Par quoi sommes-nous possédés ?

Nous poursuivons la lecture de l’Evangile de Marc qui dès son premier verset posait le cadre : « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu ».

A peine baptisé par Jean le Baptiste, manière de faire le lien avec l’ancienne alliance, le voici, accompagné de ses premiers disciples, de simples pêcheurs du lac de Galilée. Il se rend dans la synagogue de Capharnaüm pour enseigner et guérir, et annoncer la Bonne Nouvelle.

Tout au long de son ministère, Jésus enseigne et guérit, comme bien d’autres pouvaient le faire à son époque, mais ce passage nous fait sentir à quel point l’enseignement de Jésus est particulier. Il bouscule tout sur son passage, dérange, suscite de vives réactions, qui le mèneront jusqu’à la mort, mais sa renommée se répand aussitôt dans toute la Galilée.

Pourquoi dérange-t-il ? Quel est son enseignement ?

A la synagogue de Capharnaüm, nous sommes en présence d’un homme possédé par un esprit impur. Nous ne savons rien de lui. Ce qui importe c’est comment Jésus agit face à lui.

Remarquons pour commencer qu’il est un peu étrange de trouver au sein de la synagogue un homme possédé par un esprit impur. Rien d’impur ne pouvait pénétrer dans la synagogue. Que faisait-il là, au moment où Jésus enseignait ? Peut-être un signe que cet esprit malsain avait imprégné la synagogue ?

Nous assistons alors à une séance d’exorcisme. En 2 000 ans, notre manière de voir les choses a évolué. A l’époque de Jésus, on se représentait l’homme possédé, c’est-à-dire n’étant plus maître de lui-même, comme investi par une force du mal qu’il fallait combattre, extirper. Aujourd’hui, nous utilisons les ressources de la médecine, de la psychiatrie pour appréhender ces situations. Quelle que soit notre manière de voir les choses, nous sommes en présence d’un homme possédé, qui n’est plus lui-même, qui ne se maîtrise pas, qui est sous emprise.

Commence alors un dialogue entre l’homme et Jésus.

Tout d’abord une vive apostrophe adressée à Jésus. En substance :

  • De quoi te mêles-tu ?
  • Tu es venu pour notre perte
  • Tu es le Saint de Dieu

Etonnante entrée en matière. Par la seule présence de Jésus, et peut-être à cause de son enseignement, l’esprit impur se sent déjà menacé et envoie promener Jésus : « De quoi te mêles-tu ? »

Suivent deux aveux étonnants : « Tu es venu pour notre perte », comme s’il savait que son combat était perdu d’avance.

« Tu es le Saint de Dieu » : une véritable confession de foi de la part de l’esprit impur qui sait ce qui le menace.

Quand il dit « Tu es venu pour notre perte », on peut se demander à qui se réfère le « nous ». Une manière de dire que Jésus par sa présence, par la force de sa Parole va causer la perte de toutes les forces qui s’opposent à lui ?

C’est qu’en effet la Parole de Jésus est particulière ; à peine dit-il « Tais-toi et sors de cet homme » que l’esprit impur disparaît.

Cela ne se fait pas dans la douceur ; l’esprit impur sort en secouant violemment l’homme et en poussant un cri de douleur.

Se libérer d’une emprise, renaître à une vie nouvelle est une action radicale, comme notre baptême qui est un signe de mort, une noyade, suivie d’une résurrection.

Jésus ne pratique pas l’homéopathie, la naturothérapie et autres médecines douces. Il bouscule, il dérange, il provoque pour chasser tout ce qui nous enferme, nous emprisonne dans une vie mortifère.

Nous comprenons alors l’effroi de ceux qui assistent à cette guérison dans la synagogue. « Quelle autorité ! » s’exclament-ils. « Il commande même aux esprits impurs et ils lui obéissent. »

A la synagogue, l’autorité de ceux qui enseignaient reposait sur le commentaires des textes en vue d’expliquer la loi afin que tous s’y soumettent.

La prédication de Jésus n’est pas une discussion, un commentaire de texte, elle est un événement  qui conduit à la foi. Jésus n’a pas d’autre autorité que sa Parole, une Parole performative qui guérit, qui relève, qui met en mouvement. La prédication de Jésus est divine car efficace en elle-même. Dieu est à l’œuvre en Jésus Christ.

Nous l’avons vu quelques versets auparavant, commentés lors de la prédication de dimanche dernier : « Suivez-moi et je vous ferai pêcheurs d’hommes » dit Jésus et aussitôt Simon, André, Jacques et Jean lâchent leurs filets et suivent Jésus. Une simple parole et ils lâchent tout.

L’autorité des scribes vise à maintenir l’homme dans la soumission à la loi. L’autorité de Jésus libère. Jésus ne juge pas l’homme mais s’adresse à l’esprit impur qui l’habite pour le combattre et l’extirper.

« Le Règne de Dieu s’est approché » proclame Jésus dès le début de son ministère en Galilée.

Cette guérison en est la préfiguration ainsi que toutes celles qui vont suivre. Dieu s’est rendu présent dans la vie des hommes et va se révéler dans toute sa plénitude lors de la mort et de la résurrection de Jésus.

Cette Parole est à l’œuvre aujourd’hui, dans notre monde, dans nos vies, parmi nous.

Mais de quoi nous libère-t-elle? Par quoi sommes-nous possédés aujourd’hui ?

Par tout ce qui nous enferme, nous aliène, nous rend esclave, par tout ce qui nous sépare de Lui.

Je me souviens d’un sujet de dissertation lorsque j’étais au lycée : Posséder, c’est être possédé.

Nous sommes prisonniers de notre désir de maîtriser nos vies et celles des autres, de conserver et de faire prospérer nos biens, notre statut social, l’image de nous-même, nos rites et nos habitudes, nos traditions, à la maison et même en Eglise.

Mais au-delà de ces aliénations classiques, des liens plus sournois nous enchaînent ; les médias de notre temps : télévision, tablettes, téléphones et autre objets connectés sont à l’œuvre et s’invitent dans nos vies, je devrais dire s’imposent.

Nous subissons de véritables addictions ; les moteurs de ces applications, dont nous ne connaissons pas ou ne voulons pas connaître les règles, nous inondent d’informations, de messages, de jeux, de vidéos, de conseils non choisis correspondant à nos attentes conscientes ou non. Et l’essor de l’intelligence artificielle va accélérer cette emprise sur nos vies, nous conduisant de plus en plus à subir, à devenir paresseux et consommateur, renonçant de fait à une part croissante de notre liberté.

Google, Facebook, Instagram et tous les autres médias façonnent des personnes individualistes, enfermées dans le conformisme de leur caste qui dispense de réfléchir. Consommer et réagir à chaud, s’exposer sans limite, sont nos nouveaux modes de fonctionnement.

Simon, André, Jacques et Jean ont lâché leurs filets pour suivre Jésus.

Aujourd’hui, nous aimerions que Jésus arrache les filets dans lesquels nous sommes empêtrés comme des poissons.

Laissons-nous pêcher par Jésus pour que, touchés par sa Parole, allégés du fardeau de tous ces liens superficiels, nous reprenions le contrôle de nos vies.

Ce n’est pas chose facile. Cela ne se fait pas sans renoncements mais nous savons que ce qui est impossible pour les hommes est possible à Dieu.

En lisant la Bible, seul ou avec d’autres, en nous rendant au culte pour écouter la Parole, nous laissons Dieu prendre sa place en nous, agir en nous. Loin de l’agitation et des inquiétudes du monde, prenons le temps d’accueillir sa paix, d’aller à la rencontre des frères et des sœurs mis sur notre chemin pour avancer avec eux.

En nous rendant aux conférences d’Esprit Culture, nous prenons le temps de la réflexion et de l’échange en vérité.

En nous laissant porter par la musique, nous nous rendons disponible pour accueillir Dieu.

Dans le texte lu ce matin, Paul nous invite à nous attacher au Seigneur sans distraction.

Au début de ce culte, nous avons entendu ces versets de Matthieu :

« Venez à moi vous tous qui êtes fatigués de porter un lourd fardeau et je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et laissez-moi vous instruire, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour tout votre être. Le joug que je vous invite à prendre est bienfaisant et le fardeau que je vous propose est léger. »

Le Royaume de Dieu est proche, il est là, en la personne de Jésus qui nous invite à lâcher prise, à poser notre fardeau, à nous libérer de tout ce qui nous enchaîne et à le suivre.

Pardonnés et libérés, en confiance, en Eglise avec les autres, mettons-nous en marche joyeusement pour devenir à notre tour pêcheurs d’hommes et de femmes sans nous préoccuper de ce qui adviendra ou de la difficulté du parcours.

Jésus nous parle, nous guérit et reste avec nous, aujourd’hui et demain.

Amen

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