Frères vous avez été appelés à la liberté 

Texte biblique : Galates 5, 13

Prédication :

Une année se termine et l’usage veut qu’on jette un regard sur les mois écoulés et les principaux évènements, avant d’envisager l’année qui commence  demain, avec des pronostics et si possible de l’espérance.

Concernant donc ce que les anciens auraient appelé « l’an de grâce 2017 » nous pouvons en faire mémoire sur deux registres. Soit le personnel, familial et intime, soit le collectif, public et social. Dans le domaine privé chacun a eu ses joies et ses problèmes, les naissances et les deuils, la guérison ou la maladie. A chacun son histoire, à chacun son parcours, aucune synthèse n’est possible, aucune généralité tant nos vies sont particulières et tous les survivants que nous sommes de l’année 2017 peuvent dans le secret de leurs cœur et le silence de leur mémoire recueillir le souvenir des jours heureux et des heures de ténèbres. Et tout remettre à Dieu dans la reconnaissance et dans la confiance.

Quant à un bilan global et social de l’année qui se termine, il est aussi très difficile à établir. Je me garderai bien de concurrencer la grande presse qui ne manque pas de faire la liste des événements importants qui auront marqué cette année.  Vous ferez votre marché ou votre cueillette dans ce grand jardin de l’histoire politique et sociale, française et internationale, religieuse et chrétienne… sauf que je vais m’arrêter dans un premier temps de cette prédication sur les événements qui auront marqué en 2017 notre protestantisme, sa mémoire célébrée et ses projets annoncés. Car nous avons été comblés, permettez-moi de le dire, et je pense que vous êtes d’accord avec moi. Ce fut pour le christianisme protestant, dont nous sommes une part vivante, une véritable « année de grâce ».  Je ne puis tout rappeler tant c’est un peu partout qu’on s’est souvenu du commencement de la Réforme avec l’affichage  par le Moine Martin Luther de thèses concernant la vente des indulgences et par conséquent « le prix de la grâce ». C’était gratuit, « vous avez été appelés à la liberté ». J’y reviendrai. On a donc relu l’épître aux Romains, « le juste par la foi vivra », et organisé fêtes et rencontres, spectacles et conférences, en province autant qu’à Paris. On se souviendra notamment des représentations à Mialet, en plein été, avant le culte dont nous avons eu en tous cas l’écho par la télévision. Le colloque international à l’Hôtel de Ville de Paris fut d’une qualité qui explique son succès et son impact culturel et politique. Quant il nous fut dit par notre premier Magistrat : « S’il vous plait, ne désertez pas le désert », « il est pour la France une source vivante de sa richesse ». Et comme d’autres événements le confirmeront, la fête joyeuse à Strasbourg, la déclaration fraternelle du protestantisme au judaïsme, et ici même, de la disputatio fraternelle d’un soir au banquet convivial d’un midi, rien n’a manqué dans nos réponses multiples et joyeuses à l’affirmation de St Paul redécouverte par Luther : « frères, vous avez été appelés à la liberté… »

 

Deuxième partie, j’entre dans le vif de l’actualité et de l’avenir après le bilan des festivités. Car Paul ajoutait : « seulement que cette liberté ne laisse aucune prise à la chair… »
D’abord, remarque inévitable dans le climat et les polémiques de ces dernières semaines : Paul interpelle des gens en les appelants « frères »… Et je vois se lever les défenseuses,  se mettre en route les manifestantes, se mobiliser les militantes de la cause des femmes. Mon sentiment est que ces excès vont dans le bon sens, même si les médiations nécessaires poussent parfois à la caricature. Il est bien évident que pour les lecteurs du XXIe siècle, frères qui est masculin n’exclut pas les femmes, même s’il n e fait que supposer  implicitement les sœurs. Cela va sans dire mais encore mieux en le disant. Je n’ouvre pas le débat sur l’écriture inclusive, les meilleures d’entre nous n’ont pas peur du ridicule, toujours est-il que c’est un tournant dans notre culture implicite et qu’il était temps de remettre à l’ordre du jour la formule du même apôtre de la liberté chrétienne : « Il n’y a plus l’homme et la femme, car tous vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ ». C’est aussi dans l’épitre aux Galates (3 :28). Cette unité profonde des sexes n’exclut pas leur identité particulière, ce qui signifie qu’au-delà des discussions sémantiques, l’égalité n’est pas la similitude, mais la complémentarité des dons respectifs dans la communion des partages. On en reparlera à la sortie. Nous sommes tous et toutes appelés à la liberté. Oui, frères et sœurs, oui nous avons été appelés  « e » muet inclusif, à la liberté, le mot grec eleuthéria qui a autorisé Luther à modifier son nom.

APPELES A LA LIBERTE, mais, et c’est la troisième partie et la plus importante de cette prédication de fin d’année : oui, APPELES A LA LIBERTE, c’est Luther avec Saint Paul, mais il faudra ajouter : RAPPELES A L’ORDRE, et ce sera Calvin encore avec  Saint Paul. « Appelés à la liberté, rappelés à l’ordre », vous m’avez compris…
Autrement dit nous passons du premier commandement, aimer Dieu, au second qui lui est semblable : aimer son prochain. Nous passons de la liberté à l’obéissance, de la libération par l’Evangile après Luther à l’institution d’une religion chrétienne avec Calvin. Sans les opposer, mais au contraire dans leur profonde et complémentaire unité qui nous parle aujourd’hui en France de ce protestantisme comme « communion luthérienne et réformée ». Luthéro-réformée. Ne faisons donc pas de notre liberté « une excuse ou un prétexte pour vivre n’importe comment ». Et Paul précise ce qu’il appelle vivre selon l’Esprit et non selon la chair, ses pulsions et ses désirs : amour, joie, paix, patience, bonté ; bienveillance, douceur, maitrise de soi… (Galates 5, 22-23). Ces vertus chrétiennes comme fruits de l’obéissance en liberté concernent évidemment et au premier chef la communauté chrétienne elle-même. Le meilleur témoignage que les disciples du Christ pouvaient rendre dans l’Eglise des premiers siècles était la constatation des observateurs extérieurs : « Voyez comme ils s’aiment ».

Un dernier point avant de conclure puisque nous vivons certes en Eglise mais aussi en société. Pour les chrétiens, l’ECCLESIA, pour tous les habitants de la terre, la POLIS, la cité terrestre, la nécessaire régulation politique et même la contrainte policière pour que règne parmi nous un minimum de paix protégée, de nécessités secourues, de faiblesses protégées. Magnifique vocation de ceux qui gouvernent. Et Luther avait raison de mentionner dans son petit catéchisme, en commentant la demande de pain quotidien, de demander à Notre Père de nous donner entre autres « des supérieurs pieux et de bonne foi, un bon gouvernement, des saisons favorables, la paix et la santé ». Que souhaiter d’autre ? Calvin en disait autant, à propos du « gouvernement civil » et pour que, selon son admirable formule « l’humanité subsiste entre les humains ». Plus crûment encore, il fustige « ceux qui voudraient que les hommes vivent pêle-mêle comme des rats dans la paille » (I.C. IV.10). Aussi, conclut-il, « le but du régime temporel… est de nous former à toute équité requise à la compagnie des hommes et d’entretenir et conserver la paix et la tranquillité commune ». Prions donc pour les autorités qui nous gouvernent afin qu’elles remplissent bien leur mission de gouvernement. Car avec Paul, dans la même Epitre aux Romains, nous entendons cet appel à la liberté qui sera toujours suivi du rappel à l’ordre. SOYEZ CE QUE VOUS ÊTES. Afin que l’année prochaine on puisse souvent, très souvent entendre ce que disait récemment un journaliste à la radio : « On voit qu’il y a encore des gens humains sur cette terre ». Sic…

 

Je termine avec vœux pour 2018, une prière confiante et un appel à la vigilance. Pour notre paroisse, son conseil et son pasteur, pour toutes les activités dans et autour de ce temple, pour la fidélité et le courage de l’Eglise protestante. J’ai cité trois lieux, la paroisse, le temple et l’Eglise, concentriques et inséparables puisque nous avons le triple honneur et la triple vocation d’être peuple de Dieu, corps du Christ et temple de l’Esprit ». Depuis toujours appelés à la liberté, et chaque jour rappelés à l’ordre.

Ainsi soit-il


NOTRE PÈRE
Ton nom est sanctifié quand est faite ta volonté
Et que ton règne arrive car ce Royaume nous donne
Le bon pain quotidien,
Des cœurs réconciliés,
Le don de tes victoires sur nos tentations
Et la libération de nos maux et malheurs
Pour l’honneur de ton nom
Enfin sanctifié, enfin glorifié sans fin
Dans ton Royaume
Et dans la gloire enfin de ce premier matin