L’adoration des bergers

Prédication de Jean Vitaux, le 1er janvier 2023

L’adoration des bergers est un épisode célèbre des Evangiles, mais il est singulier que seul l’évangéliste Luc nous en parle. Seul Matthieu parle aussi de la naissance de Jésus mais il la fait suivre immédiatement de la visite des rois mages sans parler des bergers. Contrairement aux rois mages, l’adoration des bergers n’est mentionnée de façon allusive que dans un seul Evangile apocryphes : La vie de Jésus en arabe dit simplement : « les bergers arrivèrent, allumèrent le feu et se réjouirent avec allégresse ». Le Protévangile de Jacques ne mentionne le berger que seulement dans le songe de Joseph.

Ce texte court ne peut pas se comprendre si l’on n’a pas lu les versets précédents du chapitre 2, où l’ange du Seigneur annonce aux bergers la Bonne Nouvelle, la venue d’un Sauveur. Ainsi Luc ajoute à l’annonciation faite à Marie, et à l’annonce faite à Joseph, présente seulement dans l’Evangile de Matthieu, une annonce faite aux bergers par l’ange du Seigneur. Seul Luc, donc, a donné une telle place aux bergers, gens simples, qui ne sont ni des prêtres, ni des gens instruits : il place leur adoration avant celle des rois mages, qui ne sont pas de notre monde mais qui annoncent l’universalité de la bonne nouvelle, contrairement à Matthieu et aux apocryphes qui ont insisté sur les rois mages et l’étoile de Bethléem, en rapport avec les conceptions antiques des naissances miraculeuses comme celle d’Alexandre le Grand. L’adoration des bergers donne une touche d’humanité à la naissance du Christ. Comme preuve de l’intérêt que porte Luc aux bergers, l’ange du Seigneur est rejoint par la multitude de l‘armée céleste des anges, contrairement aux autres annonciations.

Les bergers n’étaient pas des personnes de bonne réputation pour les juifs de l’époque, car ils n’étaient pas capables de se soumettre au code de pureté lévitique et ne payaient pas les dimes. On les pensait malhonnêtes et voleurs, car selon les règles lévitiques c’étaient des gens de mauvaise vie. Le verset 8 de Luc 2 dit : « Il y avait dans cette même région, des bergers qui passaient dans les champs les veilles de la nuit pour garder leurs troupeaux ». Or, on connait l’importance des veilleurs dans les Evangiles. Mais les Psaumes en donnent une autre image, le Seigneur est mon berger (Psaume23). Dans l’Evangile de Luc, les bergers reçoivent le message de l’ange et voient la Gloire du Seigneur briller autour d’eux, privilège insigne que même Moïse n’avait pu approcher.

Après avoir reçu l’annonce de la Bonne Nouvelle par les anges, les bergers se rendent en hâte à Bethléem pour voir ce que le Seigneur leur a fait connaître. Ils ont donc foi dans l’annonce de l’ange du Seigneur, et ils se hâtent, ce qui montre l’importance et l’impatience de leur foi.

Ils découvrent alors Marie, Joseph et Jésus dans sa mangeoire. Il faut rappeler que c’est ici, dans l’Evangile de Luc que l’on trouve la seule description de l’environnement de la naissance de Jésus. Le bœuf et l’âne sont des inventions des apocryphes, et la crèche une invention de Saint-François d’Assise.

Puis les bergers « firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant ». En vocabulaire théologique, ils témoignèrent et transmirent le message de l’ange : « je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie qui sera pour tout le peuple : aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un sauveur, qui est le Christ, le Seigneur ».  C’est la première confession de foi chrétienne, comme l’a montré Maurice Carrez. Les bergers, témoins à la fois du message de l’ange et de la vision de la sainte famille, témoignèrent de leur foi en récitant la première confession de foi ; les bergers ont entendu, ils ont obéi, ils ont vu : leur rôle est accompli.

Mais ils ne furent pas entendus ; les gens qui les écoutaient furent simplement étonnés. Seule « Marie retenait toutes ces choses et y réfléchissait » ; elle seule avait compris et les gardaient, selon les mots de l’évangéliste Jean. Ces bergers furent un peu comme les prophètes d’Israël, méconnus et incompris, écoutés mais pas entendus.

Et les bergers s’en retournèrent, touchés par la grâce du Seigneur, remplis de leur foi et heureux d’avoir témoigné. Le dernier verset conclut l’épisode par la circoncision de Jésus au 8°jour et l’attribution de son nom, Jésus.

Ce récit de l’adoration des bergers a frappé les lecteurs de la Bible, inspiré les peintres comme Roger van der Weyden, mais ce n’est pas seulement une belle histoire, c’est un message destiné à tous, dans tous les temps. L’interprétation du grand réformateur Martin Luther me semble toujours pertinente :

Martin Luther, dans ses sermons sur ce texte de l’Evangile de Luc, a insisté sur plusieurs points : le fait que la bonne nouvelle n’a pas été annoncée à tout le monde, mais personnellement aux bergers, afin qu’ils croient non avec la conviction de l’intelligence mais avec la foi du cœur. Luther insiste sur le fait que, les paroles de l’ange sont intemporelles et éternelles, elles ont été adressées aux bergers, mais elles continuent à s’adresser à tous, c’est-à-dire à chacun de nous.

Je pense donc qu’il faut considérer que chacun de nous est comme un de ces bergers de l’Evangile de Luc. Ouvrons-nous donc à la grâce du Seigneur, gardons notre foi dans le Seigneur et Témoignons de sa présence.

Amen

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