Le texte que nous allons lire est dans l’Évangile de Jean, au chapitre XIV v.22.29. Il fait suite au texte de la semaine dernière, au chapitre XIII. Il s’inscrit dans les derniers entretiens de Jésus avec ses disciples [rapportés par l’évangéliste Jean dans les chapitres 13 à 17].
1. Derniers entretiens de Jésus avec ses disciples
Ces propos de Jésus se situent peu de temps avant son arrestation, son procès, sa mort sur la croix et sa Résurrection. Ils annoncent surtout la suite, au-delà de la vie terrestre de Jésus. Les propos de Jésus sont graves, affectueux et on peut dire tendres : « Que votre cœur ne se trouble pas et ne s’alarme pas », dit Jésus. Ils montrent l’attention, l’amour du Christ pour ses disciples en ces moments, qui sont les derniers qu’il va passer avec eux, avant la fin de sa mission terrestre.
Tout le texte est une réponse à la question d’un disciple, Jude. Le texte précise : pas l’Iscariote, pas Judas, celui qui va trahir et livrer Jésus. Question posée à la suite de propos qui pouvaient paraître obscurs aux disciples : « Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez… »
Jude demande : « Seigneur, comment se fait-il que tu doives te manifester à nous et non au monde ? » La réponse de Jésus n’est pas directe mais conditionnelle et se veut rassurante pour les disciples : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera ; nous viendrons vers lui et nous ferons notre demeure chez lui ». Ensuite, vous l’avez entendu, le message de Jésus est double. [Il dit aux disciples :] « Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais et reviendrai vers vous »
Cette phrase pourrait se lire comme l’annonce d’un départ puis celle d’un retour. Mais entendons-la plutôt comme l’annonce d’un double retour :
– retour de Jésus, vers le Père, vers Dieu ; « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais vers le Père », dit Jésus. Mais aussi son prochain retour vers les disciples et vers nous, par l’envoi du Saint Esprit : « Mais le Consolateur, le Saint-Esprit que le Père enverra en mon nom, c’est lui qui vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que moi je vous ai dit. »,
Jésus l’avait déjà annoncé au début du chapitre 14 : « le Père… vous donnera un autre Consolateur qui soit éternellement avec vous, l’Esprit de vérité… ». Ces paroles : « Je m’en vais et je reviendrai vers vous », sont a priori moins mystérieuses pour nous, qui connaissons la suite des événements. Deux mille ans après, nous lisons ce texte dans notre temps liturgique de l’année, plus précisément dans un inter-temps, un dimanche entre Pâques en amont, et, l’Ascension et la Pentecôte, en aval. Deux événements qui réalisent l’annonce du double retour de Jésus-Christ et la promesse de l’envoi du Saint-Esprit :
- – un mouvement ascendant, avec la montée de Jésus aux cieux, sa disparition de ce monde, de la vue des apôtres, à l’Ascension ;
- – un mouvement descendant, avec la venue du Saint-Esprit sur les apôtres, sous la forme de langues de feu, à la Pentecôte.
Dans ce double mouvement, c’est ce dernier, celui de l’envoi du Saint-Esprit, qui nous retient aujourd’hui, plus exactement de la promesse de l’envoi du Saint-Esprit, promesse dont nous savons qu’elle a été réalisée, à la Pentecôte et qu’elle est toujours réalisée. Mais, aujourd’hui, que signifie pour nous le Saint-Esprit ? Avant de tenter de répondre à cette question, qui demeure complexe, tant les réponses sont nombreuses, je vous propose un petit détour par une question : – Pourquoi notre paroisse s’appelle-t-elle Église protestante unie du Saint-Esprit ?
La réponse, je vais vous la donner. Je la tiens de Clotaire d’Engremont et aussi de Philippe qui connaît bien l’histoire de notre temple. Le nom de Saint-Esprit a été retenu, lors de la création de la paroisse en 1882, pour inscrire celle-ci dans le courant réformé orthodoxe, qui était celui des Églises dites « confessantes », qui étaient attachées à une confession de foi, par opposition au courant libéral des Églises dites « libres », qui étaient sensibles à une lecture historique, rationnelle et critique de la Bible. Ce petit détour, historique et ecclésial, nous conduit déjà à un élément de réponse à notre question fondamentale : – Qu’est ce que le Saint-Esprit pour nous aujourd’hui ? C’est d’abord un lien avec la Trinité.
2. Le Saint-Esprit est lié à la Trinité
Le Saint-Esprit, c’est la troisième partie de nos confessions de foi, du symbole des Apôtres, la croyance en un seul Dieu, en trois personnes. Vous le savez, c’est le Concile de Nicée-Constantinople, au IVème siècle [en 381 après J-C.], qui a établi le dogme de la Trinité, et consacré l’Esprit Saint comme troisième élément du Credo « Credo in unum deum », le symbole des apôtres.
Le symbole de Nicée-Constantinople peut se résumer par quelques extraits :
« Je crois en un seul Dieu le Père tout puissant créateur du ciel et de la terre
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Je crois en un seul seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu
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lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu
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Par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme.
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Je crois en l’Esprit Saint qui est seigneur et qui donne la vie, il procède
du Père et du Fils. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et
même gloire ; il a parlé par les prophètes. »
Le Saint-Esprit est donc mentionné deux fois :
- – une première fois, pour la conception du Christ par le Saint-Esprit, Dieu fait homme ;
- – une seconde fois, pour lui-même, le Saint-Esprit, mais lié au Père et à Jésus-Christ.
On peut être pris de vertige devant le nombre des commentaires du symbole des Apôtres, de la Trinité, des débats à ce sujet et du nombre de confessions de foi. Je vais ne citer qu’une exégèse du Symbole des apôtres, celle du Luther, et le passage sur le Saint-Esprit :
« Je crois que je ne puis, par ma propre raison, ni par mes propres forces, croire en Jésus-Christ,
mon Seigneur, ni venir à lui ; Mais que le Saint-Esprit m’a appelé par la voix de l’Évangile,
m’éclaire de ses dons, me sanctifie et me maintient dans la vraie foi ;
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c’est lui qui, au dernier jour, me ressuscitera, moi et tous les morts, et me donnera,
comme à tous les croyants, la vie éternelle en Jésus-Christ.
C’est ce que je crois fermement. » [Martin Luther, le Petit catéchisme]
Luther nous renvoie à l’Évangile, plus largement à la Bible. Et nous allons le suivre, à la recherche du Saint-Esprit, en un mouvement circulaire entre le Saint-Esprit et la Bible :
- – nous allons à la Bible avec l’aide du Saint-Esprit,
- – et nous entrons dans la Bible à la recherche du Saint-Esprit, des manifestations du Saint Esprit.
3. Le Saint-Esprit et la Bible
C’est, en effet, le Saint-Esprit que nous invoquons dans la prière d’illumination avant la lecture des textes, Car, ainsi que le dit Jésus dans le texte que nous avons lu, c’est le Saint-Esprit qui nous enseignera toutes choses et nous rappellera ce que le Christ nous a dit. Rappelons-nous aussi la confession de foi de la Rochelle (1571) :
« L’Écriture est la règle certaine de notre foi
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par la persuasion intérieure du Saint-Esprit »
Dans la Bible, l’Esprit de Dieu, le Saint-Esprit, ou l’Esprit, est constamment présent, dès le début de la Genèse, dans l’Ancien Testament, puis dans les textes du Nouveau Testament. Les manifestations du Saint-Esprit sont exprimées en notions abstraites, telles que « Le Consolateur », « l’Inspirateur », « le Défenseur » « l’Esprit de vérité » ; mais le plus souvent en métaphores, en images sonores ou visuelles. Le Saint-Esprit est associé à des images très évocatrices. Quelques exemples seulement.
3.1. Dans l’Ancien Testament, le Saint-Esprit c’est d’abord, la vie, le souffle de la création, traduit par l’image du vent.
C’est le sens du verset 2 du premier chapitre de la Genèse : « La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. » Ce verset 2 est suivi immédiatement du verset 3 : « Dieu dit : Que la lumière soit. Et la lumière fut » [Genèse 1, 1-2]
C’est l’aurore, l’aube de la création. Notons que l’Esprit de Dieu, Tout Puissant Créateur, est lié à la Parole de Dieu et à la lumière. Mais l’Esprit de Dieu, qui a parlé par les prophètes, ne se manifeste pas nécessairement par un vent violent ou un événement extrême. Pour le prophète Elie, l’Esprit de Dieu n’est ni dans la tempête, ni dans le tremblement de terre, ni même dans le feu comme pour Moïse. C’est « un son doux et subtil » qui se fait entendre au prophète Elie [Rois 19, 11-12].
3.2. Dans le Nouveau-Testament, le Saint-Esprit est totalement lié à la vie de Jésus-Christ, de sa naissance à sa mort et Résurrection, et à Dieu dans son éternité. Le Saint-Esprit « procède du Père et du Fils », selon le symbole de Nicée-Constantinople.
Retenons deux épisodes auxquels sont liés une image, qui nous est devenue familière, celle de la colombe :
- – le Saint-Esprit et l’Annonciation,
- – le Saint-Esprit et le baptême de Jésus.
[Le récit de l’Annonciation existe dans des termes voisins chez Matthieu et chez Luc.]
Nous n’allons retenir que le récit de Luc. C’est à Marie que l’ange Gabriel est envoyé, pour lui annoncer qu’elle sera enceinte, qu’elle enfantera un fils. L’ange lui dit « tu l’appelleras du nom de Jésus ». Devant l’étonnement de Marie, l’ange précise : « Le Saint Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. » [Luc 1 26-35]
Le Saint-Esprit est là aussi symbole de vie, de souffle créateur, mais aussi de puissance. Dans l’iconographie des tableaux de l’Annonciation, il y a classiquement le lys, symbole de la pureté de la Vierge Marie, et la colombe, symbole du Saint-Esprit. La colombe, nous la retrouvons au baptême de Jésus, avant qu’il commence son ministère, son baptême par Jean le Baptiste. Je n’en citerai qu’un Evangile, celui de Matthieu.
Dans Matthieu, Jean le Baptiste annonce la venue de Jésus aux Pharisiens et Sadducéens, qui venaient demander le baptême. Jean-Baptiste leur dit : « Moi, je vous baptise d’eau, pour vous amener à la repentance ; mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi… Lui, il vous baptisera du Saint Esprit et de feu. »
Puis vient le baptême de Jésus, qui sort de l’eau : « Alors les cieux s’ouvrirent et il vit l’Esprit de Dieu descendre sous la forme d’une colombe et venir sur lui. Et voici qu’une voix fit entendre des cieux ces paroles : Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui j‘ai mis toute mon affection » [Matthieu 3. 7-12, puis 13-17]
[Plus brièvement, mais avec les mêmes termes, la scène du baptême de Jésus est racontée par Marc [Marc 1. 9-12]. C’est également le bref récit de Luc [3. 21-22]. De la même manière, Jean évoque le baptême de Jésus, qu’il nomme « l’Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde » [Jean 1. 24-28 et 29-34]
[Les quatre récits des évangélistes montrent la venue du Saint-Esprit sous la forme d’une colombe.]
C’est le symbole, bien connu, de la colombe, tête vers le bas dans nos croix huguenotes. À l’inverse, sur notre livret de l’office, la colombe prend son envol, joyeusement vers les cieux. Les quatre récits disent que Jésus est le fils de Dieu, témoignage de l’amour du Père, qu’il est envoyé par le Père pour nous sauver du péché. Le péché, c’est ce qui nous éloigne de Dieu. Le Saint-Esprit est là pour nous aider à nous rapprocher de Dieu. Le Saint-Esprit c’est la Puissance qui vient au secours de notre faiblesse, ainsi que Paul l’écrit dans l’Épître aux Romains [8, 26].
L’autre métaphore du vent, nous la retrouverons à la Pentecôte, celle d’un souffle puissant, associée à une nouvelle image, celle des langues de feu qui se séparent et se déposent sur chacun des apôtres et les fait parler dans différentes langues, ce qui est l’annonce de l’Église universelle du Christ, avec toutes ses branches. Nous avons parcouru la Bible à grands pas, pour arriver à la réalisation, à la Pentecôte, de la promesse de l’envoi du Saint-Esprit. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Cette promesse est toujours réalisée.
4. Le Saint-Esprit pour nous
Pour nous, aujourd’hui depuis la Pentecôte, revenons à notre question fondamentale, qu’est-ce que le Saint-Esprit dans notre vie ? Le Saint-Esprit c’est d’abord, selon la très belle et très profonde formule du pasteur Michel Leplay : « la mystérieuse présence de l’absence ». Absence de Jésus-Christ, mais présence de sa Parole ; Lien permanent avec Dieu le Père, invisible, et qui nous semble parfois absent du monde ou tellement méconnu par les hommes. Le Saint-Esprit, c’est aussi de nombreux dons que Dieu, dans son amour, nous envoie. Le premier don est la paix.
Rappelons-nous dans notre texte : « Je vous laisse la paix. Je vous donne ma paix… » dit Jésus aux disciples. Mais ce n’est pas le seul don. Jésus évoque aussi, dans ses derniers entretiens, la joie donnée aux disciples après la tristesse. Les dons de l’esprit-Saint sont plus nombreux, notamment dans les lettres de Paul, qui se réfère abondamment à l’Esprit de Dieu, l’Esprit Saint ou l’Esprit.
Ainsi, dans l’épître aux Galates, Paul écrit : « Marchez par l’Esprit », qu’il oppose à la « chair », et il énumère ensuite les 9 dons de l’Esprit, qu’il nomme « le fruit de l’Esprit » : « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi ». [Galates 5, 22-23]
Ces dons de l’Esprit c’est aussi les vertus du Royaume de Dieu, celles auxquelles nous devons aspirer, que nous devons acquérir et cultiver. Mais ces dons de l’Esprit-Saint ne sont donc pas seulement des bienfaits, le don gratuit de la grâce et de l’amour de Dieu, mais aussi des exigences. L’Esprit-Saint nous est envoyé pour agir, pour témoigner de la présence de Dieu et de son amour ; non seulement pour nous aider à comprendre la Parole, l’Écriture, mais pour la transmettre, et contribuer à la venue du royaume de Dieu. Avec cette assurance donnée par le Christ, avant son Ascension :
« Vous recevez une puissance celle du Saint Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre ». [Actes des Apôtres, 1, 8]
Souvenons-nous aussi de la fin de l’évangile de Matthieu, du dernier message de Jésus aux disciples : « Baptisez-les (les nations) au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. » Cette injonction est suivie de cette affirmation forte : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » [Matthieu 28, 19.20] On peut ajouter : Avec vous par le Saint-Esprit. Confiant dans cette promesse de la présence divine, nous avons le choix des symboles, selon les moments de notre vie.
– L’Esprit Saint, ce peut être un vent puissant, qui nous secoue, nous réveille et nous élève.
– L’Esprit Saint, ce peut être un murmure, un son doux et subtil, qui nous apaise, nous réconcilie avec nous-mêmes, avec les autres et avec Dieu.
Alors, à nous d’entendre et d’écouter l’impétuosité du vent ou de percevoir le doux murmure du zéphir, de l’Esprit Saint. Permettez-moi de terminer par la citation d’une expression, que j’emprunte à ma fille Sabine : « L’Esprit Saint, c’est l’étincelle divine en nous, qui nous fait tenir en équilibre sur le fil de la vie ». Amen.
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