Bâtir sur la confiance

Lecture Biblique : Matthieu 25, 14-30

Prédication

Au commencement était la CONFIANCE. Confiance en soi, confiance en Dieu. La confiance comme un moteur intérieur qui permet d’entreprendre et de réussir. Il y a là une clé très importante qu’il faut essayer de comprendre. Pourquoi certains ont peur ? Peur des vaccins, peur des complots, peur de mourir et pourquoi d’autres non ? Nous ne fonctionnons pas tous de la même manière et comme le dit la parabole nous n’avons pas tous les mêmes capacités ni les mêmes dons. Les uns ont reçu plus que les autres, c’est un fait. Certains font naturellement confiance jusqu’à preuve du contraire, d’autres commencent par se méfier et dire “non” avant de – peut-être – changer d’avis dans un second temps.

Il semblerait que notre attitude face à la confiance dépende d’abord de notre culture de départ, du type de société ou de milieu social et familial dans lequel nous avons grandi : est-ce que j’ai grandi dans une société de l’abondance ou dans une société de la précarité ? Parce que cela forge notre manière de construire notre vie.

Dans les sociétés de l’abondance, il y a un droit à l’erreur. Je peux me tromper sans conséquence trop grave : je ne risque pas ma vie. J’ai donc la possibilité de prendre des risques, d’apprendre à avoir confiance en moi pour innover, inventer, sortir des sentiers battus, changer et essayer de faire mieux que mes parents. Dans ce milieu, réussir c’est donc monter dans l’ascenseur social pour obtenir une meilleure situation que celle de ses propres parents, et comme dans la parabole, investir le capital de départ pour le faire fructifier et si possible le doubler.

Mais dans les sociétés de la précarité, je n’ai pas le droit à l’erreur : si je me trompe, alors je risque de tout perdre et personne ne me donnera une seconde chance. C’est ma vie qui est en jeu. Et même plus que ça puisque je porte une lourde responsabilité pour moi mais aussi pour ma famille, mes frères et sœurs qui comptent sur ma réussite pour avoir une chance de pouvoir essayer à leur tour… Dans ce cas, il n’est pas question d’innover : il faut prendre exemple sur les anciens, sur les vieux. Pourquoi ? C’est tout simple : s’ils sont encore là, c’est qu’ils ont réussi. Et s’ils ont réussi c’est qu’ils ne se sont jamais trompés et que, dès lors, ils sont dignes de confiance. Il n’est pas question d’inventer mais bien de répéter, de mettre ses pas dans ceux des anciens pour assurer sa réussite à leur image…

Vous voyez, face à la confiance, on ne part pas tous du même endroit. Certains font confiance au statut de celui qui parle (si c’est le père, le pasteur, le Pape, le Premier Ministre). D’autres se réfèrent à la compétence (le conseil scientifique,  l’expert, le spécialiste), d’autres à leur communauté de départ (leurs compatriotes, les chrétiens font confiance aux chrétiens, les musulmans aux musulmans), d’autres se fient au charisme de leur leader, de leur chef, d’autres n’ont confiance que dans leurs proches, leur famille, leur clan… Et enfin, la plupart finalement n’écoutent qu’eux-mêmes et ne font confiance à personne d’autre.

Sur ce chemin à la découverte de la confiance, notre parabole des Talents vient éclairer les choses d’un œil neuf. Avec une question qui apparaît immédiatement à la lecture : qu’est-ce qui fait la différence entre les serviteurs ? Comment se fait-il que les deux premiers ont eu suffisamment confiance en eux pour investir et faire fructifier ce qu’ils ont reçu alors que le 3ème, pris de peur, va l’enterrer pour le cacher. Qu’est-ce qui construit donc la confiance des uns et la méfiance de l’autre ?

Ici, je voudrais attirer votre attention pour éviter un piège habituel qui peut fausser totalement notre interprétation. L’origine de cette erreur classique vient de la confusion qui naît autour du mot « talent ». Naturellement, on entend « talent » dans le sens de « capacité naturelle » obtenue à la naissance, comme un don (musicien, intello, sportif, manuel…), une sorte d’essence naturelle, d’identité profonde qui serait donnée au départ et qu’il nous appartiendrait d’utiliser à bon escient pour la faire fructifier.

Le problème est que cette lecture « essentialiste » (qui part de l’essence de la personne) apporte avec elle un fort sentiment d’injustice et de ressentiment : pourquoi cette différence dans le don ? Les uns reçoivent 5, les autres 2 et le 3ème un seul talent… Il y a de quoi susciter la jalousie n’est ce pas ? Chacun reçoit selon ses capacités, dit la parabole. Alors, est-ce que cela signifie que pour réussir dans la vie certains ont plus de capacités que d’autres ? Certains seraient faits naturellement pour être riches (et ils reçoivent beaucoup) et d’autres pour être pauvres (et ils reçoivent peu et même, le peu qu’ils ont leur sera retiré à la fin !)…

On voit tout de suite que cette manière de comprendre la parabole justifie l’idée détestable et profondément choquante qu’il y aurait une différence de capacité entre les humaines (par la couleur de la peau, par le sexe, par la classe sociale, par la naissance). Penser que les gens sont différents par nature dans leurs capacités constitue la source-même du racisme : les noirs courent vite et ont le rythme dans la peau, les blancs seraient intellectuellement supérieurs ce qui les rend aptes à la démocratie pour eux-mêmes et à diriger les autres races inférieures, les arabes seraient par essence voleurs et menteurs, les femmes plus douces et les hommes plus violents… La pensée essentialiste représente un danger majeur. Et ce n’est pas du tout ce que dit la Bible.

La confusion vient du mot « talent ». En fait, il faut bien comprendre que cette parabole ne parle pas du tout des dons naturels qui seraient donnés au départ par Dieu et qu’il faudrait faire fructifier pour être digne de confiance. Le Talent n’est pas un charisme personnel, c’est une unité de mesure de monnaie. En fait, il s’agit même de la plus grosse unité de mesure : un talent correspond à 16,82 gr d’or pur, 25,86 gr d’argent pur, 6000 journées de travail d’un ouvrier ou d’un mercenaire ! Bref, un talent, c’est une énorme somme d’argent, le salaire de toute une vie, 17 ans de travail pour une époque où l’espérance de vie est de 35 ans, la possibilité de vivre toute sa vie sans travailler. Voilà de quoi parle la parabole.

Quand le maître s’en va (sans que rien ne puisse prévoir qu’il va revenir un jour), il donne à chacun de ses esclaves la possibilité de vivre le restant de sa vie sans avoir à bosser. J’insiste bien sur ce terme : le maître donne (il livre dit le texte grec) sans dire s’il compte revenir un jour. Que vont-ils faire ?

En fait, le maître ne fait pas que de donner beaucoup d’argent. En leur faisant ce cadeau, en leur confiant ce capital de départ, il leur donne de facto une seconde chose tout aussi importante : une responsabilité, c’est-à-dire, une mission, un appel.

C’est ici que nous trouvons le cœur de notre réflexion « Qu’est-ce qu’une vie réussie ? » Pour avancer dans la réflexion, j’aimerais vous poser deux questions… Prenez le temps d’y réfléchir à tête reposée, je crois que cela en vaut la peine…

  1. Selon vous – et c’est une question très personnelle ­- à quel moment et à quelles conditions pensez-vous que vous aurez réussi votre vie ?
  2. Selon vous, dans cette réussite, quelle part appartient à Dieu et quelle part dépend de votre travail et de vos efforts ?

Tout le débat est là : quelle est ma part de travail à faire pour réussir ma vie ? La parabole des talents affirme qu’il y a en fait 2 possibilités, 2 attitudes différentes et qu’il faut choisir entre les deux…

Il y a les deux premiers serviteurs qui partent de ce que Dieu leur a donné au départ et qui assument leur part de responsabilité en donnant leur part de travail.

Et puis, il y a celui qui pense que le maître est dur et injuste… C’est étonnant ce que pense ce serviteur mais il dit ce qu’il a sur le cœur, il vide son sac. Si quelqu’un règle ses comptes, ce n’est pas le maître mais bien ce serviteur-là. Il accuse le maître de moissonner là où il n’a pas semé, de ramasser là où il n’a pas répandu. Bref, il accuse le maître de vouloir lui voler le fruit de son travail. En fait, dit-il, je n’ai aucune envie de travailler pour toi. Pour réussir ma vie, je veux travailler pour moi. Je suis un homme libre, je veux récolter le fruit de mon travail et je n’ai pas l’intention de travailler pour quelqu’un d’autre. Reprends ton bien. Et il lui rend le talent qu’il avait reçu.

Et quelle est la réponse du maître ? Il le prend au mot : Chiche ! Tu veux travailler pour toi ? Tu veux construire ta vie tout seul sans utiliser ce que je t’ai donné à mon départ ? D’accord. Tu es libre, tu fais tes choix : ce que tu as au départ, on te le reprend, on te l’enlève comme cela tu pourras dire à tout le monde que tu ne dois rien à personne, que tu t’es fait tout seul, que tu es un self-made man et que tu ne comptes que sur toi pour réussir ta vie. Vas-y, fais ta vie tout seul, bats-toi et tu verras de près les ténèbres du dehors, là sont les pleurs et les grincements de dents du monde réel, de la jungle du business et de la compétition.

Mais, dit le maître, tu peux aussi décider d’utiliser le capital de départ que j’ai placé entre tes mains ! De quoi je parle ? Mais tout simplement de ce que je t’ai donné : la vie, la grâce, la liberté des enfants de Dieu, la certitude de la résurrection, la foi, l’espérance, l’amour. Tout cela c’est ton capital de départ. Tu peux construire ta vie tout seul si tu le décides. Mais tu peux aussi construire ta vie à partir de ça et conjuguer tes efforts avec ce cadeau de départ que je t’ai fait, mettre tes pas dans ma volonté et bosser aussi fort que tu peux !

Je ne vais pas bosser à ta place, dit le Seigneur : je suis parti. Ce que je donne n’est pas une récompense offerte à ceux qui ont le plus mérité en mon absence, ceux qui auront fait le plus d’efforts, ceux qui auront bien obéi. Ce que je donne, dit Dieu, ce n’est pas un salaire donné pour un travail fourni ! Non, ce que je donne, je le donne au départ. Tu l’as déjà en toi, à ta disposition. Et je ne suis pas là pour te surveiller ou vérifier ce que tu fais ! A toi de faire tes choix. Tu peux t’en servir et tu peux le cacher dans un trou. Tu es libre. Et responsable ! Assume tes choix ! Ce que je te donne est un capital de départ qui t’appartient. Je n’en reprendrai rien. Remarquez que le maître n’a rien repris à celui qui a 10 talents, il lui a même rajouté à la fin la part que l’autre avait refusé d’utiliser ! Mieux même, tu vas réussir ta vie en doublant ce que je t’ai donné. Ce n’est pas Dieu qui va le doubler, c’est toi, ton travail, ton effort, ton engagement. Et voilà la liste des bénéfices que tu peux retirer de cette manière de construire ta vie : non seulement tu auras le double mais tu auras en plus la satisfaction d’avoir réussi ta vie, tu auras le fruit de la reconnaissance (Tu es un bon serviteur digne de confiance !), on te fera confiance (je te confierai de grandes responsabilités). On dira de toi que tu es « digne de confiance », quelqu’un de fiable parce que ton travail aura porté son propre fruit et que tu as tenu tes engagements, tu n’as pas fui tes responsabilités… Alors tu entreras dans la joie de ton maître et tu jouiras du bonheur de celui qui a réussi sa vie.

Finalement, le sens de cette parabole est assez simple à comprendre et l’alternative évidente : pour réussir sa vie à qui faire confiance ?

–       Il y a d’un côté les fainéants et les orgueilleux. Pour les uns, il suffit de s’asseoir, de fermer les yeux et d’ouvrir les mains en priant que Dieu fasse à notre place ce que nous n’avons pas le courage d’affronter. Pour les autres, il faut se construire tout seul sans dépendre de personne et ne compter que sur ses propres forces pour réussir et s’en sortir dans la jungle. Les deux doivent assumer leurs choix : ils arrivent nus et repartiront nus, avec les pleurs et les grincements de dents.

–       Et il y a de l’autre côté, la joie de vivre, comme un fruit de celui qui décide de bâtir sa vie sur le capital que Dieu lui a donné pour réussir, tout en travaillant sans relâche pour construire à partir de ce capital, sur le roc de ce que Dieu a donné.

Au fond, si je reprends ce que je disais au début de notre réflexion, nous pouvons comprendre que, par son don initial, Dieu fait en sorte que nous ne démarrions pas notre existence dans une société de la précarité qui bride toute capacité d’innovation, toute prise de risque, toute possibilité de faire du neuf. Par ce don initial qui peut combler une vie entière, Dieu choisit de placer notre vie dans une société de l’abondance (la surabondance de la grâce !) pour que nous puissions construire notre existence en ayant suffisamment confiance en soi pour inventer et créer. Seul celui qui construit sa vie sur la confiance peut participer à l’œuvre créatrice de Dieu. Voilà la vérité. Amen.

Un commentaire

  • On ne peut pas vivre sans un minimum de confiance, le système bancaire est basé sur la confiance.
    le crédit vient du terme créditor (je te crois je te confie mon argent!)
    La vie donnée par les parents est basé sur la confiance en une vie future d’un enfant en bonne santé.
    On entreprend des études paracerque qu’on pense pourvoir les réussir.
    On construit un couple pour mieux vivre à deux que tout seul!
    On se soigne en espérant guérir.
    L’argent est plus une mesure qu’une valeur !
    Le talant artistique est le don, le travail de ce don produit la virtuosité !
    Où est le droit à la fénéantise?

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