A quoi sert l’Eglise ?

Lecture Biblique

 

Prédication

L’Eglise protestante unie de France a décidé de consacrer trois années consécutives au thème synodal « Mission de l’Eglise et ministères », et pour la fin juin notre conseil presbytéral doit préparer la contribution de notre Eglise locale à la première étape du processus synodal pour, je cite, « discerner une vision globale et ses grandes orientations » .

Fort heureusement de manière plus concrète, l’équipe de rapporteurs au synode régional a précisé le travail attendu de nous. Voici ce qu’elle nous dit :

La machine synodale est en marche, “il n’y a plus qu’à”…

Mais à quoi bon ?

Après tout, l’Église existe depuis des siècles, ne suffit-il pas de continuer à annoncer l’Évangile tout simplement ? Ne suffit-il pas de maintenir nos traditions et d’entretenir notre patrimoine ? Ne suffit-il pas de prier et de nous laisser inspirer ? De vivre la fraternité ?

Depuis un an, nous avons appris à nos dépens que tout peut changer très vite et que les évidences d’hier peuvent devenir brutalement obsolètes. Nous avons dû questionner nos habitudes, réviser nos priorités, adapter nos pratiques.

À des degrés divers, toutes celles et tous ceux qui participent à la vie de l’Église se sont interrogés sur la continuité de leur engagement et sur la place de l’Église dans leur vie et dans une société bouleversée.

Nous voilà donc lancés dans la réflexion malgré nous : à quoi sert l’Église ? Quelle est sa mission dans le monde ? Que faut-il conserver, changer, abandonner ou inventer pour être une présence pertinente et bénissante dans la société qui nous entoure, voire même un instrument de transformation ? Et de quels ouvriers avons-nous besoin pour remplir cette mission ?

L’enjeu, vous l’avez compris, n’est pas tant de donner une belle définition de l’Église sur le papier que de nous réapproprier ensemble la mission singulière que Dieu nous confie et d’assumer notre mandat.

Ensemble et individuellement. Parce que l’Église, avant d’être un tout, c’est moi, c’est toi, c’est nous.

Ce que nous déciderons ensemble nous impactera tous, puisqu’il s’agit finalement de “réformer l’Église en vue de sa mission” (2023) et de “mettre en application nos décisions” (2024).

 

Le Conseil presbytéral nous a proposé de consacrer ce temps de culte à donner nos propres réponses. Voilà comment nous allons faire.

 

Je vais introduire le sujet par quelques remarques bibliques et théologiques, aussi personnelles que possible ; comme une méditation autour de quelques textes. Le but n’est pas de répondre aux questions à votre place mais de vous aider à exprimer vos convictions, vos questions, vos doutes peut-être. L’idéal serait que vous ne soyez pas d’accord avec moi et que vous proposiez d’autres textes qui vous semblent essentiels, d’autres priorités dans la présence de l’Eglise au monde… Nous prendrons le temps pour nous écouter et aider ainsi le Conseil presbytéral à formuler les propositions de notre Eglise locale.  Je vous donnerai tout à l’heure les règles du jeu. Maintenant entrons dans le vif du sujet.

 

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Il me semble que la première étape de notre réflexion consiste à nous exposer, à être, explicitement, « témoins ». Il n’y a pas d’Eglise s’il n’y a pas de témoins. Luc termine son évangile par une rencontre de Jésus avec ses disciples, après la rencontre avec les deux d’Emmaüs. Il mange avec eux, il leur ouvre l’intelligence pour qu’ils comprennent les Ecritures, leur rappelle sa mort et sa résurrection… et il conclut : « on appellera chacun à changer de vie et à recevoir le pardon des péchés. Vous êtes témoins de tout cela. » Enfin, il leur annonce la venue de l’Esprit Saint

Vous êtes témoins de tout cela… vous comprenez bien qu’il ne s’agit pas seulement d’un témoignage journalistique, extérieur , d’un récit concernant Jésus; mais bien d’un témoignage intérieur qui rend compte d’une rencontre, comme le disent les deux d’Emmaüs : « N’y avait-il pas comme un feu qui brûlait au dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures ? »

Ce pourrait-être notre première question en travaillant en groupe tout à l’heure : Quel texte biblique vous fait brûler intérieurement ?

Pour moi il s’agit de Romains 6, 4 : ‘Par le baptême, donc, nous avons été mis au tombeau avec lui pour être associés à sa mort, afin que, tout comme le Christ a été ramené d’entre les morts par la puissance glorieuse du Père, nous aussi nous vivions d’une vie nouvelle’.

Si je prends au sérieux mon baptême, voici que je suis associé à la mort du Christ au point d’être entrainé avec lui dans une vie nouvelle. Je suis déjà mort avec lui et entré dans une vie nouvelle qui m’est donnée, cette victoire sur le péché ouvrant à une vie ‘pour Dieu dans l’union avec Jésus Christ’ (vt.11). Voilà ce qui est au cœur de ma foi chrétienne. Elle lui donne sa plénitude, faisant du chrétien ordinaire le témoin de l’œuvre de salut que Dieu a accomplie en Jésus Christ. Ma seule mission est d’être témoin de la grâce, et ce témoignage est donc de l’ordre de la reconnaissance.

 

Mais ce texte ne vous parle peut-être pas de la même façon qu’à moi. Alors je reformule la question que nous devrions nous poser, chacun pour soi : Quand je suis avec mes frères et sœurs dans la joie et la reconnaissance pour ce que le Christ a fait pour moi, je souhaite être témoin de quoi ? Fondé sur quel texte biblique ? Sur quelle expérience ? Traversé, probablement,  par quels doutes ?

 

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Le deuxième texte qui est pour moi au cœur de ma compréhension de la foi chrétienne est encore dans les épitres de Paul, cette fois dans l’épitre aux Corinthiens, au chapitre 12, où la reconnaissance de la diversité des dons de l’Esprit appelle l’image du corps pour qualifier la communauté des chrétiens.

4- 7. « Il y a diverses sortes de dons spirituels mais c’est le même Esprit qui les accorde. Il y a diverses façons de servir, mais c’est le même Seigneur que l’on sert. Il y a diverses façons d’agir, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous.  En chacun l’Esprit saint se manifeste par un don pour le bien de tous…..

12-13. Eh bien, le Christ est semblable à un corps qui se compose de plusieurs parties. Toutes ces parties bien que nombreuses forment un seul corps. Et nous tous, juifs ou Grecs, esclaves ou personnes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps par le même Esprit saint et nous avons tous bu de ce seul Esprit.»

Ce texte, me dit ceci :

Je n’ai jamais qu’une compréhension limitée de l’œuvre de Dieu, celle que me révèle le don limité de l’Esprit que j’ai reçu. J’ai donc toujours besoin des autres lecteurs des Ecritures, récepteurs des dons de l’Esprit, pour m’approcher d’une plus juste compréhension de l’œuvre de Dieu.

Et là, tout de suite, surgissent pour moi de multiples questions :

  • Mon Eglise locale est-elle le lieu d’écoute mutuelle et de partage qui nous donne, ensemble, la possibilité de jouir des dons multiples de l’Esprit ? Comment pouvons-nous améliorer cela ? Comment porter, par exemple, sans leur foi ceux qui traversent des moments de doute où ils leur semblent que l’Esprit ne souffle plus ?
  • Mais il faut aller plus loin. Pourquoi limiter à l’Eglise locale ? Pour des raisons pratiques évidentes, de proximité les uns des autres, de taille (on ne peut vraiment partager qu’en ayant un minimum de connaissance les uns des autres), peut-être aussi de culture spirituelle .. Tout cela est vrai. Mais ne met-on pas trop vite des barrières pour nous retrouver dans le confort d’un entre soi ?
  • J’ajoute alors que ce texte reste aussi pour moi le fondement de l’exigence œcuménique ; le corps dont il est question ne peut se réduire à l’Eglise protestante….

Alors que devons-nous changer, ou améliorer, ici et au-delà de nos murs, pour être une image du corps du Christ ?

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Restons avec l’image du corps pour franchir une autre étape avec ce texte de  l’épitre aux Romains et son chapitre 12, : ‘ Frères, (et sœurs) puisque Dieu a ainsi manifesté sa bonté pour nous, je vous exhorte à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, qui appartient à Dieu et à ce qui lui est agréable.  C’est là le véritable culte conforme à la parole de Dieu. Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer et vous donner une intelligence nouvelle. Vous discernerez alors ce que Dieu veut : ce qui est bien, ce qui lui est agréable et ce qui est parfait ’ (vt. 1-2).

 

Vous entendez que nous passons avec ce texte à la question « Témoins, comment ? » Nous avons dit – ou plutôt, j’ai dit et je vous invite à dire avec vos mots – que la mission de l’Eglise se fonde tout d’abord dans la reconnaissance pour ce que le Christ a donné pour nous et le chemin qu’il a ouvert. Et  c’est dans la reconnaissance commune pour les « dons de l’Esprit » que se constitue autour du Christ et en lui la communauté des croyants. Mais une communauté de témoignage… faisant échos à la bonté de Dieu dans sa manière de se mettre au service du monde, en discernant ce qui permet de s’approcher de sa justice et de sa paix, toujours tendue vers ‘ce qui est parfait’.

Il faut donc sortir de nos murs ou plutôt nous souvenir, ici, que nous vivons l’essentiel de notre vie hors de ces murs ‘communautaires’, dans un monde qui se veut « sans Dieu ». C’est pour moi de l’ordre naturel des comportements humains. La sécularisation est précisément cela, un monde au sein duquel les hommes sont à eux même leur propre référence. Le retournement de la foi chrétienne (et des religions monothéistes en général) qui consiste à reconnaitre une référence ultime hors de l’humanité ne peut être qu’un phénomène minoritaire.

Il faut donc comprendre la communauté chrétienne et la foi qui la porte comme parties prenantes de cette communauté humaine. Ou pour prendre une image : Comme le levain dans la pâte !

 

Faire échos à la volonté de Dieu ne peut donc se faire qu’en dialogue avec une communauté humaine qui ne se donne pas les mêmes références que nous. Mais dans ce dialogue, il nous revient de déterminer les domaines où il nous semble nécessaire de nous mettre à l’écoute de la parole de Dieu, ou du moins d’y faire échos.

Je le dis avec mes mots : Je crois profondément que le monde n’est pas soumis à la fatalité, mais qu’il est entre les mains de Dieu qui nous en a remis la gestion.

J’accueille donc avec une très grande attention et une très grande joie cette étape nouvelle de l’histoire de l’humanité que nous désignons par le terme de mondialisation. Elle me dit l’interdépendance des communautés humaines ; mais elle est marquée par une exploitation des déséquilibres humains, sociaux, économiques et culturels ; elle a pour conséquence les migrations ; elle révèle cruellement les déséquilibres écologiques qui mettent en cause l’avenir même de l’humanité. Et le poids ce ces interrogations pèsent sur les épaules des victimes, les laissés pour compte de ces transformations profondes de nos sociétés.

 

Comment faire échos à la volonté de Dieu et témoigner de la volonté de justice et de paix que nous donne la Parole de Dieu. C’est la question que notre Eglise doit pouvoir se poser : Comment est-elle un lieu où chacun de nous se prépare à témoigner en paroles et en actes ?

J’entendais cette semaine la Directrice d’Oxfam France parler du sauvetage de quelques migrants en Méditerranée. Avec une très grande humilité elle reconnaissait que pour quelques centaines sauvées de la noyade des milliers d’autres ne pouvaient l’être. Mais ses propos me disaient quelque chose de ce que nous devons être, dans les pas du Christ.

Ce que nous devons être, porteurs de « paraboles » qui incitent au dialogue, à la prise de conscience ; d’une protestation qui dise la radicalité d’un Dieu qui refuse le mal ; faisant échos au jugement sur nos actes, directs ou indirects, qui engage à exercer autrement notre responsabilité d’humains, croyants ou non.

Comment notre Eglise peut-elle être cela ? Dans son analyse et dans ses choix prioritaires pour dire une parole portée par l’Esprit de Dieu.

 

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Pour conclure, ou plutôt pour ouvrir au travail qui nous attend, écoutons encore la finale de l’évangile de Matthieu : « Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. 19 Allez donc auprès des gens de tous les peuples et faites d’eux mes disciples ; baptisez-les au nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint, 20 et enseignez-leur à pratiquer tout ce que je vous ai commandé. Et sachez-le : je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. »

 

Ce texte est porteur de toute une histoire ; une histoire de la mission qui a parfois, souvent, été assimilée à la colonisation, aux contraintes…. quand il a été oublié qu’il s’agissait d’offrir à tous les peuples la libération d’être disciples du Christ et non nos disciples ; d’être baptisés, c’est à dire de reconnaître et d’accueillir le souffle de l’Esprit ; et de se tourner vers la richesse infinie du témoignage évangélique.
Nous sommes faits témoins, dans la reconnaissance et dans la joie, de la présence du Christ, tous les jours … pour tous les peuples… jusqu’à la fin du monde.

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