« 8 jours après »

Thomas, celui qui a douté. C’est ainsi que l’évangile de Jean nous le présente faisant de ce disciple le « type » même du sceptique, celui qui a besoin de « voir » pour « croire » ; non seulement celui qui demande à « voir », mais encore à « toucher », l’exemple qui entre en contradiction avec la Béatitude prononcée par le Christ quelques versets après : « bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru ».

Dans cette Béatitude, il en va évidemment des communautés contemporaines de la rédaction de l’évangile et qui sont donc déjà éloignés dans le temps du Jésus historique, mais il en va aussi de chacun d’entre nous aujourd’hui et donc de toute l’Église dont la foi ne pourra s’appuyer sur des preuves historiques.

Mais s’il y avait des preuves, pourrait-on encore parler de foi ? La foi n’est-ce pas accepter avec confiance là où rien n’est moins sûr. La théologie n’est-elle pas la science qui s’occupe de ce qui est moins sûr que de ce qui est certain ?

Bien entendu, il ne nous est pas demandé de croire à l’aveuglette, sans penser et sans mettre en œuvre toutes nos facultés de raisonnement. ET c’est pourquoi cette nécessité de penser la foi, de la structurer, l’Évangile de Jean en tient déjà compte et c’est peut-être même l’objectif de notre passage.

Reprenons notre récit.

Première scène

Les disciples sont rassemblés dans une maison fermée. Partagés entre crainte des autorités et sentiment d’expectative devant le fait que Jésus, le Seigneur, est bel et bien devant eux et que celui qui est là au milieu de la communauté est le crucifié.

Il y a dans cette scène une immédiateté et une évidence qui les conduisent à reconnaître le Seigneur. Tout est donné et en même temps tout est à lire.

Les disciples adhèrent sans questionnement.

Deuxième scène

C’est l’envoi après une nouvelle salutation.

Et l’envoi des disciples se calque sur l’envoi de Jésus par le Père. C’est parce que Dieu s’est fait homme en Jésus Christ, c’est parce qu’il a été crucifié et qu’il est présent parmi nous qu’il existe désormais un nouveau type d’envoi des hommes vers les hommes, une nouvelle mission à accomplir dans l’humanité ; elle ne s’accomplit pas par la force des hommes envoyés, mais elle naît dans la Présence créatrice du ressuscité. Et cette Présence, c’est l’Esprit Saint comme puissance de vie.

Jésus souffle sur eux ! Comme Dieu a soufflé sur l’homme pour lui donner la vie. Il s’agit d’une nouvelle vie donnée, d’un nouveau souffle au soir de la résurrection. D’un nouveau commencement.

Ce commencement, ce n’est pas seulement le don de la vie mais l’annonce du Pardon. Pardon inscrit dans les plaies du crucifié et donné comme objet premier de la mission ; car c’est du Pardon que jaillit la vie et c’est du pardon que jaillit la foi.

Bien sûr, il y a ce verset énigmatique qui parle du pouvoir de remise des péchés. Pouvoir accordé aux apôtres.

Calvin, à ce sujet : « Jésus n’ordonne point (sic) des confesseurs qui examinent les péchés et fautes en barbotant à l’oreille, mais des annonciateurs de son Évangile qui fassent retentir leur voix, qui scellent dans les fidèles la Grâce de la purification acquise par Jésus Christ ».

Il ne s’agit donc pas d’une absolution ou d’une condamnation magique liée à l’aveu des fautes, mais il s’agit d’une Parole qui anticipe, qui annonce et qu’il s’agit d’accueillir.

Et Calvin ajoute : « Quiconque entend la voix de l’Évangile, s’il ne reçoit et n’embrasse pas la rémission des péchés qui est promise et offerte, est coupable de damnation éternelle ».

Sans doute, ne dirions-nous pas les choses de la même manière aujourd’hui, mais l’idée essentielle est que le Christ n’est pas venu pour juger les hommes mais que ce sont les hommes qui se jugent eux-mêmes en refusant la Parole de vie et de Pardon qui leur est proposée.

Comment en effet serions-nous pardonnés si nous refusions de signer l’accusé de réception de ce Pardon ?

Troisième scène, vv 24-25

« Thomas n’était pas avec eux lorsque Jésus vint » et il reste sceptique à la parole des ces compagnons qui attestent avoir vu le Seigneur (v 25b : « Si je ne vois pas (…), je ne croirai point »).

Allons à présent plus loin dans notre lecture avec le deuxième temps qui se tient 8 jours après.

Lire les versets 26 à 31 (Jean 20)

Au centre de cette réunion, il y a Thomas et son incrédulité.

Qu’en est-il de ce doute ?

Ce n’est pas un refus. Non, ce doute se présente à la fois comme un lieu de liberté pour l’homme et comme celui de son erreur. Et cette erreur ne peut-être déjouée que par la Grâce de Dieu et par la décision de l’homme de répondre à cette Grâce. L’erreur, c’est de refuser la confiance pour acquérir la certitude. L’erreur, c’est de confondre ce qui est de l’ordre de la foi et ce qui est de l’ordre du savoir.

Nous croyons que Jésus est le Seigneur, nous l’affirmons, mais nous ne le savons pas de manière scientifique et rationnelle.

Notre foi est sans preuves, ce qui ne signifie pas qu’elle soit sans raison, sans questions ni sans intelligence ; mais elle est avant tout réponse à un appel et acte de confiance.

D’ailleurs Thomas ne doute pas du Seigneur, il doute de sa présence au milieu des disciples en tant que Celui-ci est le crucifié.

« Regarde et touche », dit Jésus. Pourquoi cette concession à la faiblesse humaine ? C’est peut-être la première manifestation du Pardon. Le premier pardon accordé, c’est celui de notre doute et de notre incrédulité. Car c’est là que tout se joue.

C’est là que tout commence. L’être humain ne peut devenir un homme ou une femme de foi que parce que Dieu lui pardonne son doute, son manque de confiance.

C’est le premier article de la confession du péché : « Seigneur, viens au secours de mon incrédulité ». Et le travail de Dieu en nous, de Jésus Christ présent parmi nous, de l’Esprit qui nous accompagne, c’est ce secours de première urgence.

Ce secours qui s’opère dans sa Parole. Il nous parle (comme il a parlé à Marie Madeleine qui l’a reconnu) pour que nous croyions en Lui et pour que, croyant en Lui, nous soyons sauvés et recevions la vie.

Conclusion

De notre lecture, retenons 2 choses alors.

D’abord le doute en ce qu’il est le lieu premier de notre aveu devant Dieu. L’aveu de notre difficulté à croire, de nos résistances, de tous nos « oui, mais ». C’est dans ce doute que nous nous plaçons devant Dieu.

Deuxième chose : l’envoi.

Dieu nous envoie dans le monde pour témoigner de son Pardon. Pour le faire, nous avons l’Esprit qui nous accompagne. Bien curieuse personne. Dieu est Dieu, Jésus est Jésus, mais l’Esprit ? Qui est-il ? On le prie, on l’accueille, on le remercie. Il est peut-être ce mouvement, ce geste de Dieu en nous. Respiration de Dieu, souffle qui porte l’homme et l’anime.

Bon esprit, Saint Esprit.

Visage caché mais souriant de Dieu…

Amen !

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