Samuel m’ayant indiqué que c’était aujourd’hui un culte où les familles sont plus particulièrement attendues, et comme moi-même j’emmène 10 jeunes, j’ai pensé qu’il serait bon de partager avec vous un récit biblique plutôt léger, mignon, une belle histoire à entendre. Je voulais un texte qui invite au rêve, un texte de prince et de princesse ! C’est pourquoi je partage avec vous, aujourd’hui ce petit récit
Juges 1/11-15
Tout y est le père, la princesse, l’épreuve presque insurmontable et le preux chevalier prêt à tout pour les yeux de la belle ! pas mal non ?
Ce père, un homme apparemment influent, un décideur capable de donner avec autorité une terre ou une autre, capable d’organiser et de guider un peuple ou du moins des batailles, possède donc une fille. Est-elle unique, on ne le sait. par contre tout laisse à supposer qu’elle est belle ou en tout cas désirable. En effet elle se prénomme Aksa. Or Aksa est un prénom composé à partir d’une racine hébraïque qui signifie bracelet de cheville. Vous savez ces petits bracelets qui scintillent au moindre mouvement, qui tintinnabulent joyeusement à chaque pas. Lls attirent yeux et oreilles dans un mouvement de tendresse, ils dévoilent et soulignent la délicatesse d’une cheville et surtout, ils manifestent la présence d’un être agréable.
Cette jeune femme représente donc quelque chose de désirable, une beauté scintillante peut être, une personnalité délicate et joyeuse comme un grelot. Elle représente aussi, sans doute, une alliance intéressante-genre assurance vie pour gendre potentiel en détresse… Quoiqu’il en soit, elle représente une récompense qui vaut même La peine de mettre sa vie en péril, et pas seulement par ce qu’elle se prénomme Aksa !
Aksa, unique ou non, belle ou modérément, mais joyeuse et scintillante, représente un challenge qui vaut La peine ď être relevé. Se présente donc un homme. Et pas n’importe lequel. Othniel, cousin de la belle, sage et juste puisqu’il deviendra le premier juge. Peut-être pas trop trop vieux puisqu’il est Le fils du frère cadet du père de la belle-vous me suivez toujours ? Othniel est donc Le candidat favori de tous ceux qui aiment les contes qui finissent bien !
ll a tout pour plaire, et manifestement il est probablement fort, et sinon au moins intelligent, perspicace et stratégique puisqu’il est capable de vaincre une ville.
Que demander de plus ?!
Nous qui avons ľ habitude avec Anderson et Grimm que certains contes ne finissent pas toujours bien (ou tout juste pour celui dont le comportement est d’une morale exemplairement ennuyeuse), nous pourrions donc, avec La saveur de L’enfance, nous réjouir de cette histoire. L’épreuve est surmontée, le couple est réuni, quant au père il ne peut être qu’heureux : La ville est conquise et sa fille est casée !
Mais si cette histoire semble si bien finir-quoique nous ne sommes pas encore arrivés à la fin, il me semble qu’en fait elle commence plutôt bien mal. Sans vouloir faire une lecture féministe de ce récit, je ne suis pas sûre de le trouver particulièrement valorisant pour la jeune femme. Comme la vaste plupart des contes avec princesse ď ailleurs….
Certes, le père doit motiver ses troupes dans un contexte où la conquête s’avère beaucoup plus difficile que prévue, où Josué n’est plus et Juda délègue. Certes, le prétendant est tout ce qu’il y a de mieux, mais reste qu’Aksa n’a pas beaucoup voix au chapitre dans ces trois premiers versets. A L’image de son prénom, elle ressemble plus à un ornement qu’autre chose, un truc joli dans une maison et qui plus est capable de faire Le thé.
Ce qu’elle croit, ce qu’elle espère, ce qu’elle veut, ce n’est pas le problème du père. Qu’elle L’aime ou qu’elle ne L’aime pas, ce n’est pas le problème du prétendant. Dès le début et par son propre prénom elle est vouée à n’être que « accessoire de décoration », un objet de transaction, objet de tentation, dont L’intérêt est réduit au fin tintement d’une cheville. Aksa n’est autre qu’une récompense, un faire-valoir, un trophée à placer quelque part. Et finalement, de ła même façon que le valeureux et preux chevalier s’empare de la ville, il s’empare de la fille. Or, il faut une certaine violence pour prendre possession d’une ville…
Sympa non ? Certes nous sommes quelques 1200 ou 1400 ans avant Jésus Christ époque-il est vrai-pas tellement connue pour la reconnaissance des femmes en tant qu’individus à part entière, leur statut et leurs droits. Mais quand même, transformer L’humain en moyen de transaction, ça passe pas. Et constater que nous n’avons finalement pas tellement évolué en 3000 ans n’est pas non plus très valorisant.
Hommes, femmes, enfants, de quelques couleurs, religions ou ethnies que ce soient, il y en a toujours un qui trouve moyen d’utiliser autrui pour parvenir à ses fins. A croire qu’il est plus facile de faire de ľ autre un objet, ne serait-ce qu’un objet de désir, que de Le recevoir comme sujet.
Mais heureusement, malgré les contes si jolis qui, parfois, parviennent presque à enrober l’horreur par des mots apaisants et romantiques-autre forme de banalisation du mal ?-il y en a toujours pour se révolter de ce genre de pratique.
D’ailleurs, l’auteur même de notre texte fait partie de ceux-Là. En ces 5 versets qui résument toute L’existence de cette jeune femme, il la fait glisser de ce statut d’objet à celui de sujet. li lui donne La possibilité d’être, et induit subrepticement mais fermement à tout lecteur et lectrice de la bible, que nul n’est conditionné à être ce que d’autres veulent qu’ils soient.
Qu’il y a toujours possibilité d’être soi-même, ď être sujet, d’être vis-à-vis. Ainsi, de potiche de service, Aksa ne se révèle pas moins remplie ď intelligence et d’idée ! De son rôle d’objet, elle devient sujet. De passive elle devient active. Sujet de parole, sujet de joie, sujet de subtilité. Et ce pas n’importe comment. Dans ces deux derniers versets, elle devient sujet de verbes. Le texte nous le rapporte : elle incita, elle descendit, elle dit…
Or de ces trois verbes, deux d’entre eux sont généralement connotés de façon très négative. En effet, c’est Jézabel et Satan qui incitent, séduisent et manipulent, c’est Yaël qui descend le pieux dans la tempe de son ennemi. Lci Aksa incite, Aksa descend.
Peut-être ces mots violents ne sont qu’un écho à la violence dont elle était le sujet au début du texte. Peut-être faut-il faire preuve ď une certaine violence pour entrer dans la vie. Quoiqu’il en soit, de ces verbes si négativement connotés, rien de mauvais n’en sort et c’est une première. Au contraire même, cela produit de la relation entre une femme et son mari, cela produit de la relation entre un père et sa fille, où chaque fois la parole est prononcée, où chaque fois la parole est accueillie.
Est-ce à dire que de technique a priori mauvaise, du bien peu en sortir ? Est-ce à dire qu’une manipulation bien intentionnée est possible ? Décidément ce petit texte pourtant composé que de 5 versets n’est pas si simple et La question qui vient naturellement est de savoir quelle (s) conclusion (s) en tirer ?
Comme nous sommes en weekend, soit donc dans un temps de détente, je ne résiste pas à l’envie de vous faire faire un petit « question pour un champion » A la question quelles conclusion donner de ce texte vous répondez
Réponse a) L’habit de ne fait pas le moine, car sous les trait joyeux et scintillants de la jeune femme, se cache une personnalité égale à celle de son époux,
Réponse b) tel est pris celui qui croyait prendre. Le père qui pensait faire une pierre deux coups, se fait finalement « avoir » par Le jeune couple,
Réponse c) La fin justifie les moyens, le père utilise la fille en appât pour arriver à son but, la fille accepte le projet du père pour parvenir au sien…
Alors ?
Pour tout vous dire, j’ai finalement choisi la réponse d) Fatalisme et déterminisme ne sont pas conditions de L’existence.
Réponse qui me dit, là où tu es, vit ta vie. Refuse tout déterminisme, tout fatalisme. Entre dans la vie, choisis-Là, par ta personnalité, par ta parole, par ton ingéniosité, par ta joie ou ta beauté, par ton sens de la justice ou par ta naïveté, vis ta vie aujourd’hui et chaque jour qui vient.
Oui, il arrive un moment dans L’existence de chacun où il ne s’agit plus de se laisser porter, il ne s’agit plus ď accepter les choses comme elles viennent, se laisser faire et penser que demain sera mieux. ll arrive un moment dans la vie où il faut prendre sa place, ne pas avoir peur de prononcer une parole, d’avoir un avis, de devenir un vis-à-vis. Est-ce la naissance de la conscience, les prémices de la liberté ? nous verrons peut être cela cet après-midi.
Alors certes, nous ne possédons pas L’existence, mais que Le temps où elle nous anime soit un temps habité et non subit, que le temps où elle nous traverse soit un temps où La parole transforme les relations, transforme le regard, et apporte du lien là où nous oublions d’en mettre. Que le temps où elle nous est donné, nous puissions doucement mais fermement refuser que tout soit dicté et que nous n’y pouvons rien.
Réponse d) Fatalisme et déterminisme ne sont pas conditions de l’existence. Que notre vie, soit marquée toujours et encore par la joie et La parole-même maladroite, afin qu’autour de nous naisse la confiance, L’espérance et ľ amour.
Amen
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