Après le tombeau vide du matin de Pâques, voici la prison vide

 

Dans la Bible, le livre des Actes des apôtres fait suite à l’évangile de Luc. Il est du même auteur. Après la mort et la résurrection de Jésus, il raconte la diffusion de l’Evangile de Jésus-Christ de Jérusalem jusqu’à Rome.

A Jérusalem, justement, les apôtres sont jalousés par les Saducéens, un groupe religieux lié au temple et aux partisans du roi Salomon. De nombreux grands prêtres en font partie. Ils sont membres du sanhédrin, l’autorité suprême du judaïsme et ils n’obéissent qu’à la Loi écrite.

Emprisonnés par les Sadducéens « remplis de jalousie », les apôtres sont délivrés par un ange du Seigneur qui leur ouvre les portes.
Cette porte reste ouverte pour l’ange et les apôtres. Elle reste fermée « soigneusement fermée » nous dit le texte – pour les grands prêtres et leurs gardiens. Mais la prison est vide, elle ne contient plus aucun corps. En revanche, c’est une parole qui a été libérée, et qui résonne maintenant au Temple, et qui court la ville.

Une parole qui ne circulait plus, prisonnière du corps des apôtres : mais la prison a été ouverte et la parole est libérée et les apôtres aussi !

La parole et les apôtres sont libérés et les autorités du Temple sont désemparées.

Cette parole leur échappe. Ils ne peuvent pas mettre la main dessus. Elle leur est étrangère, ils ne la comprennent pas. Eux, leur travail, leur ministère, c’est d’administrer des rites qui permettent aux gens de se laver de leurs péchés. Ce n’est pas de parler, ni d’ailleurs d’écouter.
Le sacrifice et le rite sont des objets religieux. Le rite, dont font partie les Saducéens, est un objet religieux. Il n’y a pas de paroles, seulement une mécanique.

Mais voilà qu’une parole a surgi, qui leur ôte le pain de la bouche et qui leur ôte le sacrifice des mains. Car cette parole annonce comme accompli ce précisément qu’il leur revenait à eux d’opérer.
La parole des apôtres, sortis de prison et revenus au temple enseigne le peuple. Cette parole annonce le pardon de Dieu par le Christ. Les Saducéens, eux, opéraient le pardon de Dieu par leurs sacrifices.

La parole des apôtres vient concurrencer les Saducéens, ces hommes de la religion, en leur enlevant toute raison d’être.

Frères et sœurs, pour bien comprendre l’hostilité des grands prêtres à l’égard de Jésus tout d’abord et des apôtres ensuite, il faut bien se figurer ceci : Jésus prend leur place ; sa présence, avant sa mort ou dans la parole des apôtres, sa présence leur enlève toute utilité à eux !

Il faudra un Pharisien, un des plus grands, un homme de la parole de Dieu, plus souple que les Saducéens dans l’interprétation de la loi.

Un docteur de la Loi, Gamaliel se lève et prend la parole (Actes 5 ; versets 33 à 39) :

33En les (Pierre et les apôtres) entendant,  ils (les membres du Conseil religieux) étaient exaspérés et auraient voulu les faire mourir. 34Mais un Pharisien, du nom de Gamaliel, docteur de la loi, estimé de tout le peuple, se leva dans le sanhédrin et donna l’ordre de faire sortir ces hommes un instant. 35Puis il leur dit : Vous, Israélites, prenez garde à ce que vous avez l’intention de faire à l’égard de ces hommes. 36Car il n’y a pas longtemps que se leva Theudas, qui se disait quelqu’un, et auquel se rallièrent environ quatre cents hommes ; il fut tué, et tous ceux qui lui obéissaient furent mis en déroute, et il n’en resta rien. 37Après lui, se leva Judas le Galiléen, à l’époque du recensement, et il entraîna du monde à sa suite : il périt aussi, et tous ceux qui lui obéissaient furent dispersés. 38Et maintenant, je vous le dis, ne vous occupez plus de ces hommes, et laissez-les aller. Si cette entreprise ou cette œuvre vient des hommes, 39elle se détruira ; mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez pas les détruire. Prenez garde de peur de vous trouver en guerre contre Dieu.

Frères et sœurs, cet homme, Gamaliel, comme les apôtres, comprend et explique que les hommes ne peuvent rien contre Dieu quand Dieu parle. Il explique aussi du coup que les hommes extérieurs à la parole ne peuvent pas savoir si c’est Dieu qui parle ! Il sait que c’est une parole qui est dite, mais il ne l’entend pas, il ne voit que des gens, et cela ne signifie rien pour lui. Il a raison : les gens ne signifient rien, les apôtres ne signifient rien.

Comment savoir, en voyant un chrétien, à quoi il renvoie ? Un chrétien serait-il plus beau, plus grand, plus fort ? Est-ce que, tel David, en le voyant on saurait que Dieu est avec lui ?

Frères et sœurs, les païens et les athées se retournent-ils sur votre passage pour se dire l’un à l’autre : « Regarde, il est beau, c’est un chrétien » ? … Ah, nous, nous aimerions bien. Tout serait si facile — ou bien si terrible !

Pierre y a cru. Et des gens se pressaient sur son chemin pour être touchés par son ombre ! On l’a mis en prison, et l’ange lui a commandé de parler, et pas de faire du cinéma, pas de faire autre chose… « Allez, tenez-vous dans le temple et dites au peuple toutes les paroles de cette Vie »

Alors, un chrétien, ça se voit, ça s’entend ?
Parfois, un chrétien, ça ne ressemble à rien.
Parfois, un chrétien, ça ne correspond pas à ce qu’il dit, à ce qu’il croit.
Parfois, un chrétien, ça tombe et ça a besoin de se mettre soi-même au bénéfice de la parole de pardon.
Une parole exigeante parce que d’abord confession du péché, parole de repentance et d’humilité. Et souvent, c’est plus facile à annoncer à d’autres qu’à recevoir pour soi. Normalement, un pasteur ou un prédicateur est bien placé pour le savoir, à son détriment !

Ainsi, sur moi-même, je ne puis rien savoir d’autre que mon propre péché. Gamaliel, lui aussi sait ne rien savoir. Il sait courir le risque « de [se] trouver en guerre contre Dieu ».

Mais alors, comment aller plus loin ? Comment continuer à avancer, en reconnaissant cet état de pécheur et avancer en témoin de pécheur pardonné ? Comment annoncer l’Evangile et convaincre ceux dont la route croise la mienne ?

Ça ne peut être ni mon corps, ni mes actes, ni la force de mes convictions ou quoi que ce soit qui vienne de moi qui va pouvoir évangéliser et convaincre les autres.

Et pourtant, il me faut le tenter : « Malheur à moi si je n’évangélise », dira Paul (1 Co 9, 16).

Le pire, c’est que même le nombre de mes propres disciples n’a pas de valeur ! Gamaliel le rappelle à ses pairs : Theudas, Judas le Galiléen, de nombreux hérétiques, de nombreux menteurs, ont eu de nombreux partisans, et tous ont pourtant disparu.

Et ce qui peut se dire du nombre peut aussi se dire de la durée, malgré l’argument du grand rabbin.
Comme le disaient nos Réformateurs, ce n’est pas l’ancienneté ou l’universalité d’une erreur qui en fera une vérité ! Ainsi, pour mes adversaires comme pour moi — je parle au regard de l’Evangile — le fait d’être écouté et suivi n’est en rien un critère de vérité.

Je ne puis être sûr d’être un bon témoin sous prétexte que les gens m’écoutent et sont heureux de le faire.

Frères et sœurs, qu’on se rassure : l’inverse n’est pas vrai non plus ! Le fait d’être seul et rejeté ne fait pas le martyr ! Car la seule chose qui est la vérité et qui fait de son héraut un témoin et un martyr, c’est la parole prononcée. N’en est-il pas ainsi de nos contrats, n’en est-il pas ainsi de nos mariages ?
Nous sommes engagés, et c’est toujours par une parole. Nos actes peuvent dire le contraire : cela nous révélera comme menteurs, adultères, ou tout ce que vous voulez, mais cela ne rendra pas fausse notre parole si elle ne l’était pas.

Et nous aurions beau être les plus vertueux, comme le prétendent tous les sectaires — et parfois ils le sont, vertueux — que ce soit en politique ou en religion, si notre parole est fausse elle est fausse.

C’est ce dont parle la parole qui est le critère, c’est son contenu qui est crucial !

La parole des apôtres est vraie, et doit être dite, et peut être entendue et reçue, parce qu’elle dit le pardon des péchés en Jésus-Christ, le salut de Dieu, de Jérusalem jusqu’à Rome. Cette parole est insupportable pour les Sadducéens, incompréhensible pour les Pharisiens. Elle est une ineptie pour la plupart de nos contemporains, de nos amis, peut-être des personnes que nous côtoyons tous les jours, dans nos familles.

Tant que la parole de la résurrection du Christ peut être assimilée à de la mythologie, elle peut encore être crue, sauf que ce n’est plus elle, on l’a changée !
Mais, dès que le tombeau vide devient la prison vide, dès que le ressuscité vient se mettre en travers de nos travers et nous offrir la main tendue de Dieu, alors tous protestent et trouvent des raisons.

– Il y a ceux qui justifient leur propre péché et qui quitteraient le culte dès le début s’ils y assistaient, parce que demander pardon leur est insupportable. Ceux-là sont légion, et lorsque nous bouchons nos oreilles à la parole que nous avons à dire, nous leur ressemblons terriblement.

– Et puis il y a ceux qui écouteraient si… S’ils avaient le temps, s’ils comprenaient tout, si on leur avait appris plus tôt… Si les chants étaient plus modernes, l’assemblée plus joyeuse, la demande de contribution financière moins pressante… Si le pasteur était ci, faisait ça, et si telle personne n’y était pas, etc… etc…

 

Frères et sœurs, les apôtres ont commencé à être de vrais apôtres quand ils ont abandonné toute envie de répondre à ceci, toute velléité d’être à la mode et de conformer leur discours à ce que les gens étaient censés attendre. Ils ont été écoutés : tant mieux. Ils ont été arrêtés : tant pis. Ils ont été fouettés et relâchés : qu’importe, c’est seulement la preuve de l’inconséquence de leurs adversaires.

Ce qui importe, c’est seulement le Nom, c’est-à-dire « Jésus glorifié » Les Juifs réservait ce titre à Dieu.

L’appliquer au Christ, sous la plume de Luc, c’est attester que Jésus-Christ est le Seigneur :

« Les apôtres se retirèrent de devant le sanhédrin, tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom du Seigneur »        Actes 5, 41

Ce qui importe, c’est de dire la parole de Jésus-Christ Seigneur et Sauveur. « Et chaque jour, au temple et dans les maisons, ils ne cessaient d’enseigner et d’annoncer la bonne nouvelle du Christ Jésus » Parce que ce qui importe dans la vie des gens, c’est d’entendre cette parole et c’est d’en vivre.

Les gens souffrent et meurent dans leur péché, dans leur prison. Même quand la porte est ouverte, ils y restent, ils ne sortent pas. Le monde est incapable de libérer qui que ce soit de ses peurs, de ses chutes.
Le monde est seulement capable de courir après la puissance, l’argent, et toutes les vanités qui y sont associées.
Le monde est seulement capable de souffrir et de faire souffrir, et de trouver des boucs émissaires.
Le monde est seulement capable de rêver de grandeur et de bons sentiments.

Mais le monde ne peut pas proférer une parole qui va à l’encontre de tous ses intérêts. Il ne peut pas dire que le tombeau était vide, et que le Nom au-dessus de tous les noms a été donné à un prophète raté de Galilée, abandonné des siens, ignoré de l’Histoire, simple jouet de quelques minutes aux mains des tout petits puissants de son temps.

Le monde ne peut pas dire Jésus-Christ. Mais Jésus-Christ s’en est choisi quelques-uns dans ce monde qu’il aime, pour dire sa parole. Ces quelques-uns, c’est nous, avec quelques autres, c’est vrai …

 

Frères et sœurs, après les apôtres et presque 2000 ans d’histoire de l’Eglise, à nous de jouer ! Nous avons reçu des apôtres un enseignement, la Bible, et comme eux nous avons hérité de Dieu une parole que nous ne pouvons pas taire, la parole de la foi. Cette parole vaut plus que tout l’or du monde, mais pour cela elle doit être dite.

Vous en sentez-vous dignes ?

Vous en sentez-vous capables ?

C’est sans importance !

La porte est ouverte, et un ange vous envoie. Allez ! … recevez, vivez de l’Evangile et à votre tour dites-leur que le monde et ses valeurs de mort n’ont pas le dernier mot. Le premier et le dernier mot sont dans la bouche de Dieu, Christ mort et ressuscité, pour le salut de tous.

Qu’il en soit ainsi.
L’Esprit saint nous accompagne.

Amen !

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