Ce Dieu qui me dérange ou la parabole du bon samaritain
Jésus présente cette histoire en réponse à une question : Qui est mon prochain ? Faisant suite à la déclaration qu’il faut aimer son prochain comme soi-même. Il inversera alors les rôles, le prochain n’est pas celui que tu rencontres, celui qui te dérange sur ton chemin, c’est toi qui dois être le prochain des autres ! Ainsi tous deviennent ton prochain.
Celui qui se déplace, il allait de Jérusalem à Jéricho, de la ville sainte à la terre des hommes, cet itinérant attaqué par des brigands, ce réfugié perdu entre deux pays, cet autre, est-il une menace ou une ressource ? Est-il une opportunité ou un dérangement ? Cet autre qui me déplace, est-il une chance ou un piège ? Une habitude ou une nouveauté ?
Le sacrificateur et le lévite qui passent tout droit, ne sont pas de mauvais bougres. Au contraire, ils servent tous les deux le temple et, la loi juive, pour souligner la sainteté de la création et la valeur du sang lié à la vie, prescrivait qu’ils ne devaient pas être en contact avec de l’impureté (un cadavre, du sang, une blessure) au risque de devenir impur et de ne plus pouvoir servir Dieu. Jésus renverse ce concept, il enseigne que nos lois tant religieuses que civiles doivent être au service de l’autre et non asservir l’autre.
Mon attitude ressemble-t-elle à celle de ces deux compères lorsqu’un Roms me tend la main et que je me dis en mon for intérieur qu’il va venir voler mon vélo ? Lorsqu’un Syrien mendie à un croisement de route et que je me dis, est-il vraiment Syrien ? Lorsqu’un clochard m’aborde Porte de Clichy et que je me dis, c’est un mode de vie qu’il a adopté. Lorsqu’une femme ‘classe’ vient se servir à la banque alimentaire, et que je me dis : elle profite du système !
Cet autre qui me dérange, se pourrait-il que Dieu le mette exprès sur mon chemin pour m’enseigner quelque chose ? Qu’il est mon prochain, proche en distance et en qualité, c’est-à-dire mon égal ! Que nous sommes tous frères et sœurs en humanité, en création. Jésus n’a-t-il pas dit que si tu n’aimes que ceux qui sont aimables, tu ne fais rien de spécial (Matt 5 :46). Ainsi, au lieu de percevoir celui qui te dérange comme un ennemi, ne faudrait-il pas le voir comme un signe venant de Dieu… Plus facile à dire qu’à faire.
Aucune identité n’est donnée au blessé sur la route. Pour sa part, le samaritain, à l’exemple de qui nous devrions ressembler, a souvent été considéré comme une image du Christ. L’expression ‘ému de compassion’ typique de l’attitude de Jésus devant les besoins des gens lui est attribué. Il paye pour l’autre, comme le Christ a payé pour nous. Il annonce son retour, comme Jésus le fera à plusieurs reprises dans ses discours et ses paraboles. Il oindra d’huile, symbole de l’Esprit divin, et de vin, image de la Cène, le blessé…
Il faut avouer que j’ai de la difficulté à aimer comme Jésus dit qu’il faut aimer. Je ne peux pas aimer comme lui. Les aimer tous et tout le temps. J’ai besoin de l’aide de Dieu, du soutien du Christ, de la transformation de l’Esprit, pour aimer un petit peu, un tout petit peu, à son exemple. D’ailleurs si j’aimais trop les autres, je pense que ma femme me le reprocherait, je m’épuiserai, et de toute façon je serai bon pour l’asile après trois semaines et le cimetière après trois mois. Jésus, ça lui a pris trois ans… pour la croix.
Et ce blessé sur la route, est-il possible que ce soit moi ? Avec mes tourments, mes tentations, mes erreurs de parcours, mes blessures ! Et le Christ, revêtu du manteau de Samaritain, (un bâtard pour les Juifs de sang pur.) qui me tend la main, me relève, me fortifie, panse mes plaies. Et je dois accepter de me voir dans toute ma faiblesse pour profiter de toute sa richesse, de me voir avec toutes mes blessures, de me mettre à nu devant lui, de lui faire confiance, pour recevoir la guérison.
L’autre qui me dérange sur mon chemin, est-il également possible que ce soit Dieu lui-même ? Le blessé sur la route, le Christ ? Qui s’abaisse, allant de la cité des cieux, Jérusalem céleste à la Jéricho des hommes ? Attaqué par tous les brigands de la terre, tout le mal réuni luttant contre lui, le laissant à demi-mort étendu sur le sol les bras en croix ? Celui que le samaritain, c’est-à-dire, moi, va relever, mettre sur sa monture, comme Marie enceinte en route vers Bethléem, ou Jésus sur un ânon en route vers sa destinée. Laissé à l’auberge, là ou il restait encore une place, là où on lui fera une place, contrairement à cette nuit de Noël. Pour qui on donnera quelques pièces d’argent, non pour le trahir, mais pour le bénir. Ce Dieu qui quelque part nous dirait : Je compte sur toi. J’ai besoin de toi. Est-ce possible ?
Il y a une parole d’envoi que j’utilise régulièrement à la fin des cultes. Dieu n’a pas d’autres mains que nos mains pour tendre la main, passer un coup de main. Dieu n’a pas d’autres yeux que les miens pour regarder avec bienveillance, pour faire un clin d’œil. Dieu n’a pas d’autre bouche que la mienne pour prononcer une parole qui fait du bien, qui relève et fortifie. Dieu n’a pas d’autres oreilles que les miennes pour écouter les cris de détresse ou refuser d’écouter lorsque les choses ne s’y prêtent pas. Dieu n’a pas d’autres pieds que les nôtres pour avancer. Il pourrait très bien se passer de nous mais Il préfère compter sur nous.
Si Dieu est amour et que le grand chapitre de l’amour (1 Corinthiens 13) nous dit que l’amour croit tout, espère tout, supporte tout. Je me réjouis de penser que Dieu croit en moi, plus que je ne crois en moi-même. Qu’il espère en moi et qu’il me supporte très bien.
Pasteur Marc-Henri Vidal
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