« Personne ne nous a embauchés… »

Avouez que c’est une histoire étonnante :
Des ouvriers embauchés à des heures différentes qui en fin de journée reçoivent tous le même salaire.

Après la parabole du serviteur impitoyable (incapable, après avoir été libéré d’une énorme dette, de remettre une petite dette) dimanche dernier, une nouvelle parabole est proposée à notre lecture et notre médiation.
Dans l’évangile de Matthieu, selon nos Bibles, cette parabole est intitulée :

  • « Les ouvriers de la onzième heure » dans la TOB ;
  • « Les ouvriers dans la vigne » dans la FC ;
  • « Parabole des ouvriers embauchés à différentes heures » Colombe
  • « Les ouvriers de la dernière heure » dans la NBS

Vous l’entendez, ces titres ne parlent que des ouvriers.

Seulement voilà, cette parabole veut souligner l’attitude inattendue du « maître de maison ». La pointe de la parabole veut nous faire découvrir la bonté du maître qui va au delà de nos critères, et c’est la grâce (v. 14b) : « Je veux donner à ce dernier engagé (celui qui est le dernier) autant qu’à toi (le premier engagé) ».

Cet étrange employeur, frères et sœurs n’est autre que le Dieu de l’Evangile. Celui-ci bouleverse la logique des hommes pour qu’ils remettent en question ce qu’ils croient être juste.

A l’époque de Jésus, on divisait la journée un peu différemment qu’aujourd’hui ;

  • 7 heures du matin, c’était la première heure ;
  • 8 heures, la seconde ;
  • 9 heures, la troisième.

En suivant ce schéma, vous arrivez à 10 heures du matin : la quatrième heure de la journée ; c’est le moment de se préparer pour venir au culte.
Si on continue : la sixième heure, c’est midi, et ainsi de suite jusqu’à la 11ème heure qui correspond à notre 17 heures.

Mais, vous le savez bien : que l’on divise la journée d’une manière ou d’une autre, bien sûr, Dieu reste le maître du temps. Et il s’agit bien de Dieu, car, vous l’avez compris, cette histoire nous donne des indications sur la manière d’être, la manière de faire, du Dieu de l’Evangile, du Dieu de Jésus-Christ.
Notre Dieu est donc comparé à un propriétaire qui embauche des ouvriers pour travailler dans sa vigne à différentes heures du jour. Il a convenu avec les premiers embauchés d’un salaire journalier d’une pièce d’argent. Il embauche encore une équipe à la 11ème heure ; donc, comme je vous le disais tout à l’heure, cela correspond à 5 heures de l’après-midi et, précision importante : la 11ème heure, c’est juste une heure avant la fin du travail.
Or, au moment de la paie, il fait d’abord remettre une pièce d’argent à ceux de la 11ème  heure, c’est-à-dire à ceux qui ont commencé à travailler le plus tard ; et ensuite, comme promis, la même somme est donnée aux premiers venus.
Bien sûr, ceux-ci murmurent contre cette mesure qu’ils considèrent comme injuste ; ils ont, je pense, un peu raison si l’on se place uniquement sur le plan du travail et de la juste rétribution ; mais l’un d’entre eux s’entend répondre par Jésus : « Vois-tu d’un mauvais œil que je sois bon ? » ; et enfin le rédacteur de l’évangile de Matthieu trouve une conclusion en forme de coup de poing : « Les derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers » ;

nous reviendrons tout à l’heure sur cette conclusion sans nuance et finalement très violente et agressive.

Dès que j’ai lu ce passage de l’Evangile, ma première réaction, c’était de penser que ce texte « tombait bien », je veux dire qu’il était bien approprié pour un culte en ce début d’année scolaire ; et je vais vous dire pourquoi en trois étapes.

1 — Vous avez remarqué que, dans notre récit, il y a la même phrase répétée plusieurs fois : « Allez, vous aussi, travailler à ma vigne ».

De sorte que cette parabole devient un appel pour chacun d’entre nous pour que nous nous laissions embaucher pour travailler dans la vigne du Seigneur. Ainsi, nous commençons l’année scolaire avec cette invitation ferme : le Dieu de l’Evangile veut nous embaucher dans son chantier.
La vigne du Seigneur, c’est son peuple tout entier ; ce sont les hommes et les femmes qui nous entourent avec leurs peines et leurs conflits ; la société avec ses contradictions et ses tensions.
La vigne du Seigneur, c’est le monde dans son ensemble, mais c’est aussi l’Eglise et, dans la société comme dans l’Eglise, nous sommes appelés à venir travailler.

Travailler pour que la vigne porte du fruit : Allez, vous aussi, travailler dans ma vigne, dit le Seigneur ; recevons cette parole comme une invitation.

Et ce qu’il y a d’intéressant, c’est que, dans une paroisse, dans une Eglise locale, chacune / chacun doit et peut trouver sa place, sans forcément être dans toutes les activités.

Il ne doit pas y avoir de compétition entre nous ; certains peuvent donner une heure seulement ; d’autres sont plus présents ; et encore, suivant les moments de la vie, notre présence et notre disponibilité peuvent changer ;

Mais, de toute façon, les uns comme les autres ont le même « salaire » ; et le salaire, c’est la joie de participer à un travail « pour le Seigneur », c’est-à-dire un travail qui donne un sens et de l’espérance à notre vie. Ne pas se sentir « spolié » par le maître de maison ; mais reconnaître que nous sommes graciés par le Seigneur de la vigne (quelle image de Dieu faisons-nous fonctionner dans nos petites têtes ?)

 

2 — La deuxième raison pour laquelle je trouve que cette parabole tombe bien à propos, c’est qu’aujourd’hui, dans l’assemblée, il y a des parents et des anciens de l’Eglise ; il y a donc des gens qui travaillent depuis longtemps dans la paroisse ; on peut les comparer aux ouvriers de la première heure, et merci à eux pour leur fidélité. Mais il y a aussi des nouveaux et des enfants, en quelque sorte des ouvriers de la 11ème heure.
Est-ce que le Dieu de l’Evangile va dire : les anciens ont droit à un salaire plus important que les nouveaux ? Est-ce qu’il va dire : les parents vont recevoir davantage que les enfants ?

Non, nous sentons bien que, dans le domaine de la Bonne Nouvelle, de la découverte de l’Evangile, Dieu ne veut pas faire entre nous des niveaux hiérarchiques. Nous sommes tous, parents et enfants, nouveaux venus ou plus anciens des ouvriers, différents mais semblablement aimés et appréciés par Dieu. C’est pourquoi chacun a le même salaire, quel que soit son âge ou son ancienneté.

C’est très exactement le sens de notre parabole puisque, dans l’évangile de Matthieu, ce récit s’adresse à des pharisiens, des Juifs anciens, des ouvriers de la première heure ; et Jésus leur dit en substance : Attention ! Les païens convertis qui sont les ouvriers de la 11ème heure, aux yeux de Dieu, ont autant de valeur que vous.
Dans l’Eglise, à l’époque de l’évangéliste Matthieu, il y avait des anciens qui se considéraient comme « les premiers » dans le sens qu’ils estimaient mériter plus que les autres ; ils ont dû recevoir la conclusion de notre parabole : « Les premiers seront les derniers » comme un avertissement sévère.

Mais gardons à l’esprit et méditons cette promesse merveilleuse : que nous soyons anciens ou nouveaux dans la découverte de la foi chrétienne : Dieu nous réserve le même accueil, cette même pièce d’argent qui nous permet de vivre.

 

3 — Au fond, et ce sera ma dernière remarque, elle sera très courte, cette parabole des ouvriers de la 11ème heure, des ouvriers de la dernière heure, vient nous parler de la grâce de Dieu.

Aujourd’hui, comme dans notre récit, le Dieu de l’Evangile vient nous chercher ; quelle que soit l’heure à laquelle nous nous présentons, il nous embauche. Il nous donne une pièce d’argent qui, plus qu’un salaire, est le signe que nous lui appartenons.

Et si, dans notre parabole, les ouvriers de la première heure s’étaient réjouis de voir que les derniers embauchés avaient, eux aussi, leur pièce d’argent ?…
Alors il n’y aurait pas eu de murmures et de jalousie, de privilège et de hiérarchie, mais seulement de la reconnaissance devant la bonté d’un maître qui accueille tout le monde ; et c’est cela qui ressemble au « règne de Dieu », au « Royaume des cieux ».

Quitter la peur d’un maître despotique pour accueillir l’autorité du Seigneur de la vigne dans ma vie.

Et répondre joyeusement à cet appel : 

« Allez vous aussi (il n’y a même pas le mot travailler) dans la vigne ».

Que Dieu nous soit en aide !

Amen.

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