Jésus préfère le don de la pauvre veuve aux prétentions des riches et des scribes

Evangile selon Marc 12, 38-44

Dans ce court chapitre de l’Evangile de Marc, Jésus oppose les scribes et les riches à la pauvre veuve déclassée.

Jésus est toujours méfiant vis à vis des scribes. Les scribes ont vu leur fonction varier et glisser avec le temps : d’abord comptables, capables d’enregistrer les entrées et les sorties d’un magasin ou du Temple, et secrétaires, sachant écrire des lettres ; puis des hauts fonctionnaires sous les règnes de David et Salomon, rédigeant les Annales et les traités, mais aussi des notaires rédigeant les actes de succession, les donations et les lettres de répudiation dans le cadre juridique du Temple ; et par glissement, les scribes sont devenus les spécialistes de l’étude de la loi, de son interprétation, et de son application dans les diverses circonstances de la vie. Plus haut dans l’Evangile de Marc (Mc 7,9 & 13), Jésus disait aux pharisiens et aux scribes : «  Vous rejetez bel et bien le commandement de Dieu pour établir votre tradition »  et « Vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous avez transmise ».

Dans le texte de Marc, Jésus exécute en paroles les scribes, chefs religieux du Temple : il désigne leurs défauts : vanité et ambition, cupidité et hypocrisie : vanité : « Ils aiment se promener avec de longues robes, être salués sur les places publiques » ; ambition : « [ils aiment] avoir les premiers sièges dans les synagogues et les premières places dans les diners ; cupidité : « ils dévorent les maisons des veuves » ; et hypocrisie : « et pour l’apparence, ils font de longues prières ».

Ces défauts des scribes sont caractéristiques des états cléricaux, là où le peuple est dominé par une autorité religieuse qui ne néglige pas pour autant les intérêts mondains et politiques : c’était le cas d’Israël à l’époque du Christ, mais aussi dans toutes les époques de décadence religieuse : on comprend que ce texte ait suscité l’intérêt de Martin Luther et des grands réformateurs face à l’église catholique de la Renaissance, aux intérêts temporels et aux intrigues de la papauté et des dignitaires de l’église. Le dominicain Tretzel qui vendit les indulgences à Wittemberg était un bel exemple de ces scribes, de leurs défauts et de leur hypocrisie, ce qui explique qu’il s’attirât les foudres de Martin Luther et inspirât l’affichage de ses 95 propositions, acte fondateur de la Réforme.

Mais il ne faut pas croire que ces défauts appartiennent au passé : ils s’appliquent aussi à tous les sachants, religieux ou non, qui ne sont bien souvent ni dénués de vanité, ni d’ambition, ni de recherche de privilèges ou de reconnaissance, voire d’hypocrise. Il faut donc que nous gardions en mémoire la première des béatitudes (Matthieu 5, 3) :

« Heureux les pauvres en esprit,

Car le royaume des cieux est à eux. »

 

Puis, Jésus en face du Trésor du Temple compare les offrandes des riches à celle de la pauvre veuve : ces offrandes étaient uniquement destinées au Temple, pour l’édifice et les besoins de culte et n’étaient pas destinées au soin des pauvres.

Il commence par mettre en parallèle le comportement des riches avec celui des scribes. Ils donnent de grosses sommes au Temple pour des raisons qui ne sont pas très différentes : Ils affirment leur prestige, leur  supériorité, leur vanité en donnant de grosses sommes : ce que font les scribes avec leurs connaissances, les riches le font avec leur fortune. Ils attendent tous deux une récompense pour leurs dons, terrestre ou céleste par un pieux calcul..

A l’opposé est l’attitude de la pauvre veuve. Les veuves étaient dans la société patriarcale du temps de Jésus au bas de l’échelle sociale, sans protection masculine, souvent sans revenus, à la merci de tous les prédateurs comme les scribes, comme il est dit plus haut. C’est pourquoi la loi mosaïque prescrivait au frère du mari décédé sans descendance d’épouser la veuve. Les scribes semblaient avoir oublié la parole de l’Exode : « Tu n’opprimeras ni la veuve ni l’orphelin » (Ex 22,21).

Jésus, attentif aux gestes de la vie quotidienne des plus humbles, observe le geste de la pauvre veuve : il voit que la pauvre veuve donne tout ce qu’elle a : alors que les riches donnent leur superflu ; de plus l’esprit de sacrifice de la veuve s’oppose complètement à l’avidité des scribes. Le Christ a une formule saisissante : «  Tous ont mis de leur abondance, elle, elle a mis, de son manque, tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. » Elle a donné son manque, c’est-à-dire tout ce qu’elle avait, c’est-à-dire sa foi dans le seul but de rendre grâce à Dieu. L’évangéliste Marc appuie son argumentation en nous faisant remarquer que la pauvre veuve donne deux piécettes, alors qu’elle aurait pu n’en donner qu’une seule.

Ce symbolisme de la pauvre veuve s’enracine dans l’Ancien Testament : dans le premier livre des Rois que nous avons lu tout à l’heure, le Seigneur envoie le prophète Elie à Sarepta où une pauvre veuve partage avec lui et avec son fils le peu de farine et d’huile qu’elle a,  tout ce qui lui reste avant de mourir de faim, car une sécheresse terrible frappait le pays. Le Seigneur la remercia en faisant en sorte que « Le pot de farine ne s’épuisera pas et la cruche d’huile ne se videra pas, jusqu’au jour où le Seigneur enverra la pluie sur la terre. »

Jésus tient donc dans ces quelques lignes à célébrer une fois de plus la gloire des anonymes, des petits, des sans-grade, des réprouvés, comme la pauvre veuve, mais aussi la samaritaine, les publicains. On retrouve là l’intérêt de Jésus pour, les femmes et les petits enfants. Ce texte entre donc en résonnance avec le sermon sur la montagne avec ses béatitudes, point d’orgue de l’enseignement de Jésus.

Ce texte nous invite à une double réflexion : d’une part à résister aux tentations de notre monde, car nous sommes tous plus ou moins tentés par les défauts des scribes que Jésus dénonce, vanité, ambition, avidité, hypocrisie, etc… D’autre part, Il nous incite à donner d’un cœur pur sans arrière-pensées, à témoigner ainsi de notre foi en réponse à la grâce du Seigneur.

Amen !

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