« La Trinité, qu’est-ce que ça veut dire ? »

J’ai encore bien des choses à vous dire mais vous ne pouvez les porter maintenant ; lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière. Car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu’il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir. Il me glorifiera car il recevra de ce qui est à moi, et il vous le communiquera. Tout ce que possède mon Père est à moi ; c’est pourquoi j’ai dit qu’il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi. Jean 16, 12-15.

Chers paroissiens, chers scouts, je ne vous cache pas mon appréhension à prêcher la Trinité, sujet théologique assez lourd et difficile et qui paraît maintenant un peu daté et pas très utile à nos vies de foi et à nos vies d’Église. Pourtant je vais tout de même essayer d’en faire ressortir  quelque chose pour nous ce matin de juin 2025. Alors oui la trinité c’est un peu difficile, et pas que pour nous, pour un peu tout le monde. Si difficile que d’éminents savants, d’éminents théologiens se sont violemment affrontés au cours des siècles prétendant avoir raison les uns contre les autres pour se rendre compte la plupart du temps qu’ils disaient un peu tous la même chose mais de manière un peu différente. Avec 2000 ans de christianisme on peut maintenant avoir un peu de recul et essayer de faire notre miel sans toutefois prétendre mieux savoir car nous sommes confrontés à ce que l’on appelle un « mystère », alors je sais bien que je suis dans une assemblée protestante et que nous les mystères ça nous fait un peu tiquer, je vous explique donc ce que j’entends par « mystère », un mystère c’est quelque chose de très particulier c’est-à-dire que contrairement à l’énigme le mystère plus on trouve des réponses et plus la question est profonde. Alors que l’énigme à une réponse que nous avons du mal à trouver. Nous sommes donc dans un mystère qui se prête fort bien à la recherche de nos intelligences mais qui se prête surtout à l’expérience de notre vie et de nos prières. Rentrons donc dans ce mystère de la Trinité.

La Trinité c’est la relation interne de collaboration et de communication entre trois pôles d’un même Dieu. Ce que la théologie traditionnelle dit sans que cela nous apporte beaucoup  spirituellement : « un seul Dieu en trois personnes ». Bon. Cette assertion de la foi elle a au moins 1700 ans, entérinée à Nicée, en Turquie qui a décidé une bonne fois pour toute ce qu’on pouvait dire de façon essentielle sur le Dieu des chrétiens. Mais le problème de cette entreprise c’est qu’elle aurait pu figer dans le marbre celui qui est qui étais et qui viens, Dieu vivant, en une formule dogmatique impressionnante, pas toujours compréhensible et surtout très figé. Alors que l’esprit de la Trinité c’est exactement l’inverse.

La Trinité ce n’est pas une doctrine monolithique qui nous tombe sur la tête comme l’histoire de la théologie a pu malencontreusement le faire. La Trinité est cœur vivant de la révélation, c’est la cellule de base de la vie de Dieu qui nous est transmise.

Souvent on parle de « testament » pour évoquer ce qui concerne les deux grandes parties de la Bible, le testament c’est le témoignage. Le témoignage d’une personne à une autre et souvent d’une personne qui va disparaitre à un légataire qui continuera le chemin. La transmission peut se faire uniquement par don d’un bien, un bien si important qu’il changera la vie du bénéficiaire du don, le mythe du fameux « tonton d’Amérique » dans les pièces de Feydeau, que personne ne connaît et qui décède en laissant une fortune à un lointain petit cousin dans la galère qui voit sa vie transformée par une fortune inespérée lui
tombant dessus.

Dans nos pensées un peu magiques il arrive que nous prenions parfois Dieu pour ce tonton d’Amérique c’est-à-dire que nous ne le connaissons pas, n’éprouvons pas d’intérêt particulier à le connaître, mais ne risquons rien à espérer de lui une fortune inespérée. Nous n’avons pas de risque à suivre ce chemin, en effet, mais c’est passer à côté du trésor qui nous est donné sous nos yeux.

Prendre la trinité au sérieux et faire l’effort de rentrer dans cette expression ancienne et traditionnelle de la foi c’est prendre connaissance de la vie même du grand légataire, celui qui préside à l’ancien et au nouveau testament, rappelons-nous de notre première lecture : « Le Seigneur m’a engendrée, prémices de son activité, prélude à ses œuvres anciennes. […] Je fus maître d’œuvre à son côté, objet de ses délices chaque jour, jouant en sa présence en tout temps, jouant dans son univers terrestre ; et je trouve mes délices parmi les hommes. » dit le proverbe. C’est depuis l’origine, la puissance intime de Dieu qui agit en nos existences et dans notre Évangile c’est la connaissance suffisante qu’il nous laisse pour que nos fois comprennent et contemplent le cœur même de la puissance vitale de la bonne nouvelle.

La trinité c’est l’intime d’une révélation qui nous est laissée sur le ton de la confidence et qui se doit d’être reçue par nous comme le témoignage d’une parole vivifiante.

Mais dans ce Dieu en trois personnes interagissant les unes avec les autres avec nous en son centre un piège peut nous guetter. Dans nos sociétés techniciennes nous serions tentés de voir dans cette expression l’exposé des attributs de Dieu. C’est-à-dire que chaque personne est dévolue à une tache, une fonction particulière. Ce n’est pas cela la trinité. Nous ne sommes pas dans une logique d’Avatar de Dieu le père qui prends des formes différentes selon la mission à accomplir. Nous pouvons peut-être mieux le comprendre en pensant à des pôles d’une même  personne et qui agissent en nos vies à des endroits et des moments différents et ces trois pôles nous englobent pour nous inclure au sein même de la vie de Dieu. Et c’est à ce moment-là que la trinité se vit plus spirituellement qu’elle ne se formule dans de brillantes sommes et démonstrations théologiques. Le Christ dans son Évangile était peu dissert et  nous a laissé l’essentiel en conscience : « J’ai encore bien des choses à vous dire mais vous ne pouvez le porter maintenant. »

Mon frère ma sœur nous sommes bien ce matin sur un texte de vie. Ce n’est pas l’inauguration biblique de trois statues que nous célébrons ce matin mais bien le récit d’une relation vivante et dynamique de Dieu, puissance vivifiante qui circule librement en nous et qui agit en notre direction de manière permanente, l’agir des trois personnes est entremêlé tels des fils d’une grande tapisserie, indissociables, faisant œuvre ensemble.

Nous sommes concernés par ce tableau, représentation que nous voyons souvent dans nos musées, de ce Dieu, père lumineux, tout en haut faisant descendre la colombe de l’Esprit sur son Fils. Le destinataire de ce testament c’est nous et le destinataire du dynamisme de la Trinité c’est aussi nous. Dans 4 versets c’est à au moins 5 reprises que le Christ nous interpelle pour nous parler de cette relation trinitaire. « Il vous fera accéder à la vérité », « il vous communiquera ». Cet agir interne de Dieu se fait en notre direction et c’est une bonne nouvelle car nous sommes au cœur même de son être. Un théologien ancien, Syméon de Thessalonique disait que :
Dieu le Verbe, par sa philanthropie, est devenu pour nous la source des biens, afin qu’étant devenus siens nous nous appropriions de lui comme d’une source ces biens spirituels. C’est précisément pour cela qu’il s’est fait homme, afin que nous nous unissions à lui et soyons sanctifiés par lui car Il est le Verbe de Dieu qui nous a créé au commencement et qui ensuite nous a recréés de nouveau par la volonté du Père et par l’action du Saint-Esprit1.

Alors mon frère, ma sœur, qu’en ce grand début du temps de l’Église nous nous comportions comme légataires conscients de la bonne nouvelle de Dieu et que nous sachions de qui nous sommes bénéficiaires. N’espérons pas seulement du monde à venir mais que nous nous  réjouissions de l’union et de l’amitié qui est faite maintenant même.

Que cette énergie de Dieu nous accompagne et nous entoure en son être même, nous qui sommes inscrits en son cœur, qu’il nous donne dans notre prière et nos intelligences de le contempler et de profiter de son souffle vivifiant pour nos êtres, de la confiance du père pour nos existences et nos quotidiens et qu’en chaque instant sur nos chemins nous puissions marcher aux côtés de son Fils, compagnon de route pour les siècles des siècles, Amen.

 

1 Syméon de Thessalonique, De Sacramentis 41. PG 155, 180D-181B.

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