… Le sentiment d’avoir besoin d’aide, qu’on ne s’en sortira pas tout seul. Que si Dieu existe, il se doit d’intervenir (comme si Dieu nous devait quelque chose, comme s’il avait des devoirs envers nous ?). Voilà l’appel au secours teinté de reproche, de colère.

  • Oser parler devant Dieu en vérité :

Oser dire sa colère, son désespoir, sa peur, son ressentiment… Ne pas enfouir. Ne pas cacher la vérité.

  • Accepter d’entendre la réponse de Dieu : (c’est une réciproque !)

39Jésus, réveillé, menaça le vent et dit au lac : « Silence ! tais-toi ! » Alors le vent tomba et il y eut un grand calme.  Si nous parlons à Dieu avec nos tripes, lui aussi nous répond à ce niveau-là et le reproche nous revient en boomerang : 40Jésus dit aux disciples : « Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas encore la foi ? »  Voilà la réponse de Jésus à notre inquiétude et à nos appels au secours : La seule antidote à la peur c’est la foi. Nous ne sommes pas dans le domaine du rationnel, de la décision mûrement pesée et soupesée après étude clinique en double aveugle selon un protocole scientifique bien établi.

  • Les débats entre scientifiques et experts nous angoissent d’avantage
  • Les décisions des politiques nous inquiètent et n’entraînent pas notre adhésion
  • La chloroquine : il y a les croyants et les non-croyants

Appel de Dieu à Caïn (Gn 4,7) : « Le péché est tapi à ta porte comme un monstre à l’affut. Il désire te dominer mais c’est à toi d’en être le maître ! » J’entends un appel de Dieu à reprendre le contrôle de nos vies et de nos émotions : prend toi en main et ne te laisse pas dominer !

« Vous avez été appelés à la liberté mais ne faites pas de cette liberté un prétexte pour vivre selon les pulsions de votre chair » (Cf. Gal 5,13) « Tout est permis mais tout n’est pas utile ! » (cf. 1 Co 10,23) : notre foi nous rend libres ! Par la foi, reprenez le pouvoir sur vos vies. Un appel à la liberté.

« Chercher une signification »

  • Travail herméneutique pour interpréter le réel :

Mettre le réel à distance pour l’observer et poser un discours sur les événements. Ne plus être dans la réaction émotionnelle mais redevenir humains. C’est le propre de l’homme que de poser des mots sur une vie pour la qualifier, lui donner du sens. L’art (la musique, la peinture, la sculpture, le théâtre et le cinéma), la philosophie, l’humour et la théologie travaillent tous dans le même sens et à partir du même matériau…

  • Jeu du voilement / dévoilement :

Y a-t-il un sens caché qui se révèlera enfin ? Le moins qu’on puisse reconnaître pour le moment c’est notre aveuglement personnel et collectif… Il y aura bien quelques prophètes qui nous lanceront au visage quelque : « Je vous l’avais bien dit ! » mais nous, les gens normaux, nous devrions le reconnaître : il n’y a pas de réponse claire à nos « Pourquoi ? » Nous ne savons pas et parfois même nous ne voulons pas savoir.

Alors nous cherchons des coupables, des méchants, des manipulateurs corrompus, des gouvernants qui eux auraient dû savoir, prévoir, organiser à l’avance… N’est-ce pas leur vocation ? N’est-ce pas pour cela que nous les avons élus ? Déjà 5 plaintes ont été déposées contre le gouvernement…

Mais qui sommes-nous pour jouer les donneurs de leçon ? Avons-nous vu clair avant les autres ? Avons-nous joué les lanceurs d’alerte ? Avons-nous été les vigies de la République que nous étions appelés à être ? Sommes-nous à ce point devenus inhumains pour ne plus voir l’humanité et donc les limites de tous les choix politiques quels qu’ils soient ? Qui peut se prévaloir d’une position de surplomb au point de s’instituer en juge des autres en la matière. Nous ne parlons pas ici de toujours possibles transgressions ou malversations de tel ou tel personnage publique mais bien de choix politiques hasardeux, régulièrement erronés et parfois catastrophiques. La responsabilité et la culpabilité est sur ce point au moins collective et largement partagée. Et si nous ne sommes pas contents il faudra voter mieux et autrement la prochaine fois… malheur à nous si nous n’avons devant nous que la peste brune ou le choléra rouge… au choix…

  • Réflexion biblique :

Quelle signification des événements pouvons-nous entendre de notre récit de la tempête apaisée ? Il semble que Jésus pilote les événements de bout en bout. C’est d’ailleurs lui qui provoque le départ : 35Le soir de ce même jour, Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive » Il y a donc là un passage qui doit se faire entre deux terres fermes. Entre les deux rives il y a le lac de Génésareth, une étendue d’eau entre deux terres fermes. Un lieu où tous les repères sont mouvants, voire disloqués par les vents impétueux de la vie. Traverser le lac sous la tempête provoque une crise. La crise que nous traversons est un temps de passage entre deux rives, un temps qui doit se traverser sans autre sécurité que la présence de celui qui reste là à dormir à l’arrière de notre barque. Avant la crise, il y a la terre ferme de l’enseignement, la connaissance, l’écoute du Maître qui parle en paraboles et qui dit le vrai, le solide, le ferme. Après la crise, il y aura la terre ferme des gestes forts avec la guérison de celui qui est prisonnier d’esprits impurs, la multiplication des pains qui assouvit la faim, il y aura des guérisons : la fille de Jaïrus et la femme qui perd son sang. Mais entre les deux, il y a la crise, le passage, les flots impétueux, la barque qui coule… Et la foi seule. « N’aie pas peur, croit seulement » C’est ce que Jésus dira à Jaïrus, chef de la synagogue venu quémander la guérison de sa fille alors qu’elle était déjà morte (Mc 5,36).

Cf. La vocation de Jérémie : apprendre à regarder le réel avec les yeux de Dieu pour comprendre ce qui se passe et notre vocation avec les yeux de la foi, notre chemin au cœur du monde. Voilà notre vocation sans doute au cœur de cette panique générale : ne pas laisser la peur prendre le dessus par la tranquillité de notre foi qui sait que le monde a été créé par Dieu et qu’il est entre les mains de Dieu, que le Royaume de Dieu s’est approché. Nous connaissons déjà la fin de l’histoire.

« Trouver une orientation »

Et si nous échappions au lancinant « pourquoi » pour nous tourner vers un prometteur « pour quoi » : autrement dit cesser de regarder en arrière pour trouver un coupable pour regarder vers l’avant pour construire, imaginer, œuvrer pour donner une direction, pour en faire un projet, pour investir l’avenir, tirer des leçons pour bâtir ensemble…

3ème sens du mot « sens » = trouver une orientation aux événements. Vers où allons-nous ? Chercher à discerner une volonté, un projet, un plan, une fin :

1. théories complotistes : volonté malfaisante qui nous manipule et qui se sert de nous : pour gagner plus d’argent, pour garder le pouvoir, pour faire notre malheur
2. plan de Dieu : punition d’un Dieu vengeur ? Épreuve d’un Dieu pédagogue qui veut nous aider à grandir ? Projet bienveillant global ou personnel dans lequel nous avons un rôle à jouer, une vocation à recevoir et à accomplir
3. absurde : il n’y a aucune volonté extérieure mais c’est à nous et à nous seulement qu’il revient de qualifier les événements pour tenter de les maîtriser et de leur donner un sens

Réflexion biblique :

Cf. Matthieu 7,15 « Prenez garde aux faux prophètes. Ils viennent à vous déguisés en moutons, mais au-dedans ce sont des loups féroces. » : Marcher par la foi seule ! Seul chemin de vérité : la liberté ! Cf. Le sermon de Martin Luther du 10 août 1522 : « Si donc je dois prendre garde et discerner la fausse doctrine, c’est à moi de juger et de dire : pape, toi ou les conciles, vous avez décidé ceci, mais il me reste à juger si je peux l’accepter ou pas. En effet, tu ne combattras pas pour moi et tu ne répondras pas pour moi lorsque je mourrai. C’est à moi qu’il incombera de savoir où j’en suis. Il faut que tu sois certain qu’il s’agit de la parole de Dieu, aussi certain que du fait que tu es encore en vie et encore plus certain, afin d’y fonder ta conscience. Même si tous les hommes s’y mettaient, voir les anges, pour trancher, si tu ne peux pas décider toi-même et juger, tu es perdu. Car tu ne dois pas fonder ton jugement sur le pape ou sur les autres ; tu dois être capable de dire de ton propre chef : ceci est juste, ceci est faux. Sinon, tu ne pourras pas subsister. Il s’agit de ta tête, de ta vie, c’est pourquoi Dieu doit te parler au cœur et te dire : voilà la parole de Dieu ; sinon c’est incertain. Il faut que tu en sois certain toi-même, en excluant [l’avis de] tous les autres hommes. »

Pense par toi-même pour te forger ta vision de l’avenir à la lumière de ta conscience éclairée par la Parole de celui-ci à qui même le vent et les flots obéissent ! Voilà le chemin de Vérité.

Ce Jésus entre les mains de qui je remets ma confiance pour discerner où tout cela nous conduit, n’est pas seulement un maître, un rabbi, un prophète comme tous les autres. Il est bien plus que ça. Mais ils n’osent encore le dire, ni même le penser : Ils sont face à Dieu lui-même et ils ne le savaient pas (comme Elie sur l’Horeb – 1 Rois 19,9-13 ; comme Jacob qui se bat contre Dieu au gué de Yabboq – Gn 32,23-33)

Il s’agit de retrouver ici une veine calviniste qui insiste sur l’absolue souveraineté de Dieu.

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