À cette lumière qui brille dans les ténèbres…

Frères et sœurs c’est avec l’émotion de constater l’ampleur mondiale des ténèbres et notre impuissance tragique que je vous donne ce matin une prédication sur un texte qui est aussi étrange à nos oreilles que profond pour notre cœur.

Une fois n’est pas coutume nous méditons ce matin un texte de l’ancien testament, un texte tiré d’un des plus beaux livres de notre bible, le livre d’Esaïe. Ce livre, nous le connaissons de réputation, nous connaissons assez bien quelques textes, ou pas d’ailleurs, mais si nous en connaissons ce sont peut être les célèbres chants du serviteur souffrant, qui nous préfigurent la passion de Jésus, ou bien le célèbre arbre de Jessé, annonçant que de la famille de David naîtra un sauveur. Ainsi que plein d’autres prophéties qui pour la tradition chrétienne annonceront la venue de Jésus Messie. J’en profite pour vous partager cette pensée, en étudiant et en préparant ce texte je me faisais la réflexion que je ne le lisais pas assez. Et à reparcourir ces pages je me rendais compte de leur grande beauté, ainsi je vous encourage humblement à peut être reparcourir ce chef d’œuvre et pour rester dans le thème peut être la section qui nous intéresse, celui qu’on appelle le deutéro-Esaïe, le deuxième Esaïe, ce sont les chapitres 40 à 55.

Le texte de ce matin n’est pas vraiment un texte prophétique comme nous l’entendons, c’est un texte particulier. Particulier puisqu’à la première lecture il n’annonce pas Jésus comme messie, d’ailleurs le messie n’est pas vraiment à venir puisqu’il est bien là et ce messie et bien c’est Cyrus, Cyrus un roi perse, païen, non juif, d’une ethnie et d’une culture complètement étrangère aux juifs d’alors. Et ce Cyrus il marche main dans la main avec le Seigneur et celui-ci l’appelle : Mon Messie. Comment pouvons nous comprendre cela, comment pouvons nous comprendre un choix si étrange du Seigneur ?

Nous verrons qu’au cœur de cette énigme se déroule une histoire fondamentale qui nous touche directement, au cœur de nos temps troublés et qui viendra nous rapprocher de notre Seigneur dans l’assurance de la foi.

Mais avant nous prions.

Dieu tout-puissant, nous te supplions de nous accorder ton Saint-Esprit afin que, par la prédication de ta Parole, il éveille nos cœurs et nous conduise dans la vérité, qu’il nous instruise, nous éclaire, nous console, et nous sanctifie pour la vie éternelle, par Jésus-Christ, ton Fils, notre Seigneur.

1- Ainsi parle le Seigneur à son messie.

Fort de cette accroche qui nous déstabilise nous sommes en droit de nous demander : qu’est ce qu’un messie ? Si tout le monde commence à devenir messie qu’est ce que cela pourrait dire et qu’est ce que notre Jésus, le Christ, messie, a alors de bien particulier comparé aux autres messies de l’histoire sainte ?

Pour revenir aux fondamentaux, ça ne fait jamais de mal, Messie est un terme hébreu. Messie ça veut dire oint, embaumé, enduit d’huile. Ça nous fait un peu bizarre quand on se l’imagine maintenant. C’est un rite qui est attesté au moyen orient, particulièrement dans les anciens rituels du judaïsme et des cultures voisines comme un rituel qui mettait à part. Nous avons d’ailleurs constatés dans la petite étude biblique, fort sympathique au demeurant, que la Bible en français courant traduisait ce verset par « Voici ce que le Seigneur déclare à Cyrus, l’homme qu’il a consacré », ce qui est bien pratique d’ailleurs parce qu’explicitement cela permet d’établir une réelle différence avec Jésus, nous constaterons donc que les traducteurs de la Bible en français courant n’ont pas traduit Jésus-Christ par Jésus le consacré, ce qui aurait été plus cohérent. Passons, je n’ai pas l’envie de critiquer la traduction d’une bible, c’est une entreprise assez difficile et j’en serais bien incapable, toutes ont leur mérite. Ce que je veux dire c’est qu’ici il y a un réel malaise à admettre que Dieu, selon les termes de la Bible, a à priori pareillement consacré un païen, Cyrus, qui ne devait pas être très intéressé par le Dieu des hébreux et Jésus, notre Seigneur. La voilà l’énigme.

L’occasion se présente, je ne résiste pas à l’envie de vous citer un peu de Calvin, oui une fois n’est pas coutume, lisons ce que le réformateur écrit dans son très beau mais aussi très massif commentaire sur le prophète Esaïe : « Toutefois, on pourrait trouver étrange, qu’il appelle Cyrus son oint, vu que ce titre
appartenait seulement aux rois d’Israël et de Juda, d’autant qu’ils représentaient la personne du Christ et pourtant, à parler proprement il n’y a qu’un oint du Seigneur. »

Alors être Messie, qu’est ce que ça implique vraiment. Nous constatons quand nous parcourons la Bible quelques éléments assez simple. Premièrement c’est toujours Dieu qui oint. C’est toujours Dieu qui oint mais de manières différentes et des personnes très différentes dans des situations aussi différentes. Il y a les prophètes qui peuvent être oints, il y a les rois qui sont oints, pensons à la grande lignée davidique, la lignée royale par excellence, des autels sont oints, des ustensiles pour le service
du temple etc…
Et là il y a un roi étranger, Cyrus. Ce roi étranger qui est il ?

L’orient, le proche et le moyen sont des terres où les puissances passent et se succèdent à un rythme assez soutenu. Au milieu d’eux les minorités qui sont brinquebalés un peu partout. Notre peuple hébreu est de ces minorités qui sont emportés bien souvent par les ressacs des grandes puissances.
Première invasion par les assyriens. Une partie des élites judéennes sont déportées à Babylone. Les assyriens sont écrasés par les Babyloniens; Les babyloniens soumettent les hébreux, une partie du roi hébreu en place tente un rapprochement avec l’Égypte, malheur. Jérusalem et son temple sont rasés et là c’est le grand exil. Une grande partie des élites, des artisans qualifiés, des lettrés sont envoyés à Babylone. On crève les yeux au roi et on le massacre. Cet événement est le grand traumatisme de notre ancien testament. C’est d’ailleurs à ce moment là où on commence à penser rétrospectivement nos mythes fondateurs, nos histoires, notre théologie et cette grande question, cette question incessante dans la tête des exilés : « Qu’avons nous donc bien pu faire pour mériter ça. » L’exil, la désolation, la mort, le malheur, etc. Le temps passe, la nostalgie s’installe, le temps d’un âge d’or a remplacé le souvenir douloureux et on commence à s’établir en pays d’exil. Mais qu’est-ce qui arrive ? Une vague, de l’est, une vague inarrêtable, les perses. Les perses, venu d’Iran, qui vont déferler et établir un des plus grands royaumes du monde qui s’étendra de l’Indus jusqu’après les bords du Nil. L’envahisseur Babylonien est annihilé par la puissance perse, et un de ses rois, le grand Cyrus fondateur de l’empire Perse sera d’une grande tolérance pour la toute petite diaspora juive et accordera le retour dans sa terre et accordera à ses exilés le droit de rebâtir un temple et de reprendre librement son culte. Voilà ce
qu’une partie des rédacteurs de notre ancien testament ont vécu, à votre avis comment devaient ils percevoir Cyrus ? Bien sûr comme le grand libérateur, l’assistant, le lieutenant de Dieu pour le rétablissement de son culte juste, le choisi, le consacré, le messie.

Mais qu’est ce que ces considérations pourraient nous apporter à nous, dans notre vie croyante ? Aujourd’hui au temple et les jours à suivre de notre semaine ? Nous y reviendrons plus tard.

Voilà la grande histoire qui s’est passée au dessus de la tête des rédacteurs du livre d’Esaïe. Cyrus pour ces exilés est l’archétype de la puissance libératrice, et comment nous le chantent-ils : le Seigneur, le Dieu unique tient cet homme par la main droite. Intéressons nous maintenant à ce Dieu qui pousse et qui à accompagné Cyrus pour la libération de son peuple.

II- « C’est moi qui suis le Seigneur »
Ce texte nous dévoile alors un portrait hors du commun de notre Dieu, en effet, le premier théologien, le Seigneur lui même parle à propos de lui même et se dévoile, et que dit il alors à son propos ?

Il est unique et exclusif : « en dehors de moi nul n’est Dieu » et non seulement c’est le seul mais en plus tout est créé par lui, et ce tout comment est il désigné : « je forme la lumière et je crée les ténèbres, je fais le bonheur et je crée le malheur : c’est moi le Seigneur qui fais tout cela. »

Est-ce que c’est en ce Dieu que nous mettons notre confiance ? En vérité frères et sœurs si on nous demande : quel est ton Dieu, serions nous à même de répondre : celui qui créé la lumière et les ténèbres, le bonheur et aussi le malheur ? Il en faut du courage pour répondre ça. Il est bien ancré dans nos esprits et dans les glissements de nos théologies modernes que Dieu est quelqu’un ami de la lumière, ami du bonheur et étranger du mal.

Non Dieu n’est pas étranger du mal. Dieu, en accord avec ce passage de l’Écriture, Dieu en accord avec l’Écriture n’est pas le Dieu de notre confort à nous ici et pour le malheur de eux la bas ce n’est pas un autre, c’est lui, le même Dieu. Le Dieu que Jésus en son agonie sur la croix rejoint en rendant l’Esprit, le Dieu que Job attend dans sa détresse, c’est ce Dieu que nous pouvons dire universel, celui qui révèle le caché, celui qui en même temps qu’en gloire sur le mont Sinaï peut révéler « les richesses dissimulées dans des cachettes. » En voilà une certaine notion de l’universalité, ce Dieu qui une fois n’est pas coutume et ce ne sera pas la première fois en Jésus-Christ, fait voler en éclat nos catégories.

Voilà succinctement comment se révèle ce Dieu du texte d’Esaïe, allons maintenant plus en avant dans son agir.

Voilà un Dieu qui libère, il libère et précède. À la manière d’un chef de guerre, d’un grand assistant royal, rouleau compresseur : abaisser les nations, déboucler la ceinture des rois, mais bien plus important :
« Les battants de bronze je les briserai, les verrous de fer je les fracasserai. » Cette puissance divine est libératrice et met un point d’honneur à détruire ce qui entrave. Oui nous revivons ici une deuxième sortie d’Égypte, un deuxième exode inversé avec le Seigneur en tête, comme une nuée guidant dans l’errance au désert.

Un exode n’a pas suffit, il en fallait un deuxième pour retourner sur la terre promise. Ainsi il n’y a pas de chance ultime à saisir, il n’y en a pas comme il n’y a pas de vie perdue et de faute sans pardon. La miséricorde survient de façon bien plus nombreuse que la faute. Et la lumière brillera sur les ténèbres bien plus forte quand nous serons nous mêmes en proie au désespoir. Dans le malheur où le genre humain est souvent plongé il y a des issues même si pour nous elles sont bien souvent difficiles à saisir. Mais pour nous en sortir nous n’y arriverons pas de nous même, il faut une aide et une aide de taille, le compagnonnage de notre Dieu. Et cette aide ce n’est pas un coup de pouce, c’est une partie intégrante de l’identité de Dieu : dans notre texte Dieu aide, et à la fin de chaque aide rapportée voilà ce qui est écrit : « ainsi tu sauras que c’est moi le Seigneur. » Et à celles et ceux qui disent que c’est trop facile d’invoquer Dieu dans la détresse, que Dieu est bien pratique quand on a besoin de lui, et bien ce secours c’est justement le Seigneur, ce n’est pas un plus de sa personne d’aider, Dieu est aide. Ce ne sont pas les puissances du mal qui sont souveraines des ténèbres, non Dieu aussi est souverain des ténèbres, il est souverain des ténèbres car rien n’échappe à son contrôle et il est à nos côtés dans les traversées de malheur, il ne se bouche pas les oreilles et n’est pas en retrait attendant de pouvoir revenir quand la situation se calmera. Ce Dieu est notre Dieu à notre proximité la plus immédiate, ce Dieu est pour nous : « ainsi tu sauras que c’est moi le Seigneur, celui qui t’appelle par ton nom. »

III- « celui qui t’appelle par ton nom »

Dieu est un, nous l’avons vu, un dans la collaboration avec l’homme, en particulier d’Homme à Dieu. Le fait d’être messie et bien c’est ça sa nature, c’est ça un messie : un face à face et une collaboration. Comme à l’image de Jésus, cette union dans le fait que dans notre relation personnelle à Dieu nous sommes oint et que la relation vivante, la foi est vécue et prouvée dans cette synergie. Dieu et Cyrus ont intimement collaboré et cette collaboration intime s’est manifestée dans la libération d’un peuple et le retour en sa terre. Pour notre Seigneur Jésus-Christ, son activité fut de nous donner la foi en nous révélant le Père et en nous justifiant, nous libérant et justifiant par grâce. Voilà les activités des messies. Nous sommes nous aussi appelés, individuellement par Dieu dans cette vocation messianique. Ça ne concerne pas seulement quelques personnages figés de l’Écriture sainte, non, nous sommes les messies d’aujourd’hui et de demain, même si ça fait bizarre de l’entendre je suis d’accord. Et pourquoi cela ?

Lisons chez un théologien : « Qui fait preuve de miséricorde exerce le droit souverain de Dieu. » Le messie, ce roi divin consacré comme collaborateur de Dieu, c’est nous désigné par Jésus tout le long de sa vie. Lui ne s’est pas révélé en tant que messie, dans le secret de leur cœur ses contemporains l’ont reconnu.

Nous sommes appelés nommément par Dieu, il nous connaît. Il nous tient par la main droite et marche avec nous en amis, des cachettes aux lieux découverts, de lumière en lumière même s’il faut passer par les ténèbres, le voilà l’agir messianique et cela nous concerne.

Alors souvenons nous de ce Dieu qui tient son messie par la main droite et qui brise les portails et qui brise les verrous, souvenons nous de ce Dieu qui tient par la main droite son messie lui promettant les trésors cachés et souvenons nous de ce messie qui sur une colline dit un jour à ses disciples ces paroles en or :

« Heureux les doux : ils auront la terre en partage. Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés. Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu. »

Amen.

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *