« Israël – Palestine : quelle solution ? »

Le titre choisi par le journaliste Stéphane Amar pour son dernier ouvrage aurait pu sonner comme une provocation : « Le grand secret d’Israël : pourquoi il n’y aura pas d’Etat palestinien ».
Pourtant, la soirée organisée dans notre église par le journal Réforme, le mercredi 30 janvier dernier, n’a rien eu d’un pugilat. Au contraire, il a permis de remettre en place un certain nombre de faits plus ou moins vagues dans les esprits et d’ouvrir à la réflexion…

En introduction, le pasteur Samuel Amédro a rappelé combien, depuis toujours, le protestantisme faisait face à une double contrainte. D’un côté, le philosémitisme, l’amour de nos grands frères juifs, intrinsèquement liée à la pitié réformée, au travers de la lecture des Psaumes. Ce lien avec nos racines juives est ancré dans notre patrimoine spirituel et historique. Il n’est que de rappeler, inlassablement, le combat de résistance des protestants pour sauver leurs frères et sœurs juifs, sous l’Occupation.
De l’autre, de très nombreux protestants se sentent proches politiquement et sont viscéralement touchés par le sort des Palestiniens, et particulièrement des chrétiens palestiniens. Les Palestiniens victimes de l’Histoire sont pour beaucoup nos petits frères de l’Evangile.
Cette double fidélité déchire les communautés protestantes, voire chaque protestant. D’autant que de nombreuses Eglises évangéliques sont sionistes. Le retour du Messie se fera sur sa terre du Grand Israël et signera la fin des temps.
Ce double contexte explique combien la controverse demeure.

Pourtant, Stéphane Amar a expliqué, tout au long de son exposé, pourquoi et comment la donne avait profondément changé et que cette double vision était aujourd’hui dépassée.
Stéphane Amar vit en Israël depuis 2003. Avec son épouse, ils ont fait leur alyah et vivent aujourd’hui avec leurs cinq enfants à Jérusalem.
Stéphane est correspondant pour de nombreux médias : Réforme; BFM, Arte,  la RTS (Télévsion Suisse Romande)…
De tous ces reportages sur le terrain, de ses dizaines de rencontres avec des responsables politiques ou de simples citoyens, des Israéliens et Palestiniens, des Juifs, des  musulmans et des chrétiens, il a tiré une conclusion : la solution à deux Etats est un mythe qui ne pourra jamais se réaliser.
En écrivant son livre, il a cherché à faire œuvre de réconciliation, en partant du vécu des gens et en expliquant combien une cohabitation paisible doit être l’horizon commun…, une position souvent inaudible chez les uns comme chez les autres.

Pour illustrer son propos, Stéphane Amar a, dans un premier temps, détaillé tous les plans de partage qui ont vu le jour depuis les débuts de l’histoire du sionisme, en 1881, et qui ont échoué les uns après les autres.  La richesse et la précision de son exposé ont permis à chacun  de revisiter un certain nombre de notions  un peu vagues : les accords Balfour de 1917, vécus comme une trahison par les Palestiniens, le massacre d’Hébron de 1929 qui fait prendre conscience aux Juifs  qu’ils ne sont pas les bienvenus,  le plan Peel de 1937 qui déjà part sur de mauvaises bases, le vote de l’ONU de 1947, la première guerre israélo-arabe de 1948-1949, qui signe la Nakba (la catastrophe) pour les Palestiniens avec l’exil de 700 000 d’entre eux. Pendant près d’une heure, Stéphane Amar  a retracé les grandes étapes de l’Histoire, de la Guerre des Six jours de 1967 aux fameux accords d’Oslo. Chacun se souvient en effet de l’incroyable poignée de mains entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, encouragée par Bill Clinton, à la Maison-Blanche le 13 septembre 1993.
Sauf que Stéphane Amar expliquera les dessous de cet accord, la position des uns et des autres, le double discours de Yasser Arafat, la politique de colonisation juive… La réalité derrière le mythe.

Pour Stéphane Amar, l’horizon des deux Etats n’est plus viable parce qu’il ne l’a jamais été. En effet, les deux parties en présence veulent les mêmes territoires : la Cisjordanie pour les Palestiniens avec Naplouse, Hébron, Béthel,  qui n’est autre que la Judée biblique pour les juifs.  La question de Jérusalem reste elle entière, avec les blocs de colonies de Jérusalem Est et la revendication des uns et des autres sur les lieux saints.
Pour lui, l’horizon est celui d’une autonomie pour Gaza et les 2 millions de Gazaouis, dans un Etat tourné vers la mer, et d’une intégration pour les 2 millions d’habitants Cisjordanie dans un Etat israélien au même titre que les 1,5 million d’Arabes israéliens. La question demeure alors: cet Etat sera-t-il démocratique et juif ?
Les arguments de Stéphane Amar repose d’une part sur les taux de natalité, aujourd’hui inversés, les femmes israéliennes faisant plus d’enfants que les femmes palestiniennes et sur la volonté, constatée par lui sur le terrain d’un désir de paix, plus que fort que tout. Pour lui, la majorité des Palestiniens de Cisjordanie veulent non plus se battre pour leur identité mais avant tout pour leur dignité, si souvent bafouée par les autorités israéliennes.

Que l’on soit ou non d’accord avec Stéphane Amar, cette soirée aura permis d’ouvrir des perspectives, de redonner du souffle à un débat si souvent stérile…

Nathalie Leenhardt, directrice de Réforme