Chronique Eglise universelle – Mars 2025

Fêterons-nous le 19 juin, les 1700 ans de l’adoption du Symbole de Nicée ?

Dans la chronique de janvier, en relation avec la semaine de l’unité des chrétiens, j’ai repris pour vous un article sur le Concile de Nicée et l’anniversaire de ses 1700 ans que nous célébrerons cette année. Je reviens aujourd’hui sur ce concile, pour vous donner quelques informations plus précises sur son contenu et les circonstances de sa réunion, ce par quoi j’aurais dû commencer.
C’est une page d’histoire qui mêle une intense recherche théologique avec les choix inévitables qu’elle comporte, ses « gagnants et ses perdants », le rôle des instances politiques, et les reprises au travers des siècles.

Pour ces quelques lignes, j’ai plongé dans le Dictionnaire critique de Théologie PUF 1998. Une mine de connaissance, et particulièrement les article sur l’arianisme, l’antitrinitarisme, les conciles, Nicée, la trinité, l’unitarisme.

J’ai trouvé dans la revue de la Faculté de théologie de Montpellier une explication contemporaine de la Trinité et pensé qu’elle vous permettrait de saisir l’importance de cette élaboration théologique.

JAC

Quelques données factuelles :

Le concile est convoqué par l’Empereur Constantin, tous frais de déplacements et de séjours payés par lui, pour les 300 évêques venus des Églises orientales (Syrie, Égypte, Palestine, Asie Mineure) et des Églises occidentales (Rome et Carthage). Les Églises de Perse et d’Arménie ont envoyé des représentants.

Le Concile se tient du début juin au 25 juillet 325 à Nicée, proche de la résidence de Constantin qui est alors à Nicomédie, sur la mer de Marmara (Constantinople/Istanbul ne sera créée qu’un peu plus tard).

L’Empereur Constantin agacé par les tensions créées dans l’Empire par les dissensions concernant la nature des relations entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit, va veiller personnellement au bon déroulement du concile et à ses suites.

Le Concile, outre la fixation d’une date commune de Pâques et la question de la Trinité (voir ci-dessous) va rédiger 20 décrets (canons) : 6 sur les structures de gouvernement (3 évêques co-célébrants pour les ordinations épiscopales, ; périodes fixées pour les synodes métropolitains ; primauté des siège d’Alexandrie, Rome et Antioche ; Privilège d’honneur du siège de Jérusalem). 7 canons concernent le clergé ; 4 la discipline pénitentielle ; 2 des schismes locaux ; le canon 20 interdit la génuflexion le dimanche et les jours de Pentecôte !

Le Concile de Nicée est le premier concile dit « œcuménique ».  7 sont considérés par les Orthodoxes comme tels, 8 pour l’Église catholique romaine sur 21 au total jusqu’au Concile du Vatican en 1965. Pour les Églises protestantes ils n’ont d’autorité que dans la mesure où ils interprètent correctement les Écritures ; seuls les 4 premiers essentiellement consacrés à la Trinité et aux deux natures du Christ répondent à cette exigence.

La question de la Trinité à Nicée

Arius, prêtre de Baucalis, quartier d’Alexandrie en Égypte, professe que le Fils de Dieu est « inférieur au Père ». Il sera condamné au Synode d’Antioche en 325, puis au Concile de Nicée, excommunié et exilé. Mais ses idées sont répandues et soutenues en Orient, notamment par deux évêques, qui n’acceptent pas l’autorité du siège d’Alexandrie. D’où les tensions jugées insupportables par Constantin.

La condamnation de l’«arianisme » par le Concile de Nicée ne mettra pas fin aux tensions. Constantin attendait des évêques chrétiens qu’ils contribuent activement au bien-être moral et à la paix sociale. La controverse arienne qui se prolonge et surtout les tensions entre évêques font échouer ce plan. Ses deux successeurs Constantin II et Valens cherchent des compromis. Mais Alexandre puis son successeur Athanase d’Alexandrie tiennent fermement au Symbole de Nicée et résistent à toute tentative de modification. C’est le Concile de Constantinople en 381 sous l’empereur Théodose qui confirme la décision de Nicée et proclame la divinité du Saint-Esprit (oublié à Nicée) ; d’où le nom conservé jusqu’à aujourd’hui de Symbole de Nicée-Constantinople.

Le symbole de Nicée proclame, à propos de Jésus :

Nous croyons … en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, de même nature que le Père, par qui tout a été fait.

Ainsi est exprimé le « mystère d’un seul Dieu, en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, reconnues comme distinctes dans l’unité d’une seule nature, ou essence, ou substance (le symbole utilise pour dire cela le mot ‘consubstantiel’).

Wilhelm Vischer, professeur à la Faculté de Théologie protestante de Montpellier écrit[1] : « A première vue la formule (Dieu unique en trois personnes) paraît absurde. Mais le problème a été discuté en grec et en latin où les mots prosopon et persona désignent le masque que l’acteur porte au théâtre, et ensuite le rôle qu’il joue, nous dirions le personnage.

Appliqué à Dieu, cela signifie que le Dieu unique Se présente de trois manières. La première : Il est et pense. La deuxième : Il dit ce qu’Il est et pense. La troisième : Il fait comprendre à l’homme ce qu’Il lui dit. »

Un peu plus loin dans le même texte, il revient sur le sujet [2]: « Il faut donc nous rappeler comment la notion de la révélation trinitaire a résolu le problème (de la relation Père, Fils et Saint-Esprit). A savoir : l’homme étant homme et pas Dieu ne peut entendre ni comprendre ce que Dieu pense, ni qui Il est, si Dieu le lui dit en tant que Dieu. Mais Dieu rend cela possible : Il parle à l’homme, comme un homme, par un homme, par Jésus. Remarquons avec quelle force les Apôtres, quand ils annoncent que le Saint-Esprit a établi Jésus Fils de Dieu, insistent sur son humanité, Paul en retenant que c’est ce Jésus qui selon la chair est issu d’une famille humaine, et Pierre en précisant que le Ressuscité est Jésus de Nazareth, cet homme accrédité auprès des hommes contemporains par des miracles, cet homme que ses contemporains ont fait crucifier par la main des impies. ….

Reste la question : pouvons-nous, avec les témoignages du Nouveau Testament, entendre ce que Jésus nous communique du Père.
– Non, nous en sommes incapables. Encore une fois Dieu Lui-même doit le rendre possible… Seul Dieu-Saint-Esprit peut et veut nous en rendre capables. Comme l’Apôtre Paul l’écrit aux Romains (8/15ss) : « Frères, vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père ! Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. »

Les protestants et le symbole de Nicée.

Les premiers réformateurs restent fidèles au dogme trinitaire, considéré comme le fondement du salut chrétien, même s’ils prennent souvent leurs distances à l’égard des formulations comme celle du symbole de Nicée, en raison de la difficulté de retrouver dans l’Écriture les formules trinitaires classiques.

Calvin dénoncera le verbalisme du symbole de Nicée : « Vois cette battologie : Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu. Il s’agit d’un poème, apte à être fredonné plutôt qu’une formule de confession[3] ».

Au XVIème apparait en Pologne, puis dans l’Europe entière une doctrine antitrinitaire, au nom d’une lecture renouvelée de l’Écriture, le socinianisme (du nom de son initiateur Socin) Des Églises dites unitariennes se développeront en Angleterre et aux Etats-Unis.


[1] Études théologiques et religieuses 1986/3

[2] Il s’agit d’une prédication pour le dimanche de la Trinité, et principalement sur le texte de Actes des Apôtres, chap. 2, versets 14 et suivant

[3] In J Rillet : Le vrai visage de Calvin, Toulouse 1982, Pribat. P.67.

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