L’appel de Dieu et sa mission

Frères et sœurs,

L’appel de Dieu évoque souvent chez nous des images bibliques spectaculaires, voire hors du commun. Pensez à l’épisode du buisson ardent dans le livre de l’Exode (Ex 3, 2), prenez par exemple le récit dans le livre des Actes, Saul en route pour Damas (Ac 9, 3 et ss), l’appel de Dieu évoque effectivement des images bibliques spectaculaires.

Les trois textes que nous avons entendus ce matin sont justement des récits d’appel, des récits de vocation (prophète Esaïe et Saul de Tarse, devenu l’apôtre Paul après l’épisode du chemin de Damas). Un élément lie étroitement le récit de vocation d’Ésaïe à celui des premiers disciples dans l’évangile selon Luc. Simon-Pierre et Ésaïe réagissent de la même manière : « Je suis un homme pécheur » pour l’un et « Je suis un homme aux lèvres impures » pour le prophète.
Face à la manifestation de la gloire de Dieu, Simon Pierre et Ésaïe affirment leur limite, leur petitesse d’homme, ils manifestent cette crainte qui est de l’ordre du respect et de l’humilité (la crainte révérentielle) plus que de la peur.

Ce trait commun nous conduit néanmoins à souligner l’immense différence entre les deux textes. Le prophète voit Dieu se manifester dans le Temple, dans un contexte éminemment religieux. En fait, la vision d’Ésaïe est une amplification de ce qui est visible dans le Saint des Saints, une pleine manifestation de la gloire qui est symbolisée par l’Arche d’Alliance et les Séraphins.

En revanche, pour Simon-Pierre et les autres disciples, cette manifestation survient dans le cadre de leur travail, la pêche de poissons, au cœur de leur vie quotidienne.

Dieu passe de la sphère religieuse à la sphère profane. Ainsi, l’Evangile selon Luc témoigne d’un Dieu qui nous rejoint là où nous sommes et non plus d’un Dieu vers lequel il nous faut nous élever par notre pratique religieuse.

C’est donc ainsi que va commencer la mission des apôtres, par un appel qui les saisit au beau milieu de leur vie de tous les jours. Luc nous le signale en nous offrant une scène de pêche très vivante et détaillée. C’est le passage dont nous avons entendu la lecture tout à l’heure, en Luc 5, versets 1 à 11. On y voit les pêcheurs travailler ensemble pour encercler les poissons de leurs filets, manœuvre délicate qui demande plusieurs barques agissant de concert et donc une très bonne coordination. Détail intéressant, après la pêche infructueuse durant la nuit, les voilà qui lavent leurs filet au petit matin.

Cela dit, cette description n’est pas seulement un documentaire sur la pêche sur le lac de Génésareth ( = la mer ou lac de Galilée = le lac de Tibériade). En plantant son décor, Luc ne se contente pas d’insister sur le quotidien dans lequel les disciples sont appelés, il va aussi nous présenter le contenu de cet appel, à travers la mission qui leur est confiée. D’ailleurs, le terme d’apôtre (envoyé) est préféré à celui de disciple par Luc.

– Pêcheurs d’hommes

– Capturer des êtres humains vivants

– Pour qu’ils soient captivés, captés par la Parole de Dieu qui libère

 

  1. DIEU NOUS APPELLE ET NOUS CONFIE UNE MISSION, SA MISSION POUR LE MONDE

En effet, premier constat, Dieu ne nous appelle pas uniquement pour notre épanouissement personnel. Quand il se manifeste à nous, quand il éveille notre foi, il nous confie aussi une mission. C’est bien l’expérience qu’ont faite Ésaïe, Simon-Pierre, Paul et tant d’autres témoins bibliques : que l’on soit religieux, simple pêcheur, collecteur de taxes, recevoir la bonne Nouvelle, c’est être appelé à proclamer à son tour : « Tu seras pêcheur d’homme », « Tu favoriseras la rencontre avec la Parole captivante de Dieu ».

 

  1. CETTE MISSION S’APPUIE SUR LA CONFIANCE ABSOLUE EN DIEU.

Deuxième constat : cette pêche aux hommes est à l’image de la pêche miraculeuse : Pierre a pêché toute la nuit, il a déployé tout son savoir-faire à la meilleure heure, quand les conditions étaient les plus favorables mais ça a été en vain. Et alors que le moment est passé, alors que la fatigue amoindrit ses capacités, quand il relance les filets à la demande de Jésus, la pêche est prodigieusement abondante. Une pêche qui dans notre texte est qualifiée, non pas d’abondante, mais de surabondante !

Ainsi frères et sœurs, notre pêche aux êtres humains, aux vivants, ne dépendra pas de nos compétences, de notre application, des conditions dans lesquelles nous témoignerons de la Bonne Nouvelle. Le succès de notre pêche ne sera dû qu’à la grâce de notre Dieu et à la foi que lui seul place dans le cœur de l’humain. Pourtant, tout comme Simon Pierre, nous sommes appelés à participer pleinement à cette pêche. La pêche miraculeuse n’est pas la pluie de cailles de la traversée du désert, l’Evangile ne nous dit pas que de « tous les côtés du navire, les poissons vinrent à sauter ohé, ohé ».

Bonus : les paroles de la célèbre comptine « Il était un petit navire »

 Des p’tits poissons dans le navire
Des p’tits poissons dans le navire
Sautèrent bientôt, tôt, tôt par milliers
Sautèrent bientôt, tôt, tôt par milliers

Ohé, ohé… (Refrain)

On les prit on les mit à frire
On les prit on les mit à frire
Et le p’tit mousse, mousse, mousse fut sauvé
Et le p’tit mousse, mousse, mousse fut sauvé

Ohé, ohé… (Refrain)

 Pierre et ses associés vont accomplir leurs gestes de tous les jours, ils vont déployer leurs compétences, ils vont non pas « jeter les filets » comme nos traductions le rapportent mais en grec « laisser descendre » leurs filet, s’impliquer pleinement dans cette pêche, bref, ils vont travailler, tout en se laissant travailler par la Parole. Cette Parole va opérer un changement radical en eux, une conversion. De la même manière, si le succès de notre annonce ne dépend pas de nous, nous n’en sommes pas moins appelés à fournir un effort, à engager notre savoir-faire. La promesse de Dieu en Jésus-Christ (la Parole de Dieu), l’engagement de l’être humain puis vient le temps de l’annonce et de la mise en pratique. Jésus ne nous appelle pas à nous tenir sur le rivage pour observer le spectacle mais bien à mettre notre barque à l’eau, à jeter nos filets, à travailler.

 

  1. ALLER ENSEMBLE DANS LA MISSION (CELLE DE DIEU POUR LE MONDE)

Et, c’est le troisième constat,

à travailler comme Pierre et ses associés : ensemble. En utilisant la pêche comme image de notre mission de chrétiens, Jésus nous rappelle que cette tâche à laquelle nous sommes appelés n’est pas un travail solitaire. Pêcher seul, c’est voir la barque chavirer, les filets se briser, les poissons s’échapper. Pêcher seul c’est tout simplement impossible. Il en va de même de l’annonce et du témoignage. Il faudrait être un géant de la foi et de la spiritualité pour pouvoir annoncer seul face à nos frères et nos sœurs l’amour de Dieu, la vie à laquelle il nous invite. C’est une mission trop lourde, trop immense pour un individu isolé. C’est ensemble que nous serons porteurs d’une bonne nouvelle, c’est ensemble que nous serons témoins de l’amour de Dieu. Ensemble aussi dans des collaborations avec d’autres Eglises, d’autres communautés chrétiennes. Travailler ensemble, c’est faire équipe. Mieux, c’est faire corps ! Cela demande de la coordination, c’est-à-dire de la compréhension mutuelle, de la confiance et donc de la communication. Tout comme Pierre fit signe à l’autre barque, sachons demander de l’aide à nos frères et sœurs en Christ, sachons répondre aux demandes d’aide. Le travail en équipe fait partie du savoir-faire que nous sommes appelés à exercer pour l’annonce de l’Évangile

Frères et sœurs, réjouissons-nous, notre Dieu nous rejoint dans notre quotidien.

Réjouissons-nous, il nous appelle à déployer notre savoir-faire, nos compétences. Il nous invite à la joie du travail bien fait. Réjouissons-nous, il nous donne de n’être pas seul mais de travailler en équipe, en communion, en fraternité.Réjouissons-nous car il nous promet une pêche innombrable, miraculeuse. Réjouissons-nous et lançons notre barque à la mer : il fait de nous des pêcheurs d’hommes. A l’écoute de la Parole, aujourd’hui, Dieu nous fait encore signe, Dieu nous appelle.

Et si sa Parole nous ravit, nous saurons à notre tour, ravir et captiver d’autres êtres humains qui eux-mêmes se laisseront captiver, capter par la Parole de vie et de liberté : l’Evangile de la grâce et du pardon de notre Seigneur Jésus-Christ. Amen !

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