Cette étrange tentation du jugement…

Jean 8, 1-11

« Et Jésus gagna le mont des Oliviers. Dès le point du jour, il revint au temple et, comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les Pharisiens amenèrent alors une femme qu’on avait surprise en adultère et ils la placèrent au milieu du groupe. « Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes là. Et toi, qu’en dis-tu ? » Ils parlaient ainsi dans l’intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l’accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit à tracer du doigt des traits sur le sol. Comme ils continuaient à lui poser des questions, Jésus se redressa et leur dit : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. » Et s’inclinant à nouveau, il se remit à tracer des traits sur le sol. Après avoir entendu ces paroles, ils se retirèrent l’un après l’autre, à commencer par les plus âgés, et Jésus resta seul. Comme la femme était toujours là, au milieu du cercle, Jésus se redressa et lui dit : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur », et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus. » Jean 8, 1-11.

Chers paroissiens, chers visiteurs d’un dimanche, chères familles, chers catéchumènes. Oui j’ai bien dit chers catéchumènes, ce dimanche c’est à vous que je m’adresserai en particulier. C’est à vous en particulier à qui j’ai voulu m’adresser en préparant cette prédication. Ça n’a manqué  personne, nous l’avons annoncé au début du culte et plusieurs moments en portent l’emprunte, c’est un dimanche un peu particulier, c’est un dimanche des familles que l’on dit aussi dimanche KT, et quelle chance vous avez chers catéchumènes de pouvoir être ici ce matin, et nous quelle chance nous avons de vous avoir ce matin. Croyez-le ou non, le catéchisme ce n’est pas qu’une étape un peu embêtante de votre cheminement dans l’Eglise, ce n’est pas une activité contraignante pour faire plaisir à vos parents ou vos grands-parents et dont on a hâte de se débarrasser une fois la confirmation passée. C’est un peu caricatural et même si parfois j’ai l’impression de voir ce sentiment sur vos visages je sais bien que ce n’est pas votre sentiment à chaque instant de votre formation catéchétique. Mais si jamais cela vous arrive, de vous ennuyer. Ou de ne pas avoir trop envie d’être ici, figurez-vous que je le comprends. A votre âge on a des préoccupations qui ne sont pas toujours celles des parents. On a des doutes, on a des peurs mais aussi des passions et des idéaux qui ne sont pas toujours ceux des parents. Tout le monde ici a eu une adolescence. Tout le monde est passé là où vous en êtes maintenant, mais personne n’a été à votre place. Vous êtes ici, dans l’église, en cursus de catéchisme parce que, croyez-le ou non vous êtes en train de suivre un enseignement qui est important dans votre cheminement personnel maintenant et qui sera un trésor, un atout inestimable dans votre vie d’adulte et ça je comprends qu’on ne s’en rende pas vraiment compte maintenant.

Alors chers catéchumènes ce matin c’est à vous qu’est dédiée cette prédication, plaise à Dieu quelle vous instruise et qu’elle puisse apporter dans vos cœurs ce que l’église à humblement à vous offrir, la certitude que la parole de l’Evangile vous est adressée, que le Seigneur me soutienne, Amen.

Reprenons sans plus tarder notre texte. Nous l’avons tous entendu, ce texte est connu, très connu et si ce texte était tombé dans l’oubli une sentence aurait survécu à savoir : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché jette la première pierre. » Et elle est d’ailleurs tellement restée qu’elle a marqué la conscience populaire, si jamais nous avons des amateurs de Johnny Hallyday c’est la conclusion du refrain de la chanson « La première pierre », et cette sentence émaille aussi le refrain d’une autre chanson plus moderne, de Taylor Swift : « Cassandra », je cite :

« When the first stone’s thrown, they’re screamin’
In the streets, there’s a raging riot
When it’s “Burn the bitch”, they’re shrieking
When the truth comes out, it’s quiet
It’s so quiet”.

« Quand la première pierre est lancée, ils crient
Dans les rues, il y a une émeute déchaînée
Quand c’est « brulez la prostituée », ils hurlent
Quand la vérité ressort, c’est silencieux
C’est si silencieux. »

Fin de citation.

Quel récit, quel épisode difficile. Une femme prise en flagrant délit d’adultère est trainée dans le temple par les autorités religieuses et est placé devant Jésus qui, nous dit le texte, était en train d’enseigner, ou avait terminé nous ne le savons pas. Les autorités religieuses d’une certaine manière, prennent Jésus au sérieux et ils veulent le confronter. Ils veulent le confronter à une des situations les plus concrètes. Ils le mettent en face d’une application de la loi les plus froides et les plus cruelles. Permettez-moi de trouver ici une figure de notre rapport au monde, du rapport de l’église et au monde. Nous prêchons et vivons de la prédication de l’évangile et dans cette prédication de l’évangile qu’est-ce que nous aimons dire et entendre : « Grâce », « pardon », « confiance », « espérance », « amour », « patience », etc. En réalité pour le monde nous
pouvons mettre dans la bouche du prédicateur une bonne partie des sentiments humains les plus louables que l’église serait dans son rôle et jouerait bien son rôle. Et c’est aussi une question que vous vous posez chers catéchumènes. Les douleurs de ce monde et ces angoisses ne vous sont pas étrangers. Vous êtes au courant de l’actualité et vous ressentez les troubles mondiaux qui nous agitent et demain ce monde sera plus le vôtre que le nôtre.

Alors si en vous-même vous vous dites que l’église vous parle de bons sentiments décalés vis-à-vis des angoisses du monde, c’est une pensée légitime. Mais ce que j’aimerais vous dire c’est que les tourments du monde et les tourments de l’humanité sont des sentiments et des questions qui se trouvent au cœur de la Bible et au cœur de notre foi chrétienne. Un bon enseignement du catéchisme devrait pouvoir vous le montrer et vous montrer aussi que la façon d’appréhender ces questions sont un des buts fondamentaux de l’enseignement catéchétique. Et l’une de ces questions est traitée fondamentalement ce matin dans notre texte, Jésus a enseigné, nous ne savons pas ce qu’il a  dit, est-ce qu’il a prêché ? Est-ce qu’il a catéchisé ? Est-ce qu’il a répondu à des questions sur la Bible ? Sur l’actualité ? Sur lui-même ? Nous ne le savons pas. Mais ce que nous savons c’est que les autorités religieuses du temps ont attrapé une femme qui avait commis l’un des crimes les plus graves de ce temps qui était celui d’avoir eu une relation en dehors du cadre conjugal. Cette femme est prise et jetée aux pieds de Jésus et de la foule comme un simple exemple, déjà condamnée la certitude est qu’elle ne verra pas le jour se terminer. Reste maintenant à savoir ce que Jésus dira de son cas. Dans ce cas de figure traditionnel, nous, citoyens, avons été formés et vous l’êtes aussi actuellement, à penser la loi et l’esprit de la loi, le rôle de la loi et s’il y a faute le rôle de la peine. Réfléchissons simplement et systématiquement : cette femme est-elle coupable de ce qu’on lui reproche ? Réponse : oui elle a été prise sur le fait. Son tort contrevient elle à la loi ? Oui, c’est écrit dans notre même Bible qu’elle mérite la mort, et la mort par lapidation. Quelle est la conséquence logique : la mise à mort.

Chers catéchumènes, où sont donc les bons sentiments, où est le décalage vis-à-vis de la réalité que l’on reproche à l’église ? Les chrétiens savent penser, ils savent penser logiquement et peser avec sérieux et sans se voiler la face les réalités du monde, même les plus cruelles. Mais il y a un mais. Si nous devons être cohérent allons au bout de notre réflexion, la conséquence logique du raisonnement doit être exécutée, la femme adultère doit mourir.

Et bien si c’était le cas il n’y aurait pas d’Evangile, il n’y aurait pas de Jésus et il n’y aurait pas d’Eglise. Tout simplement. La décision de Jésus est originale et en nous paraissant anecdotique en réalité elle soutient l’équilibre fragile de l’Evangile. Vous  voyez une cathédrale. Imaginez un peu, une grande cathédrale, dans vos esprits. Des millions de tonnes de pierres et qui pourtant, par le génie et le talent des architectes forment un bâtiment qui laisse passer la lumière et qui, par des hauteurs impressionnantes montent finement vers le ciel ? Et bien les systèmes de voutes tiennent grâce à une pierre unique, la clef de voute qui soutient tout, tous les poids, toutes les forces reposent sur une unique pierre, la clef de voute. Si notre évangile était une cathédrale, cet extrait serait la clef de voute, « la pierre d’angle ».

Jésus ne condamne pas. Il n’est pas venu sur cette terre comme l’exécuteur d’un mandat, comme un procureur qui viendrait nous rendre compte de nos fautes. Mais il est venu pour susciter une prise de conscience. Peut-être que ceux qui l’entendirent au temps de notre évangile n’ont pas tout très bien compris, nous-mêmes faisons de notre mieux et sommes conscients de ce qui nous échappe. Si Jésus avait été compris, pourquoi les scribes et les pharisiens auraient jeté au déshonneur publique cette femme adultère ? Non quelque chose échappait à ceux qui assistaient à l’enseignement de Jésus. Et jésus, ce pédagogue, ce catéchète d’expérience va montrer une simple application de son enseignement. « Qui n’a jamais péché jette la première pierre. » la voilà la clef de voute. L’équilibre des forces vient de trouver son équilibre. La foule, les autorités religieuses et nous-mêmes dans ce monde, étions aveuglés par notre conscience logique et nos lois érigées en divinités nous étions passés à côté de ce pourquoi nous les avions formés. Nous poussions les forces d’un côté seulement et le commandement d’amour qui exerçait la force inverse était sapée.

A vouloir l’appliquer, cette grande force du monde, sans prendre en compte la force de l’enseignement évangélique, tous ceux présents autour de Jésus avaient oubliés qu’eux-mêmes un jour avaient fautés. Qu’eux-mêmes un jour avaient contrevenus à la loi et plus il était âgé, plus il en avait conscience. Notre monde a fait des progrès techniques et intellectuels sans précédents. Nous pouvons aller à peu près partout sur la planète en moins de deux jours, nous pouvons manger à peu près tous les produits que nous voulons à toutes saisons, chacun a à disposition plus de savoir que l’humanité n’a jamais eu juste avec son smartphone et tout cela ne peut pas aller seul et nous gouverner seul. Nous ne pouvons-nous en satisfaire. Sinon les forces ne poussent que d’un côté et la cathédrale s’effondre. Il faut un équilibre des forces pour que tiennent la cathédrale humaine. C’est nécessaire, ce n’est pas accessoire. Il nous faut « travailler au royaume du père » pourrions-nous trouver dans l’Ecriture. Et cela commence par un discernement. Chers catéchumènes, vous vous préparez à confirmer dans un peu plus d’un an les engagements du baptême. Au moment de votre confirmation vous serez « majeurs dans la foi » et vous aurez en mains les outils pour travailler cette foi, vous l’aurez en main et elle vous sera un bagage pour pouvoir être chrétien dans le monde. Puissiez-vous vous souvenir qu’ici c’est le commandement d’amour qui a eu le dernier mot et que sans celui-ci notre religion est vaine.

Puissiez-vous vous souvenir que l’enseignement de Jésus Christ n’étaient pas de beaux discours en déconnection totale avec notre vie mais bien le chemin de notre vie accompagnée par Dieu. Qu’il était pilier de cathédrale fait pour nous soutenir et sur lequel nous pourrons nous reposer et nous élever.

Amen.

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