Chronique de l’Eglise universelle – avril 2024

L’objet de cette chronique mensuelle est de nous faire porter nos regards vers des dimensions de l’Église qui n’appartiennent pas à notre quotidien, ouvrant ainsi notre connaissance et notre prière vers des situations qui méritent notre attention… à mon avis.

J’ai été dans l’incapacité de choisir entre les deux informations qui suivent ; en fait, je ne veux pas choisir : le témoignage sur les chrétiens de Gaza n’est ni plus ni moins important que la place de la création dans la vie liturgique de nos Églises. Notre humanité ne s’exprime-t-elle pas tout autant en compassion pour la souffrance qu’en attention à notre planète. JAC.

Gaza : Des mots de ténacité résonnent dans les décombres 

« Nous ne quitterons pas Gaza tant qu’il y aura une église debout. »

« Nous ne serons pas les derniers chrétiens à vivre à Gaza. »

« Nous avons tout perdu, mais nous ne perdrons ni notre mission, ni notre appartenance à ce lieu cher à nos cœurs. »

« Le christianisme a commencé ici et restera ici. » 

Tels sont les mots prononcés par Nader Abu Amsha, directeur exécutif du Département du service aux réfugiés de Palestine du Conseil des Églises du Moyen-Orient (DSPR-CEMO), qui tâche simplement de les aider à survivre jusqu’au lendemain. 

Abu Amsha estime à 400 000 le nombre de personnes vivant dans le nord de la bande de Gaza, dont environ 800 chrétiens de l’église latine de la Sainte-Famille et de l’église orthodoxe de Saint-Porphyre. Toutes ont faim. « Les gens mangent tout ce qu’ils trouvent – de l’herbe, des feuilles d’arbre», déplore-t-il. « Malgré cette situation insupportable, les voix que nous entendons de la part de nos frères et sœurs dans les églises sont déchirantes ; elles ont en commun la ténacité et une incroyable patience.

Le DSPR-CEMO coordonne l’aide des Églises à Gaza, en offrant un soutien médical, un conseil psychosocial et une aide alimentaire et non alimentaire. 

« Dans les deux Églises, le DSPR-CEMO soutient la communauté chrétienne, composée d’environ 800 personnes, qui s’est réfugiée dans les églises depuis le début de la guerre à Gaza, ainsi que la communauté voisine », explique Abu Amsha. « Le DSPR-CEMO leur permet de satisfaire leurs besoins fondamentaux, tels que la nourriture, l’eau potable, les besoins médicaux et l’hygiène, ainsi que le carburant pour faire fonctionner le générateur d’électricité ».

La DSPR-CEMO coordonne également des activités qui contribuent à réduire l’impact de la situation traumatique sur la santé mentale des personnes.

« Dans la partie sud de Gaza, principalement à Rafah, où plus de 1,5 million de personnes déplacées de force a trouvé refuge, le DSPR-CEMO gère un centre de soins de santé primaires qui couvre la plupart des spécialités et dispense gratuitement des traitements médicaux, des médicaments, des services dentaires et des services de laboratoire médical », indique Abu Amsha. « Le centre accueille en moyenne 500 patients par jour. »

Pour réduire la propagation des maladies transmissibles, le DSPR-CEMO propose des séances de sensibilisation à la santé à des groupes de femmes et distribue des trousses d’hygiène pour leur permettre de prendre soin d’elles-mêmes et de leur famille.

« La situation dans le nord de Gaza, où se trouvent les églises, est vraiment catastrophique », précise Abu Amsha. « La semaine dernière, les combats se sont intensifiés dans les environs des églises, ce qui empêche les gens de sortir pour rechercher de la nourriture et des ressources humanitaires. »

De nombreuses personnes souffrent de complications médicales dues à la malnutrition, à l’insalubrité de l’eau et à l’insuffisance des traitements. « Nous avons été témoins des attaques des chars israéliens contre les personnes qui se rassemblent pour recevoir de la nourriture et de l’aide ; ils empêchent par la force tout convoi de nourriture ou d’aide humanitaire d’atteindre le nord de Gaza et prennent même pour cible les camions qui s’aventurent dans le nord de Gaza.»

Alors qu’il continue d’encourager les gens à tenir bon, Abu Amsha aimerait que le monde entier prie pour Gaza, ce qu’il a exprimé par ces termes :

Priez pour un cessez-le-feu immédiat.

Priez pour mettre un terme à la famine à Gaza.

Priez pour la protection des pierres vivantes dans les églises de Gaza.

Priez pour les mères endeuillées de Gaza.

Priez pour les enfants affamés de Gaza.

Priez pour que nous puissions tous « connaître la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres ». (Jean 8-32)

Une « fête de la création ».

La célébration d’une « fête de la création » pourrait-elle devenir un point central du calendrier liturgique dans toutes les Églises chrétiennes ? Cette célébration de la création de Dieu pourrait-elle être considérée comme aussi importante que les autres grandes fêtes de Noël et de Pâques ? Les chrétiens pourraient-ils s’inspirer de leurs traditions respectives pour mieux comprendre les liens entre le récit biblique de la création et la crise environnementale actuelle ? 

Ces questions étaient au cœur d’un récent séminaire œcuménique qui s’est tenu dans la ville d’Assise, en Ombrie. La rencontre, qui s’est déroulée du 14 au 16 mars, était organisée par l’Institut de recherche Laudato Sì de l’Église catholique romaine, en partenariat avec la Fédération Luthérienne Mondiale, le Conseil œcuménique des Églises, le Conseil méthodiste mondial, la Communion anglicane et la Communion mondiale d’Églises réformées.

Intitulé « La fête de la création et le mystère de la création : œcuménisme, théologie, liturgie et signes des temps en dialogue », elle a réuni des responsables d’églises, des liturgistes, des universitaires, des scientifiques et d’autres experts pour explorer l’histoire de l’engagement chrétien dans le récit de la création, décrit dans le livre de la Genèse, dans le contexte du mouvement croissant en faveur de la justice climatique. 

Réfléchissant aux résultats de cette importante rencontre œcuménique, le secrétaire général adjoint, le professeur Dirk Lange, qui représentait la FLM à cet événement, a déclaré qu’il s’agissait d’un moment pour  » approfondir, avec les sœurs et frères catholiques, orthodoxes et réformés, la manière dont nos Églises ont développé – ou parfois n’ont pas réussi à développer – une théologie de la création « .

L’attention portée à la création, a-t-il poursuivi, a été une composante importante de la tradition théologique et liturgique luthérienne, mais jamais la création sans la croix – ou sans l’incarnation. Ces trois fondements de la foi chrétienne – la création, l’incarnation, la croix et la résurrection – sont « la vérité trinitaire que nous confessons dans le Credo de Nicée », a-t-il déclaré, rappelant la phrase de Martin Luther selon laquelle « le bois de la crèche est aussi le bois de la croix ». 

La création et la rédemption par l’incarnation et la croix, a noté M. Lange, « sont plus évidentes dans les sacrements » et ont également « façonné l’appel de Luther pour le renouvellement de la vie sacramentelle ». En se concentrant sur les éléments matériels ou « créés » que sont l’eau, le pain et le vin utilisés dans la liturgie eucharistique pour symboliser la vie et la mort de Jésus, les luthériens sont appelés à « prendre soin des eaux, de la terre, des fruits et de l’air ».

Une ‘Fête de la création’ « peut nous aider à trouver un nouveau langage et une nouvelle pratique pour incarner la vision de Nicée pour les fidèles, en particulier pour les jeunes qui sont particulièrement sensibles à la crise de la création ». (Dirk Lange, secrétaire général adjoint de la Fédération Luthérienne Mondiale pour les relations œcuméniques) .

L’Eglise orthodoxe a une tradition ancienne qui consiste à célébrer le 1er septembre comme le jour où Dieu a créé la Terre, tradition qui a été ravivée au cours des dernières décennies pour inclure à la fois l’action de grâce pour ce don de la création et des prières pour la protection de l’ensemble de la création. Au cours du séminaire, les participants ont réfléchi à la manière dont la crise écologique actuelle a forcé les Églises à penser et à agir de manière plus intentionnelle, sans « romancer [la création], mais plutôt en reconnaissant ses limites, ainsi que notre propre fragilité et notre dépendance ». 

De nombreuses églises chrétiennes dans le monde ont commencé à célébrer une fête de la création le 1er septembre, ainsi qu’une saison de la création d’un mois, qui s’étend jusqu’au 4 octobre, jour de la fête de saint François d’Assise. La proposition de Benjamin Steward, professeur à la Lutheran School of Theology de Chicago, de célébrer la fête le jour de l’équinoxe d’automne, lorsque la lumière du soleil tombe de manière égale sur le sud et le nord, a suscité l’intérêt des participants au séminaire.  La reconnaissance officielle d’une fête de la création dans le calendrier liturgique, a déclaré M. Lange, « pourrait nous offrir la possibilité d’élargir et d’incarner liturgiquement une théologie et une spiritualité trinitaires qui tiennent compte d’une grande diversité d’approches ».

En prévision de l’anniversaire, l’année prochaine, du Concile de Nicée, qui a défini le Credo utilisé par la plupart des églises aujourd’hui, M. Lange a noté comment une Fête de la Création peut contribuer à élargir et à approfondir « notre spiritualité trinitaire ». Plus encore, a-t-il conclu, « cela peut nous aider à trouver un nouveau langage et une nouvelle pratique pour incarner la vision de Nicée pour les fidèles et surtout pour les jeunes, qui sont particulièrement attentifs à la crise de la création et qui comprennent le pouvoir de la prière ».

FLM/P. Hitchen