Chronique Eglise universelle – Novembre 2024
XVI° assemblée Générale ordinaire du synode des évêques ; Le “Synode sur la synodalité” (deux sessions, Octobre 2023 et Octobre 2024)
Témoignage de Valérie Duval-Poujol, vice-présidente de la FPF, déléguée fraternelle pour l’alliance baptiste mondiale aux deux sessions du synode sur la synodalité à Rome
– Vous étiez déléguée fraternelle au dernier Synode romain sur la synodalité. Je pense que vous y représentiez l’Alliance Baptiste Mondiale…. Mais pouvez-vous nous dire comment vous avez été désignée et invitée, et comment vous avez vécu cette deuxième session de plus de trois semaines ?
Nos frères et sœurs catholiques sont au cœur d’un changement majeur, repensant complètement leur manière de vivre l’Église. C’est une période passionnante et un privilège qu’ils aient invité des délégués d’autres communions chrétiennes, non seulement pour témoigner, mais aussi pour prendre part au processus.
J’ai donc participé au synode sur la synodalité en tant que déléguée fraternelle au nom de l’Alliance Baptiste mondiale, à côté de quinze autres délégués fraternels : des orthodoxes dans toute leur diversité et des protestants (anglicans, mennonites, luthériens, réformés, disciples du Christ, pentecôtistes et méthodistes). Ces représentations incluent toutes les communions mondiales avec lesquelles les catholiques dialoguent ou ont dialogué.
Au total, 450 personnes ont participé au synode, dont 368 ont voté, parmi lesquelles 272 évêques et 96 non-évêques. En tout, 85 femmes ont participé, dont 54 ont pu voter pour la première fois de l’histoire de l’Eglise catholique.
A l’alliance baptiste mondiale, je suis vice-présidente de la Commission sur la doctrine et l’unité, c’est-à-dire l’organe qui monitore les dialogues œcuméniques au niveau mondial. Ayant participé à plusieurs dialogues internationaux et présidant celui entre catholiques et baptistes en France, ayant aussi la joie de vivre plusieurs lieux de collaboration avec des catholiques notamment au niveau des traductions de la Bible, mon Eglise a fait le choix de m’envoyer comme déléguée fraternelle au synode, une des rares femmes non catholiques (avec Anne-Cathy Graber, Mennonite).Ayant déjà vécu le synode sur la famille en 2014, j’ai vu des changements importants, des évolutions très positives, marque du pontificat du Pape François.
– Quels sont, vus par une théologienne protestante les points saillants de ce synode ?
Pointons d’abord la méthodologie, qui a pris le temps, avec du travail d’abord dans les paroisses, puis des remontées nationales et continentales pour chaque session du synode et entre les deux sessions. L’idée était d’essayer d’inclure tout le monde dans les réflexions, surtout les personnes en périphérie de l’Eglise. Une Eglise synodale est inclusive. La méthode lors des sessions a été celle de « la conversation dans l’Esprit », un discernement communautaire, une écoute mutuelle basée sur la prière et l’écoute. L’idée est que l’Esprit soit le grand protagoniste du synode et que les participants l’écoutent, en essayant d’entendre la voix de Dieu à travers ce que les autres nous disent et à travers les temps de silence. Comme l’a dit avec humour un évêque : « Nous savions que l’Esprit serait là, mais notre rôle c’était de l’écouter ! ». Certains, très enthousiastes, disent que si nous avions eu cette méthode lors de la Réforme, il n’y aurait pas eu besoin de Réforme !
Je retiendrai en particulier la dimension œcuménique du synode et du rapport final. Rappelons que la première session du synode a commencé par une veillée de prière œcuménique – une première historique ! Cette veillée, organisée pour les jeunes par Taizé, a donné le ton à l’ensemble du synode, qui a été centré sur le Christ, ouvert aux autres Églises, priant et silencieux. L’image du pape priant avec vingt autres responsables d’églises chrétiennes, un parmi tant d’autres, au moment de la bénédiction, restera longtemps dans les mémoires (comme la photo de Jean-Paul II à Assise pour une rencontre interreligieuse).
L’œcuménisme est mentionné à plusieurs reprises dans l’ensemble du rapport final[1],le souffle œcuménique le traverse de part en part avec notamment cette déclaration (N°40): « Nous réaffirmons l’engagement de l’Église catholique à poursuivre et à intensifier le cheminement œcuménique avec les autres chrétiens, en vertu de notre baptême commun, et en réponse à l’appel à vivre ensemble la communion et l’unité entre les disciples, pour lesquelles le Christ a prié lors de la dernière Cène (cf. Jn 17, 20-26). » Ajoutons aussi un changement de terminologie intéressant : les autres Eglises ne sont plus appelées « frères séparés » ou « communautés ecclésiales », mais communions chrétiennes.
– Pouvez-vous nous dire l’esprit dans lequel a été proposé un « synode œcuménique sur l’évangélisation » et quels échos a eu cette proposition ?
Les paragraphes N° 137-139 du rapport final décrivent l’élan œcuménique comme un des fruits du synode et dressent plusieurs propositions concrètes très intéressantes :[2] identifier une date commune de Pâques pour tous les chrétiens ; célébrer ensemble en 2025 les 1700 ans de Nicée afin « d’approfondir et de confesser ensemble la foi christologique et de mettre en pratique des formes de synodalité entre les chrétiens de toutes les traditions. » ; et « célébrer un synode œcuménique sur l’évangélisation. » Cette proposition, portée par Frère Aloïs de Taizé, a été soutenu par un vote important au synode Il montre combien les catholiques rejoignent là les conclusions d’un autre grand rassemblement mondial historique qui vient d’avoir lieu en Corée, le 4° congrès du mouvement de Lausanne où des Evangéliques du monde entier ont eux aussi confirmé leur élan missionnaire. « L’Esprit souffle où il veut » (Jean 3,8).
En tous cas, ce synode côté catholique n’est pas qu’un événement, c’est un processus, un état d’esprit, une conversion, une culture de la synodalité. C’est à la fois l’avenir de l’Église catholique mais en fait c’est aussi son histoire, car ce sont les intuitions de Vatican II qui sont enfin mises en pratique. Comme il est écrit au tout du rapport final, ce rapport est en fait « un acte de réception du Concile Vatican II ».
Le théologien Karl Rahner, cité par le cardinal Kasper, a dit du concile Vatican II qu’il n’était que le début d’un commencement. C’est certainement vrai pour ce synode ! Et j’attends avec impatience de voir comment va se dérouler la réception pour laquelle nous sommes appelés à prier pour et avec nos frères et sœurs catholiques.
[1] Le rapport en français : https://www.synod.va/en/news/final-document-of-the-xvi-assembly.html
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