Grâce te soit rendue Seigneur, pour les récoltes de demain !

 

Ou du bon usage du dimanche des récoltes.

Voici frères et sœurs comment nous pourrions nommer la méditation de ce dimanche
matin, nous pourrions la nommer de bien d’autres manières, à l’évidence. Mais il me
semble utile ici de diriger notre attention sur un aspect particulier de la foi chrétienne,
une certaine manière de concevoir l’espérance, une espérance issue de la confiance
ancrée dans notre quotidien, les fruits de demain dans notre jour présent.

Soukkot, la fête des tentes, est un moment pour rendre grâce des récoltes, fête de
caractère agricole elle se tient aux temps des récoltes d’automne. Vécue comme une
fête d’action de grâce pour les bénédictions accordées par la nature pendant l’année
écoulée. Dans le judaïsme ancien cette fête devait très probablement revêtir son sens
premier, attaché à la terre tant le peuple judéen était dépendant de l’agriculture et de
l’élevage. A cette occasion il était tenu d’apporter au temple une offrande
conséquente, une part significative du moins des récoltes de l’année. Plus le peuple
hébreu était loin de sa terre et plus la fête prenait un sens différent. Le fruit de notre
labeur est du même acabit que les fruits tirés du sol par notre peine. Oui c’est déjà un
bon sujet de prière de remercier Dieu pour l’aide qu’il nous fait de nous permettre de
subvenir à nos besoins, le boire et le manger ne sont pas de maigres choses à ses
yeux. La deuxième signification que revêt cette fête de soukkot est la fragilité de
l’homme vis à vis de la grandeur de Dieu. Soukkot c’est le pluriel de Soukka, et
soukka en hébreu ça veut dire cabane. En effet les juifs étaient invités pendant le
temps de soukkot à vivre dans des cabanes, des abris de fortune pour méditer de la
fragilité de l’humain. Nous pouvons aussi méditer cela, nous avec nos faiblesses et
nos craintes dans ce solide temple haussmannien. Souvenons nous de nos pères dans
la foi qui prêchaient l’Évangile dans le désert, souvenons nous de nos ancêtres
camisards qui pendant des décennies vivaient leur soukkot et prêchaient ce Dieu qui
malgré la vulnérabilité du corps ne laissait pas l’ennemi s’attaquer à l’âme. Cette
double signification Christ en témoigne dans l’Évangile de ce matin, c’est ce que nous
méditerons aujourd’hui mais avant nous prions.

Prière.
Seigneur notre Dieu : tu sèmes ta parole dans le monde et dans nos cœurs. Le champ
de nos vies n’est pas toujours prêt à te recevoir. Prépare-nous ! Arrache de notre
champ les pierres, les épines et les soucis qui nous empêchent de t’accueillir. Fais de
nous une bonne terre ouverte à ta Parole.

Le dimanche des récoltes, je vais en rassurer beaucoup, n’est pas la fête de la
satisfaction, cette satisfaction qui consisterait à dire : Merci mon Dieu, mon ventre est
rempli de mets raffinés, grâce te soit rendu pour ma table débordante. Non. Bien sûr
que les prières des cœurs reconnaissants plaisent à Dieu, mais cette façon de procéder
n’est pas spécifiquement chrétienne, tout le monde sait dire merci. Alors pourquoi
devons nous spécifiquement nous, en faire un support de réflexion ?
Sautons les pages de notre Bible et remontons à l’histoire du vieux Noé, l’homme qui
survécu au repentir de Dieu et mourut, rassasié de jours à l’âge vénérable de 950 ans.
Cet homme qui survécu au déluge et qui reconstruisit tout sur une nouvelle terre rase,
qui, plein de la promesse de Dieu monta dans l’arche et attendit jusqu’à pouvoir poser
pieds sur cette nouvelle terre et planter une vigne. Quelles angoisses cet homme dut
supporter, quels tourments dut il traverser, qu’avait il en tête ? Qu’est ce qui le
maintint en vie dans sa grande barque que nous appelons arche que l’hébreu nomme
simplement boite. Je ne sais pas, les lignes de la bible sont dès fois trop serrées pour
pouvoir y consigner les sentiments de ces personnages qui nous accompagnent depuis
longtemps. Noé survécut à une catastrophe et son premier geste sur la terre nouvelle
fut d’inaugurer cette première étape de la récolte : la plantation d’une vigne. Nous
mêmes après nos déluges nous demandons souvent comment nous avons pu nous y
prendre pour le traverser et nous constatons souvent que les dégâts n’étaient pas à la
mesure de l’épreuve subie. Cela invite à la reconnaissance. C’est ce que nous pouvons
appeler de la résilience d’une certaine façon, une résilience qui appelle à la vie, une
vie qui est tirée par un horizon d’une grande puissance. Ce lendemain que nous ne
pouvons pas scientifiquement garantir, mais ce lendemain qui nous relève, ce
lendemain qui nous fait vivre. Ce premier pieds posé sur la terre sèche en quittant
l’arche, cette deuxième alliance que Dieu passa avec les survivants de la catastrophe.

Oui c’est une école de l’Espérance, notre Bible est manuel et témoin de cette
espérance, ne nous trompons pas d’horizon Jésus est là pour nous le rappeler. Et la
tradition que nous perpétuons nous offre cette chance de concentrer notre prière,
notre attention sur des supports simples et concrets, symboles des différents dons de
Dieu vers nous. Il y a la bonne façon de le comprendre, il y a la mauvaise. Je
commence à y venir.

La foi chrétienne ainsi que notre Sainte Bible sont des récits et des témoignages qui
invitent à une pensée dynamique. Je m’explique : ils ne souffrent pas d’être posés sur
une armoire ou dans un cabinet de curiosité, ayons cela en tête : notre foi chrétienne
ne supporte pas de mesures conservatives, elle est telle un savon humide, plus nous
essayons de le saisir et plus il s’échappe, l’Esprit souffle où il veut.

Ainsi ces fruits et ces légumes témoignent admirablement de la grâce de cette terre
nourricière, admirez les couleurs, admirez les formes, admirez les variétés et l’infinité
des différences qu’il pourrait y avoir entre deux fruits de la même espèce ! Mais ici je
ne vous apprendrai rien car je sais qu’il y a parmi nous de fins gourmets, des
cuisinières et des cuisiniers qui connaissent la valeur des produits de la terre et les
traite avec art et respect afin de sublimer leur goût par les arts gastronomiques.
Inspirons nous en pour incarner concrètement la foi chrétienne, cuisiner est une
prière.

Mais voilà, tout ceci est donné, ces légumes, ces fruits naissent d’une fleur ou une
racine d’une graine, ils croissent et mûrissent et s’ils ne sont pas consommés ils
pourriront et se désintégreront, traversant le temps, abimé par sa cruauté…

Le souci et l’inquiétude sont des fruits amers. Ils arrivent à point quand nous ne
voyons justement plus le lendemain. Ils éclosent quand notre attente ne voient
justement plus que la décomposition du fruit au lieu d’espérer la fraîcheur des
prémices nouvelles. Il en va de même pour notre Évangile, voyons les compagnons
de Jésus effrayés par leur lendemain quand ils ne regardent que leur pauvreté
d’aujourd’hui : « Ne vous inquiétez donc pas ! » Le chrétien, les pieds dans le présent
regarde à l’horizon de Dieu, il n’est pas invité à fuir dans un lendemain fantasmé mais
à attendre demain comme un présent responsable : Ainsi toutes nos richesses comme
posées sur cette table, nous pouvons passer notre vie à les contempler, notre vie à les
admirer mais si nous le faisons elles pourriront tranquillement ainsi que nous, collés à
elles, doucement sans nous en rendre compte.

L’idole n’est pas loin, cette fête nous le rappelle, ces fruits et légumes inertes nous le
rappellent.

Regardons ce potimarron qui semble nous dire : « Cher humain qui m’a produit,
prend plaisir à écouter le prédicateur, mais à la fin de son prèche va aux champs !
Mon temps est passé et je ne suis que de passage. Demain, dans une semaine ou un
mois je n’existerait plus. » En effet, tout cela se jouera demain. Ces produits sont les
fruits présents d’une espérance passée. Prenons acte et espérons demain, nous n’avons
vraiment pas le temps pour nous tourmenter. Notre héritage nous l’interdit et par
conséquent il est abominable de regarder en arrière. Tout ce qui a été conçu pour
notre édification n’a eu de cesse de nous projeter en avant, pourquoi cherchez vous au
tombeau le ressuscité ?

Oui les produits de la terre passent, se renouvellent. Mais notre espérance elle est
imputrescible, elle est inviolable, incorruptible car elle trouve sa source en Dieu. Ne
laisse pas ton âme dans l’angoisse nous dit l’évangile, mais trouve en Dieu ton
espérance et pas dans les fruits de la terre. Ils ne sont que des signes de bénédiction.
Ils ne sont pas la bénédiction. Il nous faut entendre cette promesse renouvelée, de
Noé à Jésus et dont notre vie témoignera toujours.

« Car tout cela les païens le recherche sans répit, car notre père céleste sait que vous
avez besoin de tout cela. »
Notre religion est concrète, notre Dieu vivant est bien réel et sait que nos corps ont
besoin de nourriture bien solide. « Donne nous aujourd’hui notre pain de ce jour. » et
complétons « Mais cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et tout cela
nous sera donné en surplus. » Nous sommes invités, encore et toujours à voir au delà.
Ici un repas symbole d’Espérance, Jésus notre présent préfigurant la plénitude d’un
lendemain matin.

Ces fruits, ces légumes sont des signes. Ce sont des signes comme ce pain et ce vin
que nous partagerons. Comme ceci ils ne signifient rien, ils n’ont aucun sens. Mais
quand nous les partagerons Christ sera parmi nous.
Quand nous mangerons de ce pain et que nous boirons de ce vin, Jésus nous dira :
Mon frère, ma sœur, c’est ensemble que nous communions, réunis ici et maintenant,
unis à cette même espérance du Royaume. Dans ces récoltes, dans cette moisson que
nous célébrons, ce sont les moissons de demain que nous préfigurons. Ces fruits et
ces légumes, ce pain et ce vin ne sont rien d’autre que de soupçon du don de la grâce
de Dieu envers nous. Nous avons reçu hier, nous recevons maintenant, Oh mon frère
ma sœur, pourquoi t’inquiète tu de demain quand il nous est assuré que ce qui nous
est est promis dépasse nos espérances ?

La foi n’est plus à attendre, Christ nous invitait à le rejoindre dans la vigne du père,
demain c’est la vie en plénitude que nous recevrons. Mon frère, ma sœur, à l’image
des récoltes d’hier que Dieu nous accompagne dans la moisson de demain, que nous
puissions accueillir en paix et reconnaissance sa grâce.

Amen.

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