Dimanche 28 juin 2015, par Clotaire d’Engremont
Il faut d’emblée se l’avouer, le dire le plus simplement possible : les miracles tels qu’ils figurent dans les évangiles sont gênants et même souvent nous ennuient car ils nous placent devant un double et inconfortable écueil, dont il est difficile parfois de sortir, tant il est effectivement compliqué de sortir de l’un tout en évitant de se fracasser sur l’autre.
Le premier écueil singulièrement présent dans le monde de l’ouest européen contemporain, et bien sûr en France, consiste à défendre à tout prix le « raisonnable », car ces récits dits miraculeux se heurtent à notre rationalité. C’est proprement impossible disent les auteurs « raisonnables » !
Les plus rationalistes ricanent et en dignes successeurs de l’Esprit des Lumières du XVIIIe siècle, repris par Ernest Renan au XIXe siècle, s’ingénient à démontrer l’impossibilité de telle ou telle guérison tout en concevant malgré tout (même Ernest Renan l’a admis !) que le Christ a dû avoir des qualités de thaumaturge.
Le deuxième écueil est, à l’inverse, de considérer que les récits de guérisons dites miraculeuses doivent être regardés comme des preuves intangibles de la toute puissance de Dieu et déclencher chez le croyant ébahi l’émerveillement béat. Dans le sud de la France on parle des « ravis de la crèche »…Cette expression populaire me parait bien appropriée.
Pris entre ces deux écueils, nous risquons soit de croire en Christ malgré les prétendus miracles auxquels on ne peut pas croire, soit au contraire de croire en Christ parce qu’il aurait accompli de nombreux miracles, prouvant en cela qu’il est bien le fils de Dieu tout puissant et dominateur, donc toujours lointain et inaccessible.
Les deux récits que nous venons de lire au chapitre 5 de l’évangile de Marc participent aussi à cette gêne lancinante dont je viens de parler. Pensez-donc ! Une jeune femme qui arrête brusquement de perdre son sang, ou une jeune fille apparemment morte qui sort de son coma profond après un simple geste.
Commençons par cette jeune femme dont le récit, comme enchâssé dans le récit de la fille de Jaïrus, nous est raconté de façon très alerte et dynamique. La jeune femme est forcément impure puisqu’elle perd son sang depuis douze ans. Elle s’enhardit devant l’échec des médecins, à toucher les vêtements de Jésus, brusquement, par derrière, car elle avait entendu parler de ce Rabbi et était dans la certitude que simplement toucher ses vêtements pourrait la guérir ! Je cite le verset 28 « si je touche, ne serait-ce que ses vêtements, je serai sauvée ! » Cette jeune femme qui est impure et qui le sait, arrive par l’arrière, presque à l’improviste. Elle est habitée par une telle foi qu’elle ose le tout pour le tout ; et avec courage elle transgresse les tabous qui à cette époque faisaient croire à toutes les sortes de contaminations par simple toucher. Cette femme s’inscrit dans une démarche de confiance absolue ; c’est elle qui a fait le premier pas… Le récit donne l’impression que Jésus accepte tout de suite la démarche, et quand il se retourne, il sait déjà à qui il pose la question « Qui a touché mes vêtements » (verset 31). Le sang ne coule plus et Jésus sut « qu’une force était sortie de lui » (verset 29). Nous sommes clairement tenus de constater que la guérison de cette femme a engendré chez Jésus une déperdition de puissance ! Nous sommes loin, à ce moment de notre méditation, des thèses apologétiques de certains exégètes fondamentalistes. Ce qui est là remarquable et même en définitive proprement sidérant, c’est la découverte de deux évènements simultanés : la guérison de la femme et la perte de puissance de Jésus mises en parallèle, sur le même plan. Entre Jésus et la femme qui ne perd plus son sang, c’est une vraie rencontre… En se jetant à ses pieds et en clamant la vérité malgré sa peur, la femme enfin guérie retrouve sa dignité d’être humain. Elle est réintégrée dans la communauté humaine et le Christ peut dire alors cette phrase conclusive « Va ma fille, ta foi t’a sauvée ».
Le récit de la femme qui touche les vêtements de Jésus est comme enchâssé dans le récit de la fille de Jaïrus… En effet, avant même de rencontrer cette femme, Jésus est apostrophé par Jaïrus, un des chefs de la synagogue, qui lui demande de se rendre d’urgence au chevet de sa fille mourante… Jaïrus qui souhaite voir grandir sa fille – cela apparait comme un désir compréhensible – a appris qu’un certain Jésus « imposait les mains » sur la tête des malades… Et pourtant Jésus, malgré l’urgence apparente et l’insistance de Jaïrus, trouvera le temps avant de se rendre au domicile de celui-ci, de rendre à la normale la femme ensanglantée… Avant de répondre à la demande d’un notable, chef de la synagogue, Jésus s’est occupé d’un être plus petit, ici une femme. Cela a , me semble t-il, une signification toujours essentielle dans la vie de Jésus. Pensons à la samaritaine, la femme adultère ou le soldat romain. Jésus s’intéresse aussi et souvent d’abord aux plus petits. Mais là, il est question d’espérance et de foi. Jésus ne cherche pas à expliquer son retard à suivre le chef de la synagogue. Il ne cherche pas à remettre en cause en chemin la parole de ceux qui annoncent que la mort a fait son œuvre et qu’il est trop tard… Avant même d’arriver au domicile du notable affligé, il lui dit, en écartant au passage les importuns : « N’aie pas peur, crois seulement ». Puis ensuite devant la mère et le père stupéfaits, il fait en sorte que la jeune fille se réveille ! Par sa démarche pressante au début de la première partie du récit, et en ne désespérant pas jusqu’au bout, le chef de la synagogue a démontré à Jésus qu’il avait confiance en sa parole et qu’en définitive la Foi peut, là encore « soulever des montagnes » et même faire sortir de la léthargie un être apparemment en sommeil profond. Certains exégètes ont rapproché ce sommeil de celui dans lequel est tombé Jésus avant d’être réveillé par les disciples pour apaiser la tempête sur le lac. Nous ne chercherons pas ce qu’il en était avec certitude. Certains croyaient la jeune fille morte ! Jésus fait en sorte qu’elle se réveille ; cela signifie que le chef de la synagogue a fait confiance à Jésus et réciproquement. C’est là l’essentiel de la Foi : une affaire de confiance ! Et cela doit nous suffire, chères sœurs, chers frères !
En quoi le récit de ces deux miracles doit encore nous intéresser, nous, femmes et hommes du XXIe siècle ? La portée de ces deux récits réside dans l’imbrication de la rencontre et de la réponse apportée. Ces miracles sont signes de la présence de Dieu et, en actes, permettent à Jésus de nous transporter, en une sorte de métaphore, vers la libération, le pardon et l’amour. « Va ta foi t’a sauvée » dit-il à la femme qui a recouvré sa dignité ! Nous sommes loin d’une pensée que les esprits forts contemporains voudraient seulement magique et digne des temps anciens révolus. Comme si devenus obsolètes, nous n’aurions rien à apprendre des temps anciens ! Comme si l’évangile de Marc était devenu obsolète ! Ces deux récits ne vont pas évidemment jusqu’à la Résurrection, mais par la confiance inébranlable de deux êtres envers Jésus, ils racontent l’accès à une vie nouvelle sur le chemin de la foi qui sauve et qui dépasse les frontières.
En outre, depuis lors, vous et moi, nous savons depuis la crucifixion que Jésus Christ est le Sauveur et qu’il nous a donné gratuitement sa grâce en ressuscitant d’entre les morts ; ou, en des termes plus poétiques, que j’emprunte à Charles Peguy : nous savons que « la Foi, c’est l’espérance d’un amour possible »
Amen
Un commentaire
Je regrette que l’Europe qui nous a apporté l’évangile présente le récit sur les miracles de Jésus si c’étaient des fables pour des petits enfants.
Ouvrez votre coeur à Jésus et vous verrez que ces phénomènes surnaturels sont vécus aussi aujourd’hui par les prières faites avec foi au nom de ce même Jésus.