Matthieu 16, v 21-27 – « Tu as promis, j’ai promis et je tiendrai »

Dimanche 28 août 2011, par Simone Bernard

 

Les évangiles synoptiques relatent de façon presque identique l’épisode que nous venons de lire dans Matthieu.

Nous pouvons distinguer deux parties ; la première concerne l’annonce des événements qui vont se dérouler très prochainement et dont Jésus est le centre ; la seconde constitue une règle de conduite pour ceux qui veulent suivre le Maître.

Le ministère de Jésus de poursuit : enseignement aux disciples comme aux foules, guérisons, discussions, j’allais dire « la routine » presque. Les disciples s’installent dans cette vie d’errance, mais aussi de rencontres : des malades, des malheureux, des gens tout simples comme eux, mais également des personnages plus importants qui incarnent l’autorité religieuse et administrative. Que leur réserve l’avenir ? Au fond d’eux-mêmes, ils espèrent toujours que leur Maître bien-aimé va se proclamer roi et que la vie va changer. Il imposera sa loi, la loi de Dieu, avec ses promesses de bonheur.

Mais Jésus est parfois bien déconcertant. Il ne veut pas que les disciples dévoilent qui il est. Il insiste, par contre, pour savoir si eux-mêmes ont bien compris qui est ce Maître auquel ils consacrent leur vie. Il est venu les chercher, les a soustraits à leurs occupations habituelles. Ils étaient pécheurs, artisans, fonctionnaires. Que sont-ils devenus ? Des vagabonds qui arpentent les routes de Palestine à la suite d’un homme dont ils ne comprennent pas toujours l’attitude ni les discours. Il leur parle du Royaume des Cieux ; il leur dit qu’eux aussi sont investis du pouvoir de guérison. Il sait être si proche des malheureux, des malades, des humbles ; mais il entre parfois dans de grandes colères, en particulier contre les scribes et les docteurs de la loi. Il bouscule les traditions, scandalise les pharisiens tellement attachés à la doctrine. Tout cela se retournera contre lui et les disciples tremblent à l’idée des représailles possibles ; c’est pour leur Maître qu’ils s’inquiètent.

Celui-ci aborde la grande question de son avenir. Certes, ceux-ci doivent se rendre à l’évidence : si des foules de plus en plus nombreuses se pressent pour écouter Jésus, les chefs religieux eux, sont de plus en plus hostiles et l’étau se resserre autour de leur proie. Ils attendent le moment propice pour prendre Jésus en faute vis-à-vis de l’autorité romaine puisqu’ils ne parviennent pas à le « contrer » dans le domaine des écritures. Et nous savons qu’ils parviendront à leur fin.

C’est tout cela qu’annonce Jésus aux disciples : ses souffrances, son procès, sa mort, mais aussi sa résurrection.

Les apôtres comprennent-ils vraiment ce discours ? Pas Pierre, en tout cas, qui s’insurge violemment. Pauvre Pierre, toujours prompt à réagir, en disciple dévoué, humainement dévoué.

Alors Jésus l’apostrophe durement : « Retire-toi ! Derrière moi, Satan ! Tu es pour moi occasion de chute, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

Nous sommes tristes pour Pierre, lui qui aime son Maître et refuse d’entendre qu’il va souffrir et mourir. Et pourtant, certains échanges entre Jésus et Pierre sont empreints d’une plus grande chaleur. Rappelez-vous : Simon affirme : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », et Jésus déclare : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ». Pierre fait-il partie de ceux que vise le verset 28 : « En vérité, je vous le déclare, parmi ceux qui sont ici, certains ne mourront pas avant de voir le Fils de l’homme venir comme roi. » ?

Pierre et ses compagnons ont-ils vraiment entendu le message de Jésus dans sa totalité ? Je me le demande : car il est bien écrit que Jésus va souffrir, être mis à mort et « le troisième jour, ressusciter ». Bien sûr, nous nous connaissons la suite et nous sommes, 20 siècles plus tard, au bénéfice de la résurrection.

Pour les amis du Maître, il semble que seul compte le présent, le prochain départ de celui qu’ils suivent sur les routes de Judée et de Galilée, qui a changé totalement leur vie. Que sera leur existence si le Maître leur est enlevé ? Leur projet de voir instauré un monde meilleur va-t-il s’effondrer ?

Or, Jésus, loin de les rassurer, leur trace un programme encore plus sombre. « En effet, dit-il, quiconque veut sauver sa vie la perdra. » Mais, ajoute-t-il : « quiconque perd sa vie à cause de moi, l’assurera. » Voilà qui rassure. Les perspectives qu’énoncent les derniers versets de notre texte sont bien austères. La vie n’est-elle qu’une suite de sacrifices ?

Le Pasteur Antoine Nouis écrit : « Prendre sa croix, c’est assumer sa fragilité, ses limites, c’est renoncer aux illusions d’une protection absolue, c’est marcher avec le Christ dans un monde habité par le mal. »

Mais accrochons-nous à cette promesse : « Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; et alors il rendra à chacun selon sa conduite. »

Comme en écho, Paul dans l’épître aux Romains, écrit : « Je vous exhorte donc frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là votre culte spirituel. »

Nous voilà devant un programme de vie, devant des choix à faire. Saurons-nous discerner la route qui mène à Dieu ? Seuls, ce serait sans doute impossible ; avec l’aide du Maître, aucun obstacle ne peut tenir.

Et pour illustrer ce propos, je voudrais vous lire un texte que je garde depuis 65 ans et relis fréquemment.

Tu as promis. J’ai promis et je tiendrai – Ps 119/106

Tu as promis.

Ce n’a pas été difficile. Tu arrivais à ce matin de ta confirmation porté par tant de prières, enveloppé par tant d’amour ! Il se peut cependant que tu aies hésité à promettre. Mais ce dont je suis sûr, c’est que le bel élan de ta jeunesse, alors, a balayé tous les obstacles devant toi.

Ce n’a pas été difficile. Tu ne t’engageais pas à ne jamais tomber, mais simplement à faire de ton mieux. Une invisible présence était là, près de toi, celle du guide qui dirige, de l’Ami qui aime, du Sauveur qui relève, la présence du Christ qui jamais, jamais ne rejette ceux qui viennent à lui. Les yeux fixés sur Jésus, tu as promis. Tiendras-tu ?

La promesse est une force.

Tu es plus fort que tu n’étais, rien que pour l’avoir faite. Parce qu’elle t’a lié, ne crois pas qu’elle t’affaiblit. Seuls sont forts ceux qui se sont donné, un jour, quelque vaillante discipline, et tâchent à y conformer leurs vies. Et de tous, parmi eux, les plus forts sont encore ceux-là qui se sont librement donnés au Christ victorieux. Le même homme qui signait se lettres de ce titre : esclave de Christ, avait le droit de s’écrier : je suis tout.

La promesse est une force.

Tu ne seras pas toujours aussi bien disposé qu’aujourd’hui. Il est des heures grises. Il en est de cruellement sombres. La joie de l’enfant que tu fus et de qui chaque jour t’éloigne, sa confiance inaltérable, sa magnifique pureté, tous ces trésors, tu auras en ces heures-là l’impression qu’ils vont t’échapper tous ensemble. Tu murmureras : A quoi bon ? Alors, tu te souviendras. Tu reverras ce jour où, devant l’Eglise, entouré de tous ceux qui furent tes aînés, -sous le regard de Dieu et du fond de ton âme- tu as promis… Ce sera suffisant. Au lieu de t’abandonner à la dérive, tu maintiendras hardiment la barre de ton esquif vers la seule étoile qui brille dans toutes les obscurités, et qui y brille d’autant plus que les obscurités, sont plus grandes, Jésus, l’Etoile du matin.

La promesse est une force.

D’autres l’ont faite avant toi. D’autres, après toi, la feront. Et c’est toujours la même chose, la même discipline qu’on s’impose librement, la même obéissance, le même service. Tu as pris place dans nos rangs. Te voici un soldat sous le drapeau de notre chef. Et toute son œuvre t’est ordonnée sans doute, mais sache aussi que toute sa force t’est donnée.

Tu as promis. Tu tiendras.

(inspiré par une page du « livre de Lézard »)

Ce texte nous a été remis le jour de notre confirmation. Pentecôte 1946. Je dis « nous » car tu étais là, toi aussi, ma Jacqueline. J’ai voulu le partager avec vous, ce matin. Il s’adressait à des adolescents, mais je lui trouve toujours la même actualité, même après tant d’années. Pierre pourrait le faire sien : il voulait suivre Jésus. Il a promis, il a tenu en dépit des obstacles.

Combien de fois avons-nous pris des engagements, emportés par un élan irrépressible, à l’occasion d’une réunion de prière, à l’écoute d’une prédication émouvante, à le lecture d’un texte biblique. Quelquefois, le premier mouvement passé, nous avons oublié les bonnes résolutions, accaparés par les tâches journalières. Cependant, au fond de notre cœur, une graine est restée enfouie, prête à germer. La promesse est là. Tu as promis, tu tiendras, demain, plus tard, avec l’aide de celui qui a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. »

Amen

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