les paraboles du trésor, de la perle et du filet

Je vous invite aujourd’hui à méditer sur trois courtes paraboles portant successivement sur le « trésor caché », la « perle de grand prix » et le « filet de poissons » qui ferment le chapitre 13 de l’évangile de Matthieu. Trois courtes images pour parfaire notre compréhension du royaume des cieux qui sont constituées par de magnifiques trouvailles, à savoir, le trésor, la perle rare ou le filet plein de poissons, trouvailles qui bouleversent de façon radicale l’homme qui cultive son champ, qui cherche la perle rare ou qui tire le filet plein…

Avant de méditer sur la parabole du filet, penchons nous sur les deux paraboles du trésor et de la perle qui s’imbriquent l’une dans l’autre tout en se complétant. Ce sont, en effet, deux paraboles parallèles, à deux voix. Un prédicateur de la deuxième moitié du XXe siècle, le pasteur Alphonse Maillot, fin exégète comme fin musicien et poète disait  que ces deux paraboles étaient semblables à un duo digne de l’art lyrique : la parabole du trésor serait le ténor, celle de la perle serait la soprano. Imaginons un duo entre Pavarotti  et Montserrat Caballé !
Mais revenons à nos textes. Au-delà de leur évidente complémentarité, les deux paraboles laissent apparaître un certain nombre de différences qui, de manière quelque peu surprenante, nous permettent de mettre en relief leur pertinence réciproque ; ainsi, elles se confortent l’une et l’autre.
Première différence : dans la première parabole le royaume est semblable à un trésor, objet précieux certes, mais un objet quand même, c’est-à-dire un objet inanimé ; et comme tout objet il peut être laissé de côté ou oublié soit par des personnes ayant mauvais esprit, soit par de simples sceptiques, soit même par ceux qui varient dans leur foi et qui abandonnent un trésor qui, à leurs yeux, n’est plus en or, mais désormais en une vile matière moins brillante. Eh bien, chers amis, la deuxième parabole sur la perle est là pour éviter de tomber dans la dérive possible que je viens de décrire à grands traits. En effet, le royaume n’est pas un objet, aussi précieux soit-il, dont on peut facilement se débarrasser. Ce n’est même pas la perle comme nous aurions pu le penser ; c’est en fait un homme car il est dit aussi que le royaume est « semblable au marchand qui cherche »… La deuxième parabole fait du marchand un homme du royaume des cieux qui cherche partout, au point qu’il est impossible, et donc inutile, de vouloir cerner avec précision l’étendue du territoire qu’il prospecte de manière systématique.
Deuxième différence, vous avez remarqué que l’homme du trésor caché est tombé sur ce trésor par hasard sans même le chercher alors que le marchand cherche lui tout le temps les belles perles. C’est important de relever cette différence car si le Seigneur ne dédaigne pas les manifestations spontanées, il aime aussi les personnes qui cherchent à augmenter leurs savoirs sans se contenter de ce qu’ils ont déjà. L’homme qui cherche, qui doute, qui marche, (pensons à l’homme qui marche de Giacometti à la fois fragile et puissant) est toujours aimé par le Seigneur qui sait que la plus grande dignité de l’homme est de s’améliorer par des efforts journaliers en s’intéressant aux différents savoirs afin d’être ici bas utiles au prochain ; car celui qui ne s’intéresse pas aux autres êtres humains ne pourrait aimer Dieu dans sa plénitude.
Une troisième différence entre nos deux paraboles nous incite à regarder avec joie la beauté du monde ici-bas. Alors que celui qui travaille dans la terre et a, en quelque sorte, les pieds dans la glaise pour tomber par hasard sur un seul trésor, le marchand, lui, cherche et trouve des belles perles ici-bas, qu’il ne néglige pas. Il ne dédaigne pas les beautés de ce monde. Il continue donc à chercher avec constance jusqu’à ce qu’il trouve enfin la perle rare de grand prix.
Mais, chers amis, parler d’approches différentes entre les deux premières paraboles ne doit pas nous faire oublier que par des chemins parallèles elles nous mènent au même aboutissement fait de joie et d’émerveillement : après l’achat du champ et l’achat de la perle de grand prix, la découverte crée, dans les deux cas, chez l’homme, une rupture radicale entre un passé fait de fausses idoles et la nouvelle vie qui s’offre à lui. L’homme nouveau, celui qui suit Jésus-Christ, ne peut pas le faire sans renoncement à ce qui constituait l’homme chargé d’oripeaux. Devant cet objectif, devant Jésus-Christ enfin approché, tous les autres objectifs constituent soit des étapes nécessaires pour atteindre le but mais en réalité secondes, soit des étapes en voie de dépassement. Notre homme nouveau vend tout, symbolisant ainsi la rupture avec le passé. Mais il n’est pas dit qu’il s’agit d’un « donnant – donnant », ou pour parler en langage économique d’un « gagnant – gagnant ». En fait, nous appréhendons là le mystère insondable de notre foi en Jésus-Christ. Dès qu’ils ont été achetés, le champ comme la perle rare deviennent des dons précieux, sans prix car personne ne peut plus les acheter ici-bas ; je m’explique : la foi des chrétiens ne se monnaye pas ; elle est tout au plus une offrande, une promesse qui n’a plus de prix. Elle devient inaliénable. Qui cherche trouve.
Blaise Pascal, après St Augustin nous le disait : « Tu ne chercherais pas si tu ne m’avais trouvé ».

La dernière parabole de l’Evangile de Matthieu, qui constitue la troisième pour notre méditation d’aujourd’hui, porte sur la belle histoire du filet ; c’est effectivement une belle histoire qui symbolise tout le genre humain dans une image rassembleuse. Les chrétiens, les communautés chrétiennes naissantes qui suivent Jésus-Christ forment le filet, cette sorte de clef de voute qui ramasse des poissons de toutes les espèces. J’aime cette image qui comme dans la première parabole du semeur ne néglige rien. Dieu s’intéresse à toutes et à tous, … à vous, à moi. Dieu, comme les pêcheurs qui jettent le filet où le semeur qui sème, est en quelque sorte «  multitudiniste ». Un grain peut pousser même dans la mauvaise terre ; tous les poissons méritent d’être péchés, les petits éperlans comme les gros turbots, les simples sardines comme les saumons pour former la communauté chrétienne dans toute sa diversité.
Néanmoins, cette parabole du filet se réfère aux fins dernières où il y aura « des pleurs et des grincements de dents (verset 50). Mais à y regarder avec la plus grande attention, il ne faut pas tomber dans une sorte de contre-sens. Il ne faut pas, comme certains, nous peut-être, sont enclins à le faire, insister sur le jugement qui de toute façon n’appartient qu’à Dieu et non aux hommes. Au contraire, la pointe de la parabole du filet n’est pas tant dans la fournaise ardente, mais dans l’interdiction faite aux êtres humains de procéder au triage entre les purs et les impurs, les croyants et les non croyants, les mauvais et les bons. Encore une fois, chers amis, c’est un contre sens de seulement pointer le jugement que s’autorisent certains moralisateurs et autres grincheux. Contrairement à ce qu’une lecture trop rapide pourrait le laisser croire ce n’est pas à l’homme de faire le tri. Nous n’avons pas à juger les autres. Le jugement interviendra à la fin du monde où « Dieu et les anges viendront séparer les méchants d’avec les justes » comme il est dit au verset 49 de notre dernière parabole.

En conclusion, chers amis, ne vous souciez-pas des fins dernières qui ne nous appartiennent pas. Laissons nous porter, aujourd’hui et maintenant, comme il en ressort de nos trois paraboles, par la joie et l’émerveillement de l’homme nouveau ayant renoncé aux idoles de toute sorte. Alors, comme il est dit dans l’évangile de Jean au verset 23 du chapitre 14 qui rapporte la parole du Christ «  si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon père l’aimera ; nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui ».

Amen

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